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TROISIÈME POINT. Passion la plus dangereuse dans ses effets à l'égard de la conscience et du salut. Outre que l'attachement aux biens de la vie est en soi un péché, et qu'il a sa malice propre, c'est encore la source de mille péchés. Vérité d'autant plus triste et plus déplorable, qu'elle a moins besoin de preuves, et que exemples en sont plus communs. Y a-t-il injustice que cette passion ne fasse commettre, et y a-t-il injustice qu'elle n'empêche de réparer ?

les

1. Quelles sortes d'injustices cette criminelle passion ne fait-elle pas commettre? Qu'a-t-on vu dans tous les siècles, et que voyons-nous autre chose tous les jours,

que des usures, que des fraudes, que des violences, que des concussions? Quelles voies n'a-t-on pas imaginées pour gagner et pour s'enrichir aux dépens des particuliers, aux dépens du juste, aux dépens du pauvre, aux dépens de la veuve, de l'orphelin ; et céla, non point seulement dans le monde libertin et corrompu, mais dans le monde même chrétien, parmi un certain monde assez réglé d'ailleurs et réputé vertueux et dévot? Iniquités plus grossières dans les uns, iniquités plus subtiles et plus couvertes dans les autres; mais toujours iniquités qu'on ne justifiera jamais au tribunal d'une conscience droite et saine, quoiqu'on ne manque pas d'artifices et de détours pour les accorder avec une conscience fausse et erronée.

2. Le comble de l'iniquité, c'est que la même passion qui fait commettre tant d'injustices, empêche de les réparer. La nécessité de la restitution est un principe universellement reçu; nul ne l'ignore: mais la pratique de la restitution est une chose presqu'absolument inconnue. Chacun sait s'en dispenser: pourquoi ? parce que chacun ne consulte que son attache au bien, et qu'il n'est rien de plus ingénieux que cette damnable avarice,

a inventer des prétextes et à éluder les plus étroites obligations. Mais si elle se déguise à nos yeux, elle ne peut se déguiser aux yeux de Dieu, qui la dévoilera dans son jugement et qui la réprouvera. Gardons-nous d'une si terrible condamnation, et suivons l'avis que nous donne le Sauveur des hommes: Ne cherchez point à amasser des trésors sur la terre, où la rouille et les vers consument tout; mais travaillez à amasser des trésors dans le ciel, où il n'y a ni rouille ni vers qui consument. Car où est votre trésor, là est votre cœur(1).

MERCREDI.

Jean-Baptiste condamnant les emportemens et les violences.

SERMON SUR LA DOUCEUR CHRÉTIENNE.

Neminem concutiatis.

Ne faites point de violences. Luc. 3.

RIEN de plus pernicieux dans la société humaine et dans le commerce de la vie, que la colère. Elle cause des violences qui troublent tout, et mille épreuves ont fait connoître quelles en sont les suites funestes, et à quelles extrémités clle est capable de nous emporter. C'est pourquoi le Sauveur des hommes nous a tant recommandé la douceur, et nous l'a proposée comme une béatitude en ce monde, parce qu'elle arrête tous ces excès, et qu'elle établit partout le bon ordre et la tranquillité. Douceur chrétienne dont peu de personnes comprennent bien tous les avantages, et à laquelle on ne donne pas communément, parmi les vertus, le rang qui lui est dû. Or nous en allons considérer tout ensemble, et le mérite et le fruit. Le mérite, qui en fait l'excellence: premier point. Le fruit, qui dès cette vie même en est la récompense : second point. De l'un et de l'au

(1) Matth. 6.

tre nous apprendrons à nous conduire en toutes choses selon l'esprit de cette paix que le Fils de Dieu vient apporter sur la terre, et qui est un des plus beaux caractères de son évangile,

PREMIER POINT. Le mérite de la douceur chrétienne. Il consiste en ce que cette vertu demande une victoire de nous-mêmes la plus héroïque, et une victoire de nous-mêmes la plus constante.

