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naire de notre cœur, il est bien difficile et même presque impossible, que ces amitiés prétendues innocentes ne soient pas, ou peu à peu ne deviennent pas criminelles en plus d'une manière : criminelles par le péril qui y est attaché, et où l'on s'expose volontairement; criminelles par le scandale souvent qu'elles causent, et à quoi l'on n'a point assez d'égard; criminelles par les impressions qu'elles font sur l'esprit et sur le cœur, et par les sentimens qu'elles produisent; enfin, criminelles par les extrémités où elles entraînent, et les chutes funestes où elles précipitent. Vérités dont il ne faudroit point d'autre preuve que l'expérience. Heureux si, déplorant le malheur d'autrui, nous savions en profiter pour nous-mêmes!

I. Amitiés criminelles par le péril qui y est attaché, et où l'on s'expose volontairement. Car qu'est-ce qui forme ces amitiés sensibles et tendres ? ce n'est pas la raison, mais c'est le penchant du cœur, ce sont les sens d'où vient que ces amitiés sont quelquefois si bizarres et si mal assorties, parce que les sens sont aveugles, et que le cœur dans ses affections, bien loin de consulter toujours la raison, agit souvent contre elle et la combat. Quoi qu'il en soit, toute liaison où les sens ont part, et où le cœur n'est attiré que par le poids de l'inclination, et la pente de la nature, doit être d'un danger extrême pourquoi? c'est que les sens, non plus que le cœur, ne tendent qu'à se contenter, et que dans les progrès qu'ils laissent faire à leurs désirs tout naturels et tout humains, ils ne mettent point de bornes. Non pas que le cœur tout d'un coup, ni que les sens prennent tellement l'empire sur la raison, qu'ils l'obligent de se taire ; non pas qu'ils en éteignent toutes les lumières, et qu'ils entreprennent d'abord de nous porter au-delà du devoir, et de nous faire franchir les lois de la conscience: tout charnels et tout grossiers qu'ils

TOME XV.

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sont, ils y procèdent avec plus d'adresse : et c'est ce qui rend leurs atteintes d'autant plus dangereuses et plus mortelles, qu'elles se font moins apercevoir.

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Cette amitié, dans sa naissance, n'est qu'une estime particulière de la personne, de sa modestie, de sa retenue, de sa sagesse. Elle plaît, parce qu'avec des ma nières engageantes, elle a du reste de la fermeté dans l'esprit, de la droiture dans le cœur, une régularité irréprochable dans la conduite. Quel s jet y auroit-il donc de s'en défier, et quel péril peut-il y avoir à entretenir une connoissance fondée sur de si excellentes qualités sur la probité, l'ingénuité, la candeur d'ame, les bonnes mœurs, le mérite? C'est ainsi qu'on se rassure mais cela même où l'on pense trouver sa sûreté, c'est justement ce qui doit inspirer plus de défiance, puisque c'est ce qui augmente le danger. Car sans que ce soit une proposition outrée, il est certain qu'une personne mondaine, dissipée, d'une vertu équivoque et réputée telle, seroit beaucoup moins à craindre. On en concevroit du soupçon et du mépris, on s'en garderoit, on s'en dégoûteroit. Mais celle-ci qu'on estime, touche d'autant plus le cœur, qu'elle paroît plus estimable et qu'elle l'est. On s'y attache; et si l'attache devient réciproque, eût-on d'ailleurs les intentions les plus pures, et fùt-on de part et d'autre dans les plus saintes résolutions, on ne peut plus guère compter ni sur cette personne, ni sur soi-même.

Voilà pourquoi il est alors d'une conséquence infinie d'user d'une grande réserve à se voir et à se parler; et c'est aussi pour cela que que les Pères et les saints docteurs se sont toujours si hautement récriés contre les longues et fréquentes conversations des personnes de sexe différent. Ils n'ont point distingué là-dessus les états, les caractères, les emplois ; ils n'ont poin considéré si c'étoient des personnes pieuses, ou ayant la réputation de

l'être ; si c'étoient des personnes libres ou dévouées à Dieu, si c'étoient des personnes du monde ou des personnes d'église, des personnes séculières ou des personnes religieuses. Ils ont compris que dans toutes les conditions et toutes les professions, partout nous nous portions nous-mêmes, et avec nous-mêmes toute notre fragilité. Ils se sont donc expliqués en général, et sur ce point ils nous ont tracé les règles les plus sévères, et en même temps les plus nécessaires. Mais en quoi l'on commence à se rendre criminel, c'est qu'on croit pouvoir rabattre de cette rigueur, et qu'on ne veut point s'astreindre à des lois si salutaires, ni en reconnoître la nécessité. On se recherche l'un l'autre. Il n'y a presque point de jour qu'on ne passe plusieurs heures ensemble. On se traite familièrement, quoique toujours honnêtement. On se fait des confidences. Souvent même tout le discours roule sur des choses de Dieu. Un homme d'église, un directeur forme par ses leçons la personne qu'il conduit, et lui étale avec une abondance merveilleuse les principes de sa morale. Hé bien! disent-ils, quel mal y at-il à tout cela ? nous n'y en trouvons point, et nous n'y en cherchons point. Le mal, ce n'est pas précisément l'inclination que vous vous sentez l'un pour l'autre; car ce sentiment ne dépend pas de vous: mais c'est de ne pas prendre les mesures convenables pour vous précautionner contre cette inclination, et pour prévenir les suites mauvaises qu'elle peut avoir. Le mal, c'est que par une confiance présomptueuse, et par un attrait que vous suivez trop naturellement, vous vous mettiez de vous-mêmes dans un danger où Dieu peut-être, pour vous punir, permettra que vous succombiez.

