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lument de l'autre, et qu'ils s'en séparent. Il faut que, sans avoir jamais reçu de cette maison le moindre déplaisir qui les touche en particulier, et qui les regarde, ils lui fassent toutefois une guerre ouverte, et qu'ils en soient ennemis par état. Il faut qu'ils lui suscitent mille contradictions, qu'ils s'opposent à tous ses desseins, qu'ils s'affligent de ses prospérités, qu'ils se réjouissent de ses malheurs, qu'ils travaillent de tout leur pouvoir à l'abaisser et même à l'opprimer. Mais c'est encore bien pis, si la vengeance s'empare tellement du cœur d'un ami, qu'elle le porte à ces combats particuliers, défendus par les lois divines et humaines; à ces duels qui ont fait répandre tant de sang, et qui ont ruiné tant de familles, et damné tant d'ames. C'est là que paroît avec plus d'éclat, ou pour ou pour mieux dire, avec plus d'horreur, toute la tyrannie de la fausse amitié. Car, à en juger selon l'estime du monde profane et corrompu, vous vous voyez dans une espèce de nécessité de seconder cet ami, de lui offrir votre secours, de l'accompagner : et contre qui? quelquefois contre des parens, du moins contre des adversaires à qui dans le fond vous ne voulez point de mal, et qui ne vous en veulent point. Cependant on en vient aux mains, et ce seroit un opprobre de reculer; on se pousse avec acharnement, on se porte des coups mortels, on s'arrache la vie l'un à l'autre. Qu'est-ce que cette amitié sanguinaire et meurtrière? n'est-ce pas une fureur? n'est-ce pas une barbarie et une brutalité?

Quoi que ce soit, ce ne peut être une solide amitié. Un ami solide est un ami sage, un ami éclairé, capable de démêler les véritables intérêts de son ami, et incapable de se livrer, sans considération et sans égard, à ses violences et à ses déréglemens; il s'efforce d'ouvrir les yeux à cet ami qui se dérange, qui s'égare, qui se perd; il lui fait voir à quoi le mène la passion qui l'aveugle, et en quel abîme elle le conduit; il ne craint

point de le contrister par des reproches salutaires et par d'utiles contradictions. Voilà ce que l'amitié lui inspire, et où il exerce volontiers son zèle: mais elle ne lui gâte point le cœur, elle ne le corrompt point. Il laisse à son ami les vices dont il voudroit et dont il ne peut le guérir mais pour lui-même, il se tient étroitement renfermé dans sa propre vertu, et sait résister généreusement à tout ce qui pourroit l'intéresser en quelque sorte et l'entamer.

III. On entre dans toutes les erreurs d'un ami, fussent-elles les plus contraires à la religion, et les plus mal fondées. On dit communément, ami jusqu'aux autels, pour signifier que dans toutes les autres choses qui n'ont nul rapport à la religion, et qui d'ailleurs ne sont pas mauvaises en elles-mêmes, on peut s'accorder avec un ami, mais que dès qu'il s'agit de notre foi, il n'y a point d'ami qu'on ne doive abandonner pour la soutenir, puisque l'évangile nous ordonne même de renoncer pour cela père, mère, frères, sœurs, tout ce que nous avons de plus cher dans la vie. Et certes cette loi est bien équitable: car il est question alors du culte de Dieu, qui est au-dessus de toute comparaison; et il y va du plus grand de nos intérêts, qui est celui de notre éternité. Mais comme on a vu des hérésies dans tous les temps, depuis la naissance du christianisme, on a vu aussi dans tous les temps des hérétiques ou des fauteurs d'hérésies, qui ne l'étoient que par certains engagemens d'alliance et d'amitié. Tellement qu'on pouvoit dire d'eux dans un vrai sens, mais bien différent de l'autre, qu'ils étoient amis jusques aux autels : c'est-à-dire qu'ils l'étoient jusques à quitter par amitié leur première et ancienne croyance; jusques à em brasser, par le même principe, des doctrines étrangères et erronées; jusques à défendre des dogmes proscrits et condamnés; jusques à se mêler dans des partis révoltés contre l'Eglise et frappés de ses anathêmes.

