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seigneurs du pays, Gaston et Gironde, son fils, de consacrer leurs biens et de se consacrer eux-mêmes au service des pestiférés; et s'étant associé quelques compagnons pour l'exercice d'une œuvre si charitable, ils mirent sur leurs habits la figure d'une béquille, pour être reconnus comme le soutien des infirmes et des impotents; et c'est ainsi que commença l'ordre de Saint-Antoine.

Les lettres s'étaient ranimées, le goût pour les bonnes études s'était répandu dans la plupart des provinces.

Le monastère de Saint-Pons, dans le Languedoc, était aussi renommé pour les sciences que pour l'exacte discipline. Frotard, homme de savoir et de piété, qui le gouverna, en qualité d'abbé, depuis 1061 jusqu'en 1099, y forma plusieurs grands hommes et rétablit l'observance régulière dans divers autres monastères, tant d'Espagne que d'Aquitaine. De son école sortirent Pierre, évêque de Pampelune, qui travailla, avec d'autres illustres Français, à faire recevoir dans l'église d'Espagne le chant romain; Bérenger, fils d'Aimeric IV, comte de Narbonne, qui devint abbé de la Grasse (1); Ponce qui le fut de Cluny, après le célèbre saint Hugues. Saint-Pons était en si grande estime, que les rois d'Espagne le choisissaient pour y faire instruire leurs enfants (2). L'abbaye de Saint-Hilaire, de Carcassonne ; celle de la Deaurade, à Toulouse ; celle de Moissac, celle de Saint-Quentin (3), de Fleury, du Bec, ainsi que les écoles de Tours, d'Angers, de Poitiers, de Saumur, de Rouen, de Fécamp, de Jumiéges, de Langres, de Besançon, de Dijon, d'Orléans, étaient illustres par la science des maîtres. An

(1) C'est aujourd'hui une petite ville du département de l'Aude, à cinq lieues de Carcassonne.

(2) Voyez le t. VII de l'Histoire littéraire de la France, par des bénédictins de Saint-Maur, pag. 42 et 43.

(3) Dans le diocèse de Beauvais.

selme (1) enseignait à Laon, Guillaume de Champeaux à Paris, Odon à Tournai.

Cette ardeur, presque générale, pour la culture des let

(1) Ce savant professeur, qui devint doyen de l'église de Laon, est diffé rent de saint Anselme, abbé du Bec, et ensuite archevêque de Cantorbéry, après la mort de Lanfranc, Saint Anselme était un des hommes les plus instruits de son siècle. Il résolut des questions théologiques très-obscures et inconnues avant son temps; et, en montrant clairement la conformité de ces décisions avec l'autorité de l'Ecriture-Sainte, il découvrit aux théologiens une nouvelle méthode pour traiter des choses divines, en accordant le raisonnement avec la révélation. Il apprit aux philosophes à s'élever, non-seulement au-dessus du jargon de l'école, mais aussi de toutes les choses sensibles, et à faire usage des idées innées et de la lumière naturelle que le Créateur a répandue dans le cœur de l'homme. Anselme en fit lui-même l'essai dans divers écrits qui lui ont mérité le titre du plus excellent métaphysicien qui eût paru dans le monde depuis saint Augustin. Il leur apprit encore, dans un traité fait exprès, à avoir des idées justes de la substance, et à former en conséquence de justes raisonnements. C'est un petit, mais bel écrit sur la dialectique, en forme de dialogue pour le rendre à la portée de tout le monde. Toutefois, saint Anselme déclare qu'en se servant du raisonnement pour traiter les mystères divins, il ne le fait point pour arriver à la foi par la raison, mais seulement afin que ses lecteurs aient le plaisir d'entendre et de contempler ce qu'ils croient, et qu'ils soient en état d'en rendre raison aux autres. Quelques esprits, ainsi que je l'ai dit plus haut, s'étaient habitués à raisonner sur la religion, comme on le faisait sur des sujets de pure dialectique. La passion de la dispute fit inventer des questions extraordinaires et rechercher toute espèce de subtilités sur les matières de religion. Lanfranc, saint Anselme, Anselme de Laon, Odon, Écolatre de Tournai et quelques autres s'opposèrent à cette nouvelle méthode, mais sans succès. La scolastique continua à faire de terribles progrès.

Les anciens théologiens n'écrivaient sur les vérités théologiques que par occasion, et quand le besoin le demandait; cette coutume changea en France vers la fin de ce siècle. On s'avisa de traiter ces vérités comme par goût et de soi-même, sans que les conjonctures l'exigeassent. Saint Anselme fut le premier qui l'entreprit, et Hildebert, évêque du Mans, puis archevêque de Tours, le suivit et poussa les choses encore plus loin. Il alla jusqu'à faire un corps entier et méthodique, quoique en abrégé, de presque toutes les matières de théologie.

Quoique les chicanes de l'école commençassent à s'introduire dans la théologie, elles ne se glissaient point dans la morale. On continua à l'enseigner encore dans toute sa pureté, conformément aux règles de l'Evangile et de saint Paul. (Voy. l'Histoire littéraire de la France, par des béné dictins de Saint-Maur, t, VII, pag. 77, 78, 148 et suiv.)

tres fait rechercher les livres et les savants; de riches bibliothèques se forment; les monastères sont remplis de copistes, et les bons ouvrages se multiplient; des princesses, des dames de haute condition se distinguent par leur savoir; la considération, attachée aux talents, aux lumières, affaiblit le goût que l'on avait pour la bravoure féroce, pour les exercices violents; les tournois prennent la place des duels; l'esprit des Français s'épure, se raffine, se dépouille insensiblement des idées de rusticité; les mœurs commencent à devenir honnêtes, aimables, polies, et l'on voit déjà poindre cette urbanité, cette courtoisie qui distinguèrent plus tard le grand peuple de France entre tous les peuples de l'univers.