Mais ce danger, nous ne le voyons pas. Vous ne le voyez pas; mais c'est que vous ne le voulez pas voir; mais on vous en a avertis plus d'une fois ; mais si vous n'avez reçu là-dessus aucun avis personnel, et qui vous regardât spécialement, les maximes générales que vous

avez si souvent entendues sur cette matière, doivent vous suffire; mais vous-mêmes, malgré vous, vous l'avez entrevu, ce péril, en plus d'une rencontre, où votre conscience vous l'a représenté et vous l'a reproché; mais enfin il ne tient qu'à vous de vous en convaincre par deux réflexions les plus palpables, et qui sont sans réplique. La première est, que ces conversations où engage une amitié sensible, ne sont ni si longues ni si fréquentes, que parce que le cœur y trouve du goût, et je ne sais quel goût sensuel; car s'il n'y en trouvoit pas, bientôt elles deviendroient fatigantes, et vous auriez cent raisons pour les abréger, ou pour vous en dispenser. Faites-y une attention sérieuse, et vous conviendrez de ce que je dis. La seconde réflexion est que ce goût du cœur, joint à la diversité des sexes, à la familiarité des entretiens, à leur durée et à leur privauté, mène insensiblement, mais immanquablement au vice, et y est la disposition la plus prochaine. Or de se mettre dans l'occasion du péché, et dans une occasion si prochaine, de s'y mettre sans besoin et par 'le seul désir de se satisfaire, qui peut douter que ce ne soit un péché ; et n'est-ce pas déjà en ce sens que se vérifie la parole du Saint-Esprit : Celui qui aime le péril, y périra? (1)

II. Amitiés criminelles par le scandale souvent qu'elles causent, et à quoi l'on n'a point assez d'égard. Il n'est pas moralement possible que deux personnes se voient avec trop d'assiduité, sans qu'on le remarque, comme il n'est pas non plus possible, qu'en le remarquant, on n'en raisonne. Chacun en juge à sa manière ; mais de tous ceux qui en sont témoins, il n'y en a aucun qui ne blâme une amitié si peu discrète, et qui n'en prenne une sorte de scandale. Les uns plus modérés et plus charitables l'attribuent seulement à légèreté, à vivacité, à un manque de considération et de circonspection;

(1) Eccl. 3.

mais d'autres, plus rigoureux dans leurs jugemens ou plus malins, n'en demeurent pas là ; et selon l'expérience qu'ils ont du monde, ils vont jusqu'à tirer des conséquences dont la vertu des personnes intéressées et leur réputation doit beaucoup souffrir. C'est le sujet de mille railleries, de mille paroles couvertes, lesquelles, quoiqu'enveloppées, n'en sont pas moins expressives, ni moins intelligibles. Si celle-ci entre dans une compagnie, on conclut que celui-là ne tardera pas, et que dans peu il arrivera. Si quelqu'un demande où est un tel, on répond, sans hésiter, qu'il est avec une telle, ou qu'une telle est avec lui. Les signes de tête, les ris moqueurs, les œillades, les gestes, tout parle sur cela, et ne fait que trop bien comprendre ce que la langue ne prononce qu'à demi, et ce que la bouche n'ose tout à fait déclarer. Injurieuses idées qui peuvent être fausses, mais qui ne sont ni injustes ni téméraires. Car elles ne sont pas sans fondement ; et en vérité, que peut-on penser, quand des gens se livrent ainsi au penchant de leur cœur, et ne gardent aucuns dehors, ni aucunes règles de bienséance?

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Ce qu'il y a de plus déplorable (je l'ai déjà marqué en passant, et je ne fais point ici difficulté de le redire et de m'en expliquer les mondains verront au moins par là, que s'il se glisse des abus dans l'Eglise, on ne les y approuve pas, et qu'au contraire on les reconnoît de bonne foi, et on les condamne). Ce qu'il y a, dis-je, de plus déplorable, c'est que des ministres de JésusChrist, occupés à conduire les ames, donnent lieu quelquefois eux-mêmes à de pareils discours, pour ne pas dire à de pareils scandales, jusque dans les plus saints exercices du sacré ministère, jusque dans la confession même, et la direction. Il est vrai que leurs fonctions sont tout apostoliques, et que pour les remplir dignement, ils doivent être disposés à recevoir toutes sortes

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