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de perdre ; les mesures prises à cette fin; les moyens imaginés, médités, préparés de loin et concertés; les intrigues formées en secret, conduites avec art, avancées peu à peu et sans bruit, soutenues jusqu'au bout, aux dépens de toute équité, et au préjudice de tout autre intérêt que le sien propre. Je n'exagère point, et au lieu d'outrer la chose, peut-être en dis-je trop peu. Or est-ce là charité, ou n'est-ce pas artifice, dissimulation, mauvaise foi? n'est-ce pas imposture et tromperie? De là vient qu'il n'y a presque plus de confiance entre les hommes, et que par sagesse on est obligé de se tenir toujours en garde les uns contre les autres; car à qui se fier, dit-on? On le dit et on a bien sujet de le dire. Dieu vouloit que la charité nous unît tous. Il vouloit que, par une confiance réciproque, la charité ouvrît les cœurs, et que dans ces ouvertures de cœur, les hommes pussent avoir entr'eux de sûres et d'utiles communications. C'étoit la douceur de la société humaine; c'en étoit l'avantage le plus solide: mais il falloit pour cela une charité sans fard et sans déguisement, une charité intime et véritable. Or où la trouver? et tant qu'elle sera aussi rare qu'elle l'est, il n'est pas surprenant que chacun de part et d'autre se tienne si resserré, et qu'entre les esprits il y ait si peu d'accord et de bonne intelligence.

Charité efficace et pratique. Parce que Dieu nous a aimés et qu'il nous aime sincèrement, il nous a aimés et il nous aime efficacement. L'un suit de l'autre et en est l'effet immanquable? Car aimer sincèrement, c'est vouloir sincèrement du bien à celui qu'on aime; et dès qu'on lui veut du bien sincèrement, on le fait du moment qu'on le peut et selon qu'on le peut. Aussi quels biens n'avonsnous pas reçus de notre Dieu? quels biens n'en recevonsnous pas tous les jours, et que nous réserve-t-il encore dans l'avenir? Marque essentielle par où le Fils de Dieu donnoit à juger de l'amour de son Père pour nous. Vou

lez-vous savoir, disoit-il à un docteur de la loi, comment Dieu a aimé le monde? Il l'a aimé jusqu'à livrer son fils unique pour le monde (1). Marque sensible et convaincante à quoi l'apôtre saint Paul reconnoissoit l'amour de Jésus-Christ, même pour lui en particulier : Il m'a aimé (2), s'écrioit ce maître des gentils, saisi d'étonnement et comme ravi hors de lui-même; il m'a aimé, ce Dieu sauveur, et la preuve de son amour la plus incontestable et la plus touchante est de s'être livré pour moi. Il est vrai que la charité ne nous engage pas toujours à ces sortes de sacrifices; il est vrai qu'elle ne nous oblige pas toujours à exposer notre vie ni à la perdre pour le prochain. Il y a des rencontres où nous le devons; mais ces rencontres, après tout, ces occasions ne sont pas fréquentes, et je veux bien ne les point compter parmi les devoirs communs de la charité. Je me borne à ces devoirs ordinaires, dont les sujets se présentent presque à toute heure, et dont je ne fais point le détail parce qu'il seroit infini. Une ame que la charité anime, n'a pas besoin qu'on les lui fasse connoître elle les aperçoit d'ellemême; et pour les découvrir, elle devient aussi clairvoyante et aussi ingénieuse, que sa charité est prompte et ardente. Elle sait prévenir, servir, faire plaisir selon toute l'étendue de son pouvoir. Elle sait assaisonner les services qu'elle rend par des manières encore plus grâcieuses, que les grâces même qu'elle fait. Elle sait compatir aux maux du prochain, le soulager, lui prêter secours et l'aider à propos. Elle sait, par l'esprit de charité qui l'inspire et qui la conduit, parler, se taire, agir, s'arrêter, se gêner, se mortifier, relâcher de ses intérêts, et renoncer à de justes prétentions. Elle sait, dis-je, tout cela, parce qu'elle s'affectionne à tout cela, parce qu'elle s'étudie à tout cela ; parce qu'intérieurement portée à tout cela, elle 'y pense incessamment et ne laisse (1) Joan. 3. (2) Gal. 2.

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rien échapper à son attention et à sa vigilance. Mais par une règle toute contraire, que la charité vienne à se refroidir ou même à s'éteindre dans nos cœurs, tout cela disparoît à nos yeux et s'efface de notre souvenir. On n'est bon que pour soi-même, et l'on ne se croit chargé que de soi-même. Qu'ai-je affaire, dit-on, de celui-ci et de celui-là? Que puis-je faire pour eux? On ne le voit pas, parce qu'on ne le veut pas voir; parce que dans une indolence et une insensibilité que rien n'émeut, on ne veut pas, pour qui que ce soit, se donner la moindre peine, ni se causer le moindre embarras. On est amateur de son repos : quiconque peut le troubler, passe pour importun et fatigue par sa présence.