1. Victoire de nous-mêmes la plus héroïque. Car il n'est pas ici question d'une douceur de naturel, qui ne s'émeut de rien, et qui sans effort s'accommode à tout ce qui se présente et à tout ce qu'on souhaite. C'est un don de Dieu, mais ce n'est point précisément une vertu. Il s'agit d'une douceur chrétienne dont les devoirs sont: de réprimer dans le fond de l'ame toutes les vivacités et toutes les saillies que la colère peut exciter ; de ne donner au dehors nuls signes ni d'impatience, ni d'aigreur, en des rencontres où le cœur souffre intérieurement et se sent piqué; de mesurer toutes ses paroles et de n'en pas laisser échapper une ou de mépris ou de plainte, même à l'égard de ceux dont on a plus lieu d'être mal content; de se comporter dans toutes ses manières avec un air toujours honnête, modeste, humble et affable; d'user de condescendance dans les occasions contre son inclination propre, et de se gêner, de se contraindre en faveur de certains esprits difficiles, en faveur de certaines personnes, plus capables que les autres par leurs imperfections et leurs foiblesses, d'inspirer de l'é loignement et du dégoût. Or pour cela quelles violences n'est-on pas obligé de se faire, et que ne doit-on pas prendre sur soi? Car la douceur ne rend ni aveugle, ni insensible: on s'aperçoit des choses, on en est touché, et sil'on suivoit les impressions de la nature, on éclateroit; mais en vue de Dieu et par un esprit de christianisme,

on étouffe sa peine et on l'ensevelit. Est-il un plus beau sacrifice? est-il une abnégation de soi-même et une mortification plus parfaite?

2. Victoire de nous-mêmes la plus constante. Il y a des vertus dont la pratique est plus rare, parce que les sujets en sont moins ordinaires et moins fréquens. Mais la douceur dont nous parlons, est une vertu de tous les états, de tous les lieux, de toutes les conjonctures, de tous les temps, une vertu de toute la vie et de tous les momens de la vie; car toute la vie se passe à penser, à converser, à traiter avec le prochain, à agir ; et par conséquent les sujets sont continuels de se vaincre, en ne se départant jamais d'une douceur toujours égale, soit dans les sentimens, soit dans les paroles, soit dans les actions. Continuité qui donne le prix à toutes les vertus, et qui en est comme le couronnement et la per. fection. Hélas! les moyens de se sanctifier ne nous manquent point; mais nous leur manquons. Où est cette douceur évangélique, et où la trouve-t-on? Je ne demande pas où l'on trouve une douceur affectée et de politique, une douceur apparente et de pure bienséance, une douceur de tempérament et d'indifférence; car voilà quelle est la douceur que font paroître en certaines rencontres un nombre infini de mondains. L'intérêt les retient, et ils craignent de se faire tort en éclatant, et de nuire à leur fortune. Une vaine gloire les arrête, et ils croiroient se déshonorer, s'ils venoient à perdre la gravité et la modération qui convient à leur âge, à leur état, à leur caractère. Une lente et molle indolence les rend insensibles à mille choses, qui, selon les vues ordinaires et humaines, devroient les piquer et les soulever. Mais tout cela ne peut être devant Dieu de nulle valeur, puisque tout cela n'a Dieu ni pour principe, ni pour fin. Je demande donc où l'on trouve cette douceur que J.-C. a canonisée et dont il a été le modèle ; cette dou

ceur qui, par le motif d'une charité fraternelle et toute divine, apprend au fidèle à se renoncer, à se captiver, à se modérer, à se taire, à supporter, à pardonner, à ne s'expliquer qu'en des termes obligeans, et à ne témoigner jamais ni amertume ni dédain. Où, dis-je, estelle? l'usage du monde et de toutes les conditions du monde ne fait que trop voir combien elle Ꭹ est peu connue et peu mise en œuvre.

SECOND POINT. Le fruit de la douceur chrétienne : c'est la paix au dedans de soi-même, et la paix au dehors.

1. La paix au dedans de soi-même. Un des plus grands biens que nous avons à désirer pour le bonheur de notre vie, et en même-temps pour la sanctification de notre ame, c'est de nous rendre maîtres de nous-mêmes et de nos passions; surtout maîtres de certaines passions plus vives, plus impétueuses, plus turbulentes. Sans cet empiré, point de paix intérieure. Et de quelle paix en effet peut être assuré et peut jouir dans son cœur, un homme sujet aux colères, aux promptitudes, aux dépits, aux aversions, aux antipathies, aux envies, aux vengeances? D'une heure à une autre peutil compter sur lui-même ; et n'est-il pas comme une mer orageuse, où les flots s'élèvent au premier vent et forment de rudes tempêtes? Or, que fait la douceur chrétienne? Elle bannit toutes ces passions, ou elle les combat ; et à force de les combattre, elle les soumet et les calme. On prend tout en bonne part; ce qu'on ne peut justifier, on le tolère ; on ne s'offense point, on ne s'aigrit point; et par là que de mouvemens du cœur et de pénibles sentimens on s'épargne! que de réflexions chagrinantes! que d'agitations de l'esprit et de dissipations! Mais ce qui est encore plus important, de combien de fautes, de combien de péchés se préserve-t-on!

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