N'est-ce pas ce qui s'est encore passé dans ces derniers siècles, et sous nos yeux, au sujet des hérésies qui s'y sont élevées? Mille gens se sont attachés et s'attachent à des nouveautés avec une opiniâtreté que rien ne peut vaincre. On a beau leur opposer les décisions les plus formelles', les censures des pasteurs et des juges ecclésiastiques, qui sont le pape et les évêques; on a beau raisonner et tâcher de les convaincre par une multitude de preuves dont ils devroient être accablés: ils n'en sont pas moins fermes, ou, pour parler plus juste, ils n'en sont pas moins obstinés dans ces nouvelles opinions dont ils se sont laissés préoccuper. D'où procède cette obstination et cet aheurtement? Est-ce qu'un ange est venu du ciel leur révéler des vérités inconnues à toute l'Eglise? mais assurément ce ne sont pas des saints à révélation; et d'ailleurs l'apôtre saint Paul nous marque expressément, que si un ange du ciel nous apportoit une doctrine contraire à celle de l'Eglise, nous devrions le réprouver avec la doctrine qu'il nous enseigneroit. Est-ce qu'ils ont des vues plus pénétrantes que les autres, et qu'ils ont mieux approfondi ces sortes de matières que les plus habiles théologiens et les docteurs les plus consommés? mais souvent ils avouent euxmêmes qu'ils n'y comprennent rien : et comment y comprendroient-ils quelque chose, n'en ayant jamais fait aucune étude, et n'étant point dans leur état à portée de ces sciences abstraites et trop relevées pour eux ? Comment un homme du monde, une femme du monde, qui peut-être savent à peine les points fondamentaux, et comme les élémens de la religion, seroient-ils suffisamment instruits sur des questions qui, pendant de longues années, ont de quoi occuper toute l'attention, et toute la réflexion des esprits les plus clairvoyans et les plus intelligens? N'est-il donc pas merveilleux, qu'au lieu de se soumettre là-dessus avec docilité et avec simpli

eité au jugement de l'Eglise, ils osent prendre parti contre elle et contre ses définitions, et qu'ils se portent pour défenseurs de ce qu'elle a noté publiquement et qualifié d'erreur? Il est bien évident qu'ils n'agissent point en cela avec connoissance de cause, et que ce n'est point la raison qui les conduit. Qu'est-ce donc ? l'amitié, et voilà le nœud de l'affaire. Ils ont des amis partisans de ces erreurs ; ils tiennent par le sang ou par quelque rapport que ce soit, à tel et à tel qui professent ces erreurs sans autre motif, ni autre discussion, c'est assez pour les déterminer. Ainsi d'amis en amis l'erreur se communique, et répand de tous côtés son venin.

O la belle preuve pour un catholique, enfant de l'Eglise, pour un ministre même des autels, que ce qu'on entend dire à quelques-uns: Cet homme est de mes amis: il est naturel que je me joigne à lui. O les belles conséquences, et l'admirable suite de raisonnemens : c'est mon ami; donc je dois lui assujettir ma foi, et la régler selon ses vues et ses préventions : c'est mon ami; donc son autorité doit l'emporter dans mon esprit sur celle des souverains pontifes et des prélats, dépositaires de la saine doctrine : c'est mon ami; donc je dois lui être plus fidèle qu'à l'Eglise même, et lui prouver mon attachement aux dépens de ma religion : c'est mon ami; donc s'il se pervertit, je dois me pervertir comme lui; et s'il est rebelle à la vérité, je dois, par mon suffrage, lui fournir des armes pour la combattre. Certainement, ce seroit un mal bien pernicieux dans la vie humaine et dans le christianisme, que la solide amitié, si elle exigeoit des amis une pareille déférence. Mais ce n'est point là ce qu'elle veut, ni à quoi elle se fait connoître. Ce qu'elle demanderoit plutôt, en de semblables occasions, c'est qu'après avoir fait tous les efforts possibles pour remettre un ami dans la bonne

voie, et pour fléchir la dureté de son cœur, on eût l'assurance de lui faire cette déclaration précise et positive: Je suis à vous, il est vrai ; je suis votre ami; mais je dois l'être encore plus de Dieu, encore plus de l'Eglise, encore plus de la foi que j'ai reçue dans mon baptême, et que je veux conserver pure; encore plus de mon devoir, qui est d'obéir et de croire; encore plus de mon ame, dont le salut dépend de ma catholicité et de ma soumission.

Un ami de cette trempe est proprement ùn ami solide; et de tout ceci il faut conclure que, quoiqu'il n'y ait personne qui ne se pique d'être solide dans ses amitiés, il y en a néanmoins très-peu qui le soient véritablement, parce qu'il y en a très-peu qui aient l'idée juste d'une solide amitié.

Amitiés sensibles et prétendues innocentes.

COMME il y a des cœurs plus sensibles les uns que les autres, il y a aussi des amitiés beaucoup plus affectueuses et plus tendres ; et c'est surtout entre les personnes de différent sexe que ces sortes d'amitiés sont plus communes. Amitiés d'estime mutuelle, d'inclination naturelle, de conformité d'humeurs, de sympathie, sans qu'il y entre de la passion : car c'est ainsi qu'on se le persuade. Amitiés qui ne servent, ce semble, qu'à la société, à l'entretien, au délassement de la vie, et où l'on ne voudroit pas permettre qu'il se glissât le moindre désordre. De là, amitié dont on ne se fait aucun scrupule, parce qu'on se flatte d'y garder toute l'honnêteté et toute l'innocence chrétienne. Mais que cette innocence est suspecte! et de tous les piéges que doivent craindre certaines ames qui d'elles-mêmes ne sont pas vicieuses, et qui ont un fonds d'honneur et de vertu, voilà, sans contredit, le plus subtil et le plus dangereux. En effet, selon la disposition la plus ordi

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