Charité sanctifiante et toute salutaire : je m'explique. Je ne dis pas seulement salutaire et sanctifiante à l'égard de celui qui la pratique, et qui en a le mérite devant Dieu; mais je dis sanctifiante et salutaire pour celui même envers qui elle s'exerce, et qui en est le sujet. Car de même que la charité de Dieu envers les hommes a pour fin principale leur sanctification et leur salut, et que toutes les vues de sa providence sur nous se rapportent là, de même est-il de notre charité de procurer, autant qu'il nous est possible, le salut du prochain, et de nous intéresser dans la plus grande affaire qui le regarde. Non pas que tous soient appelés à prêcher l'évangile comme les apôtres, ni que tous aient été destinés à conduire les ames comme les ministres et les pasteurs de l'Eglise. C'est une vocation particulière et spécialement propre de certains états: mais outre cette vocation spéciale, il y a une vocation commune et générale à laquelle nous avons tous part, et qui se trouve exprimée dans cet oracle du saint Esprit : Dieu les a tous chargés les uns des autres (1). Et certes si c'est pour nous un devoir de charité d'assister le prochain

(1) Eccli. 22.

dans ses besoins temporels, n'en est-ce pas un encore plus important de l'assister dans ses besoins spirituesl, quand nous le pouvons et de la manière que nous le pouvons. Or il y a mille conjonctures où nous le pouvons: où, dis-je, nous pouvons donner au prochain d'utiles conseils par rapport au salut; où par de sages remontrances nous pouvons détourner le prochain des voies corrompues du monde et l'attirer dans les voies du salut; où nous pouvons en de pieux entretiens instruire le prochain, l'éclairer, l'édifier, le porter à de saintes résolutions touchant le salut et l'y confirmer. Il n'est point pour cela nécessaire que nous soyons revêtus de certaines dignités, ni que nous ayons l'autorité en main. D'égal à égal on peut de la sorte se communiquer l'un à l'autre ses pensées et ses sentimens; on peut être pour ainsi dire, l'apôtre l'un de l'autre. Zèle d'autant plus digne de la charité chrétienne, que le salut est un bien plus excellent et que c'est le souverain bien. Par là combien de mauvais exemples la charité feroit-elle cesser? combien de scandales retrancheroit-elle ? combien écarteroit-elle de dangers et d'obstacles du salut? Elle sanctifieroit le monde, comme elle le sanctifia dans ces heureux temps de l'Eglise, où les fidèles vivoient ensemble avec la même union que s'ils n'eussent eu qu'un cœur et qu'une ame. C'est ainsi que nous espérons vivre éternellement dans le ciel, et c'est ainsi que dés maintenant la charité doit nous disposer à cette vie bienheureuse et immortelle où nous aspirons.

Deux sortes d'amitiés : les unes solides ou prétendues solides, les autres sensibles et prétendues innocentes.

Rien de plus louable ni de plus conforme, non-seulement à la raison, mais à la religion même de l'homme, que l'amitié bien entendue et prise selon les vraies idées

que

que nous en devons concevoir. C'est, dit le Saint-Esprit, un trésor dont le prix est inestimable; c'est une protection contre l'injustice, c'est un remède contre les accidens et les revers de la fortune, c'est une source de lumières et de conseils, c'est l'assaisonnement des biens, c'est l'adoucissement des maux. Que d'avantages! et qui croiroit que d'un si bon fonds il dût naître tant de mauvais fruits? Mais par une malheureuse destinée, les meilleures choses sont sujettes à dégénérer et à se corrompre, comme nous le voyons dans l'amitié. Car à ne parler même que des amitiés les plus honnêtes en apparence et selon l'opinion du monde, il y en a de deux sortes savoir, des amitiés solides et des amitiés sensibles. Amitiés solides ou prétendues solides, qui ne consistent point en certains sentimens tendres et affectueux, mais dans un attachement réel à la personne d'un ami, et dans un dévouement parfait à son service. Amitiés sensibles, qui font une impression plus vive sur le cœur, qui le touchent, qui l'affectionnent, mais du reste, à ce qu'il paroît, sans altérer en aucune manière son innocence et sans le porter au-delà des règles du devoir le plus rigoureux. Or examinons un peu les unes et les autres, telles quele monde les imagine, telles que le monde les demande, telles que le monde les autorise, telles qu'il les approuve et qu'il les vante, jusqu'à les ériger en vertus: quels désordres dans la pratique! quels abus énormes n'y trouverons-nous pas? C'est ce que l'usage le plus ordinaire de la vie ne nous fait que trop connoître, et de quoi nous allons encore ici nous convaincre.

Amitiés prétendues solides.

UN ami solide: belle qualité. Un ami qui, sans s'arrêter à des paroles, à de spécieuses démonstrations, à de vains sentimens d'une affection et d'une tendresse puérile, agit efficacement pour son ami dans toutes les

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TOME XV.

« ÖncekiDevam »