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la religion. Il avait laissé à son fils une note confidentielle, codicile de ses préjugés et de ses antipathies dans lequel il représentait au Dauphin le duc de Choiseul comme l'ennemi public, et lui recommandait de le tenir à jamais éloigné de ses conseils. Louis XVI, en lisant cette note, avait cru entendre à travers le tombeau l'ordre d'un père. Un autre ministre lui était indiqué dans ce codicile : c'était M. de Machault, homme pieux et lié aux jésuites, qui n'avait de supérieur que la vertu. Il pensa à lui confier son règne; il lui écrivit de sa main pour l'appeler à Choisy. Le page chargé de porter la lettre était déjà à cheval. Une fille favorite de Louis XV, tante du roi, madame Adélaïde, princesse impérieuse et qui voulait s'assurer une influence dans le nouveau règne, conjura le roi d'appeler un autre guide pour son inexpérience. Ce ministre, d'une renommée de capacité plus imposante, était M. de Maurepas, fils de Pontchartrain, ministre de Louis XIV.

XXV,

M. de Maurepas, élevé dans les affaires, longtemps ministre pendant son âge mûr, vieilli dans la retraite, devait rapporter, selon la princesse, les traditions du grand règne et l'attitude d'une antique majesté au règne nouveau, Louis XVI, indécis et influencé par le dernier mot, écrivit à M. de Maurepas. Il reprit la première lettre des mains du page, lui donna la seconde et le di

rigea sur une autre route. Si le page était parti quelques minutes plus tôt pour porter le premier message, la crainte de faire un affront à M. de Machault aurait empêché Louis XVI de le rappeler. Un retard de quelques minutes dans l'équipement d'un cheval changea le sort d'une monarchie. La destinée des rois et des empires prend quelquefois l'insignifiante apparence d'un hasard. La gravité de M. de Machault aurait donné aux événements un autre cours que la légèreté de M. de Maurepas.

XXVI.

Le caractère de M. de Maurepas était cette légèreté sénile plus funeste que la légèreté de la jeunesse, parce qu'elle ne se corrige plus par les années, et qu'elle donne aux mauvais conseils l'autorité d'une longue vie. Ce ministre prit, en arrivant, sur le roi l'ascendant d'un maître sur un disciple, d'un père sur un fils. Louis XVI, entièrement asservi par son respect pour ce vieillard, ne parut au conseil que pour ratifier aveuglément sa politique. Il fut interdit aux ministres secondaires de travailler avec le roi hors la présence du chef du conseil, afin de conserver l'unité de vue et de direction dans le gouvernement. M. de Maurepas prémunit surtout son royal élève contre le danger de laisser la reine prendre connaissance des actes de l'administration. Il lui montra l'influence intéressée et fatale de l'Autriche, prête à épier ou à influencer la politique de la France

dans le cœur de son roi par l'ascendant naturel d'une archiduchesse fille de Marie-Thérèse, dont les intérêts de fille étaient opposés à ses intérêts d'épouse. Il encouragea le roi à compenser cette exclusion nécessaire de la jeune reine de son conseil et de ses confidences par une liberté absolue et par les distractions les plus illimitées accordées systématiquement à la princesse. La bonté du roi et son indifférence prolongée pour l'union conjugale, qui le rendait inaccessible à toute jalousie d'époux, ne concordaient que trop avec les susceptibilités inquiètes de M. de Maurepas. On donna en luxe, en liberté et en plaisirs à Marie-Antoinette tout ce qu'on lui refusait en crédit. On la traita en idole adorée de la cour, pour lui faire oublier qu'elle était reine. La tristesse qu'elle éprouvait de la négligence de son mari et de sa longue stérilité, l'adulation, le goût passionné des plaisirs, le sentiment de ses charmes méconnus par le roi, idolâtrés par les courtisans, l'ennui du cérémonial fastidieux de Versailles, les souvenirs de la vie familière, libre et intime du palais de Vienne, le besoin de chercher dans des amitiés ardentes l'occupation de cœur et les délices des confidences que l'amour lui refusait, enfin un caractère naturellement superbe et léger qui avait le besoin de recevoir un culte et qui changeait d'adorateurs, la jetèrent dans le goût et dans l'habitude des favorites. Nous verrons bientôt leur empire sur elle et sur le gouvernement, quand nous raconterons ces amitiés de la reine.

XXVII.

M. de Maurepas, longtemps éloigné des affaires, comme nous l'avons vu, croyait reprendre le gouvernement à la période où il l'avait quitté vingt ans avant. N'ayant pas changé lui-même dans la solitude et dans les loisirs de sa retraite, il pensait que rien n'avait changé autour de lui. Il ignorait l'éclosion d'un nouvel esprit dans le siècle et la puissance de cette force nouvelle appelée l'opinion publique. Il était convaincu par les routines de sa jeunesse que la monarchie de Louis XIV, transmise tout entière avec le sang de ses descendants, était quelque chose de divin ou d'immuable comme une religion, que les mobiles mouvemens de la pensée des sujets ne s'élèveraient jamais jusqu'aux fondements du trône absolu, et que tout le secret d'un premier ministre était de dédaigner ce vain tumulte d'idées nouvelles en satisfaisant à propos quelques intérêts ou quelques ambitions. L'homme de cour, après un certain temps, devient incapable de comprendre un peuple.

M. de Maurepas commença par populariser le prince par les libéralités qu'il lui conseilla. Le roi renonça, pour la reine et pour lui, aux subsides attribués par l'usage aux nouveaux règnes sous le nom de droit de joyeux avénement. Il annonça des réformes et des économies dans les dépenses; il appela au ministère des hommes recommandables par l'austérité de leurs

mœurs, et qu'on appelait le parti des honnêtes gens de la cour. Le comte de Muy reçut le ministère de la guerre; M. de Vergennes, diplomate studieux et versé dans la politique de l'Europe, les affaires étrangères; un jeune administrateur du Limousin, M. Turgot, fut élevé au ministère de la marine. C'était une caresse aux économistes, secte née à la fin du dernier règne dans les salons de la maîtresse du roi, madame de Pompadour, des méditations du docteur Quesnay. Les économistes étaient les philosophes pratiques de la finance; ils avaient fait de la richesse des Etats une science dont le premier élément était la liberté du commerce et des industries. Dédaigneux de la religion et de la liberté politique, la prospérité publique était à leurs yeux le seul but des gouvernements. Enrichir le peuple, c'était, selon leur doctrine, autant que le moraliser. Ils étaient les matérialistes de la philosophie. Parmi leurs théories non encore expérimentées, les unes étaient vraies, les autres chimériques, mais toutes étaient neuves et prestigieuses, et l'attrait de la nouveauté et du mystère donnait un grand crédit à leur secte. Elle était le berceau d'une science qui a fait des progrès incessants depuis, mais qui n'est point encore achevée. M. Turgot associait en lui à sa foi dans cette science un mérite réel et des qualités éminentes.

XXVIII.

Juste, modéré, impartial, ami du peuple et aimé de

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