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gues pensées et des mesures énergiques de gouvernement. Il craignait pour la monarchie les déplacements toujours dangereux de base, il craignait pour luimême les soucis des difficultés : il voulait que le gouvernement vécût comme lui, de régime, de vieillesse et d'immobilité. Il fit ajourner les plans régénérateurs de M. de Malesherbes et de Turgot. Malesherbes se retira dans la solitude. Mais par une inconséquence qui attestait la légèreté du premier ministre, M. de Maurepas, après avoir repoussé les idées, rappela bientôt auprès du trône le philosophe exilé. M. de Malesherbes fut nommé ministre de la maison du roi, et renforça dans le conseil le parti de Turgot. Il chercha à promulguer en matière de conscience une tolérance d'état qui corrigeait les rigueurs de la révocacation de l'édit de Nantes contre les protestants.

Ces premières atteintes à la tyrannie de l'Église exclusive révoltèrent l'assemblée du clergé. Ce corps, dans ses représentations au roi, regretta «< ce temps où les >> hommes qui professaient un autre culte que celui » de Louis XIV étaient obligés de chercher la solitude >> des déserts et les ténèbres de la nuit. Il accusa d'un >> monstrueux athéisme l'opinion des novateurs. >>

Les représentants du clergé qui portaient au roi ces sommations si intempestives pour la foi étaient l'abbé Loménie de Brienne et l'abbé de Talleyrand, deux prélats futurs, dont l'incrédulité et les mœurs contrastaient avec le langage et présageaient les apostasies.

M. de Malesherbes ne répondit à ces murmures du clergé qu'en faisant appel à une puissance non encore constituée mais supérieure: l'opinion publique. « Il » s'est élevé, dit-il, un tribunal indépendant de toutes >> les puissances et que toutes les puissances sont obligées de respecter l'opinion! et dans un siècle où >> chaque citoyen peut parler à la nation entière par » la voix de la presse, elle est au milieu du public >> dispersé ce qu'étaient les orateurs de Rome et d'A>> thènes au milieu du peuple assemblé. »

XXXI.

La mort du comte de May, ministre de la guerre, introduisit dans le conseil du roi un autre novateur qui menaça la noblesse militaire des mêmes réformes dont le parlement et le clergé s'alarmaient.

C'était le comte de Saint-Germain, officier estimé, mais bizarre, sorte de Cincinnatus moderne arraché à son jardin pour réformer l'armée française. Il souleva contre lui tous les corps privilégiés de la maison militaire du roi. Il révolta le soldat en exagérant la discipline et en substituant les brutalités des coups de plat de sabre aux punitions qui respectaient l'honneur. L'impopularité du comte de Saint-Germain rejaillit sur Turgot et sur Malesherbes. Les économies de Turgot sur les dépenses de la cour ramenaient lentement l'équilibre dans les finances, mais le murmure des cour

tisans s'élevait de jour en jour plus unanime contre le ministère. Le roi, qui ne savait supporter aucun refroidissement de son peuple, cherchait déjà à remplacer ces ministres par un homme plus agréable à l'opinion. Une correspondance secrète que ce prince entretenait, à l'insu de ses ministres, avec un écrivain futile et intrigant, le marquis de Pezai, lui indiqua l'homme de l'opinion.

XXXII.

Cet homme était M. Necker. Le roi trouva sa perte où il cherchait son salut. M. Necker fut la fatalité du règne.

M. Necker était étranger, comme la plupart des ministres qui ont suscité les grandes passions et les grandes fermentations populaires autour des trônes. Il était fils d'un professeur de Genève, petite république municipale, mercantile et littéraire, ruche de travail et d'idées aux bords de la France, que l'activité industrieuse et le génie aventurier de ses habitants disséminaient dans toutes les capitales. Le nom de Jean-Jacques Rousseau avait illustré Genève; les spéculations de ses banquiers l'enrichissaient. M. Necker était venu à Paris, comme ses concitoyens, pour faire fortune.

Il avait les instincts de la richesse, la probité, l'économie, l'aptitude aux chiffres, le don de l'heureuse spéculation. Ces instincts, développés par le travail dans

une banque génevoise établie à Paris, et à laquelle il avait été bientôt associé, lui avaient donné d'abord l'indépendance, puis la fortune. Il l'avait agrandie dans des spéculations habiles avec la Compagnie des Indes. Cette fortune s'élevait à plusieurs millions. Ses succès en affaires lui avaient ébauché un nom dans ce monde mercantile, industriel et opulent, qui commençait alors à remuer les capitaux et le crédit de la France. Une femme active, ambitieuse d'importance, affamée de renommée pour son mari, qu'il avait épousée à Lausanne, rêvait pour lui une plus haute destinée que cette considération des comptoirs. Belle, vertueuse, lettrée, mais rappelant trop par le pédantisme de ses formes sa première vocation d'institutrice, madame Necker avait le ton et les prétentions d'une parvenue de renommée. Son cœur accessible à toutes les œuvres de bienfaisance, son culte sincère, vrai, quoique ostentatoire, pour son mari, son opulence charitable, sa maison ouverte à toutes les célébrités contemporaines, la sévérité de ses mœurs helvétiques, ses liaisons avec les philosophes, les poëtes, les écrivains, les économistes du temps, son titre d'étrangère et de plébéienne enfin, qui donnaient plus de relief à son existence, avaient fait de sa maison un foyer d'opinion.

M. Necker, parvenu à la maturité de la vie et au repos, après la richesse acquise, s'exerçait par les conseils de sa femme à prendre rang parmi les écrivains. Il traitait pour l'Académie française des sujets où la politique

et l'administration étaient associées à la littérature. Sa lourde et emphatique éloquence affectait la sensibilité de Jean-Jacques Rousseau sans en avoir l'entraînement. Les mots de vertu, de religion, d'humanité, de philosophie, d'amour du peuple, de félicité publique, sanctifiaient ses livres aux yeux des financiers; ses connaissances économiques, commerciales et administratives imposaient aux hommes de lettres. Les caresses de sa femme aux arbitres du goût littéraire préparaient ses succès. Le culte respectueux que madame Necker professait pour le génie de son mari était communicatif à toute sa société. On la croyait sur parole. M. Necker était devenu ainsi, aux yeux de l'opinion, un mystère de génie, de vertu et de capacité pratique, que nul ne sondait, mais que tous attestaient. Sa considération faisait secte dans Paris. C'était l'époque où un besoin de prodiges travaillait les imaginations lasses du présent, où Mesmer, Saint-Martin, Cagliostro, exerçaient leurs prestiges, et où une certaine dose de charlatanisme était nécessaire, même au mérite et à la vertu.

M.. Necker, bien supérieur à ces thaumaturges, était devenu cependant comme eux, grâce à ces manéges de sectes, un de ces prophètes à qui la crédulité publique attribuait les miracles d'une alchimie politique.

XXXIII.

Le marquis de Pezai, lié avec madame Necker, ne

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