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ker avait provoqué le crédit, Calonne l'enivrait par l'agiotage. L'ivresse refroidie, la ruine apparut, les ressources manquèrent. Calonne sentit alors la nécessité de réformer profondément l'État dans l'intérêt des finances du royaume :

«< Un royaume, » écrivit-il, « composé de pays indé>> pendants appelés pays d'État, de pays d'élection, » de pays d'administrations provinciales, un royaume >> dont les provinces sont étrangères les unes aux >> autres, où des barrières multipliées dans l'inté>> rieur séparent et divisent les sujets d'un même >> souverain, où les classes les plus riches sont les moins » contribuables, où les plus pauvres supportent tout le

poids, où les priviléges rompent tout équilibre, est un >> royaume qu'il est impossible de bien gouverner..... » On ne peut établir solidement les finances qu'en ré>> formant la constitution! Il faut reprendre en sous» œuvre l'édifice entier pour en prévenir la ruine!... >> Sire, le succès élèvera votre nom au-dessus des plus >> grands noms de cette monarchie dont vous mériterez >> ainsi d'être appelé le législateur. »

Calonne, après ce préambule révolutionnaire, remaniait dans ses plans toutes les institutions, et réformait, dans l'intérêt du roi, provinces, clergé, noblesse, parlement. Il montrait dans ses vues le génie précurseur de la révolution; il refaisait contre les priviléges ce que Richelieu avait conçu contre la féodalité. Le signal du remaniement du royaume partait du conseil du roi.

XXXIX.

Enfin Calonne avoua au roi le déficit immensément accru qu'il lui cachait avec tant d'art et tant de prodigalité depuis son entrée au ministère, et il ne lui montra pour combler cet abîme que les vices, les abus, les usages, les immunités d'impôt, les droits des provinces, les priviléges des corps, les inégalités des classes, à jeter courageusement dans le gouffre.

Louis XVI frémit et hésita. «< Mais c'est du Necker que >> vous me proposez là! » dit-il à son ministre. « Oui, » sire,» répondit Calonne; «< mais dans l'état déses» péré des choses, on ne peut rien vous présenter de >> mieux. >> Calonne conclut en demandant au roi l'autorisation de convoquer l'assemblée des notables, sorte de représentation abrégée de la nation, qui lui servirait de point d'appui contre les classes et contre les provinces privilégiées, pour poser le levier des grandes réformes du royaume.

Louis XVI, à la fois effrayé et ébloui, donna son consentement et promit le secret à cette conspiration du gouvernement contre le gouvernement. Il garda ce secret même avec la reine. Il prépara en silence la convocation de cette assemblée délibérante composée de cent quarante-quatre noms, princes, ducs, pairs, archevêques, évêques, conseillers d'Etat, premiers présidents, procureurs généraux des parlements, députés

élus des pays d'État, noblesse, clergé, tiers état, enfin officiers municipaux des villes principales. Il fit élaborer mystérieusement par ses ministres les plans de réformes à soumettre aux notables, et il divisa l'assemblée en bureaux séparés, présidés chacun par un des princes de la famille royale.

L'ordonnance de convocation éclata comme un coup de foudre le 29 décembre 1786.

« Je convoque,» disait le roi dans le préambule de cet acte, « une assemblée composée de personnes >> et de diverses conditions des plus qualifiées de >> l'Etat, afin de leur communiquer mes vœux pour >> le soulagement de mon peuple. » C'était appeler la nation elle-même au ministère. Louis XVI ne vit dans cette innovation qu'une conférence paternelle d'un côté, filiale de l'autre, entre son peuple et lui. « Je n'ai ja>> mais mieux dormi que cette nuit, » écrivit-il le lendemain à Calonne. Il croyait trouver dans son peuple le désintéressement et les vertus qu'il apportait lui-même à cette conférence avec ses sujets.

XL.

La reine s'irrita du mystère que le roi avait gardé. La cour se souleva d'avance contre les plans qui allaient l'atteindre. Les politiques qui survivaient du règne de Louis XIV et de Louis XV s'écrièrent que le roi avait donné sa démission. Les provinces murmurèrent contre

une représentation arbitraire, restreinte, et en majorité privilégiée, pour décider sans le peuple des intérêts du peuple. Les écrivains creusèrent et envenimèrent la plaie de l'État découverte ainsi par le roi lui-même. Les différents ordres du royaume se concertèrent pour préserver avant tout l'inviolabilité de leurs priviléges et de leur caste. Les princes, frères ou parents du roi, songèrent à se populariser contre la couronne ou contre le ministère à la tête des notables. Les esprits fermentèrent jusqu'à l'agitation dans Paris. La presse, autorisée par cette convocation à remuer toutes les questions de constitution ou de finances, déborda en livres, en brochures, en pamphlets, qui jetèrent le gouvernement à la publicité et bientôt au mépris de la multitude.

Le seul homme capable dans le gouvernement de contenir ou de réparer ce désordre d'idées, Vergennes, mourut. Il fut remplacé par M. de Montmorin, dont le mérite était dans l'amitié méritée de son maître.

L'assemblée des notables s'ouvrit. Calonne, pour motiver ses plans et pour excuser ses fautes, leur fit un tableau sinistre de la situation des finances. Il déversa une partie du reproche sur Necker, qu'il accusa indirectement d'avoir masqué dans son compte rendu un déficit de quatre-vingts millions. Il proposa, pour rétablir l'équilibre, un subside territorial payé par l'universalité des terres, la suppression des immunités d'impôts pour les classes privilégiées, et des administrations provinciales empruntées à Turgot.

XLI.

Les notables, sans admettre ou refuser l'égale répartition des charges publiques, demandèrent préalablement à connaître les comptes de l'administration. Necker publia un démenti aux chiffres de Calonne; l'opinion se passionna pour l'un ou pour l'autre des deux ministres. Dans l'impossibilité de s'entendre, M. de Lafayette et les notables du parti populaire demandèrent les états généraux, seule représentation souveraine capable de juger ce procès et d'imposer ses décisions au gouvernement. Le clergé refusa de se laisser imposer. L'archevêque de Toulouse, M. de Brienne, secrètement patronné par la reine, et à qui l'intrigue et l'ambition avaient fait une renommée de génie, fomenta et personnifia l'opposition contre Calonne. Calonne se défendit par des appels téméraires au peuple contre l'égoïsme des notables. Les états généraux devinrent le cri public. La reine, alarmée, obtint enfin du roi l'éloignement de Calonne. Elle fit exiler du même coup Necker à vingt lieues de Paris.

L'archevêque de Toulouse, Brienne, protégé de la reine, fut nommé, après quelques tâtonnements, ministre principal. L'assemblée des notables, qui avait vu devant elle soulever toutes les questions sans en résoudre une, s'évanouit dans l'indifférence publique et dans l'impatience des états généraux. Le seul art de Brienne

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