Yves, l'homme le plus érudit de son temps, est élu évêque de Chartres en l'an 1090, et trouve bientôt l'occasion de montrer son courage en résistant avec vigueur aux volontés du roi. Ce prince, dont le règne était si paisible, vivait heureux dans un doux repos, lorsqu'une passion criminelle, à laquelle il se livra, vint jeter le trouble dans son existence et le scandale dans l'Europe.

Depuis longtemps il avait épousé Berthe, fille de Florent, due de Frise, et il en avait eu trois enfants, savoir: Louis, qui fut son successeur et connu dans l'histoire sous le nom de Louis-le-Gros, une fille nommée Constance, et un autre fils, appelé Henri, qui mourut fort jeune. Dégoûté de la reine, il entreprit de la répudier. Les divorces étaient alors fréquents; car lorsque des maris, qui s'étaient unis avec des parentes à un degré prohibé, étaient las de leurs femmes, ils invoquaient ce cas de nullité pour faire rompre leur mariage; et leur libertinage se couvrait ainsi de l'autorité des règles de l'Église. Philippe recourut à cet expédient; mais, ne pouvant avoir de véritables titres, il fit dresser de fausses généalogies à l'effet d'établir qu'il était parent avec Berthe; et l'ayant répudiée, il la relégua à Montreuil-sur-Mer.

Bertrade, fille du comte Simon de Montfort, et troisième femme de Foulque Rechin, comte d'Anjou, aspire à devenir reine. Cette dame, d'une beauté remarquable et d'une ambition aussi grande que sa beauté, fait proposer sa main au roi, quitte son vieux mari, qui s'en émeut fort peu, vient à la cour, inspire à Philippe une vive passion, et ce prince s'applique à gagner les prélats afin d'avoir leur adhésion pour son nouveau mariage. Yves est appelé, prié, flatté; mais il résiste avec fermeté, et il écrit à l'archevêque de Reims pour lui faire part de sa conférence avec le roi et pour l'exhorter, ainsi que ses suffragants, à ne point trahir la religion dans cette affaire. « Pour moi, » dit-il, j'aime mieux perdre pour toujours la dignité d'évêque « que de scandaliser, par quelque prévarication, le trou« peau du Seigneur confié à mes soins. »

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Le roi, de plus en plus captivé par Bertrade, et ne voulant écouter aucune remontrance, jure de l'épouser, et fait inviter les évêques à se trouver présents à la cérémonie.

Mais Yves, en réponse à cette invitation, s'adresse au roi dans les termes suivants : « Ce que j'ai dit de vive voix « à votre sérénité avant votre serment, je prends la liberté « de le lui écrire. Je ne veux ni ne puis assister à la célé– <«<bration de votre mariage à laquelle vous m'invitez, à « moins qu'un concile général n'ait décidé que vous avez légitimement répudié la reine votre épouse, et que vous « pouvez valablement contracter avec celle que vous vous « proposez d'épouser. Si l'on m'avait invité avec les évêques à quelque conférence où l'on eût pu discuter « librement cette affaire, je n'y aurais point manqué; « mais je ne puis me rendre à Paris pour le sujet qui m'y « fait appeler. Ma conscience, que je dois conserver pure « devant Dieu, et la réputation d'un évêque de JésusChrist, qui doit être sans tache, m'en empêchent. J'ai«merais mieux être jeté au fond de la mer avec une

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« meule attachée au cou, que d'être un sujet de scandale « pour les faibles. Prince, ce que je dis n'est point contre « l'obéissance que je vous dois; c'est, au contraire, pour « mieux vous marquer ma fidélité que j'ose vous parler « ainsi. >>

Ce saint évêque adressa presqu'en même temps une copie de cette lettre aux autres prélats, invités comme lui, afin de leur montrer par l'exemple de sa fermeté la conduite qu'ils devaient tenir.

Mais rien ne peut vaincre le roi, qui fait célébrer son mariage par l'évêque de Senlis, en présence de l'archevêque de Rouen et de l'évêque de Bayeux.

Lorsque la nouvelle de ce mariage parvint dans les provinces, de grandes rumeurs s'élevèrent; quelques seigneurs prirent les armes en faveur de la reine Berthe, et la guerre civile était près d'éclater; Bertrade, par son adresse et par ses artifices, gagna les principaux chefs, et la paix ne fut point troublée; mais les murmures continuèrent.

Le pape Urbain II écrit aux évêques de France, leur ordonne d'examiner le mariage du roi et de le casser s'il a eu lieu contre les règles de l'Église.

On s'émeut à la cour; on cherche à réconcilier Yves avec le roi; mais le prélat résiste, et le roi lui ordonne alors de venir le trouver avec les milices de son église (1), sous prétexte d'une entrevue qui devait avoir lieu avec Guillaume II, roi d'Angleterre; mais Yves lui répond : « Plu«<sieurs raisons fort importantes m'empêchent de me ren«dre à l'ordre que j'ai reçu. La première, c'est

que le

pape

(1) Dans ces sortes d'occasions, les princes marchaient d'ordinaire avec des troupes, et les vassaux de la couronne étaient obligés de les y accompagner quand ils les appelaient, et d'y amener leurs propres vassaux avec les hommes armés que chaque fief devait fournir, de la même manière que si l'on eût été à la guerre. (Le P. DANIEL, Hist. de France.) Voyez aussi ce que j'ai dit t. I, p. 327, note 4 in fine,

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