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des combats à soutenir, et craignent en bien des momens de s'être laissés vaincre : que faut-il conclure des autres?

Mais ces ames si timorées se font une conscience trop scrupuleuse. Voilà ce que disent des mondains séduits par la fausse prudence de la chair, et qui se conduisent par les principes les plus larges, dans un point où la religion est plus resserrée et moins indulgente. Çar selon la morale du christianisme, c'est assez d'une pensée, d'un sentiment, d'un consentement passager pour corrompre l'ame et pour lui imprimer une tache mortelle. Ce qui, posé comme une vérité constante, nous apprend de combien de péchés qu'on ne connoît pas et qu'on refuse de connoître, une amitié telle que je viens de la représenter, est la source inépuisable.

Mais nous résistons à toutes ces idées, nous désavouons tous ces sentimens, nous renonçons à toutes ces impressions qui préviennent la raison et qui sont dans nous malgré nous. Si vous y renonciez réellement et sincèrement, vous renonceriez au sujet qui les fait naître, vous l'éloigneriez, vous observeriez ce grand précepte du fils de Dieu : Arrachez votreœil, coupez votre bras, votre pied, s'ils vous scandalisent (1).Quand donc vous prendrez de telles mesures pour vous préserver; quand vous vous tiendrez àl'écart, et que, par une sage précaution, vous vous priverez du vain contentement que vous cherchiez dans une liaison trop naturelle et trop intime, alors, si la tentation vient vous assaillir jusque dans votre retraite et que vous vous efforciez de la surmonter, vos résistances ne me seront plus suspectes, et je ne douterai point que vous ne soyez dans une vraie volonté de repousser les attaques de l'ennemi qui vous poursuit. Mais autrement je dirai que vous résistez à peu près comme saint Augustin confesse lui-même qu'il

(1) Matth. 18.

prioit, avant qu'il se fut tout à fait dégagé de ses habitudes et converti à Dieu. Il demandoit au ciel d'être délivré d'une passion qui l'arrêtoit; mais en même temps il craignoit que le ciel ne l'exauçât. C'est-à-dire, que ce qu'il demandoit, il ne le vouloit qu'à demi: or, ne le vouloir qu'à demi, c'étoit, quant à l'effet, ne le point vouloir du tout. Voilà de quelle manière on résiste, et c'est une des plus subtiles illusions. On a encore, à ce qu'il paroît, assez de conscience d'une part, pour ne vouloir pas entretenir une société où l'on crût qu'il y a de l'offense de Dieu. D'autre part, on n'a pas assez de résolution pour quitter cette personne avec qui l'on est actuellement engagé. Cependant on entre quelquefois en inquiétude sur tout ce qu'on ressent dans le cœur. Mais à quoi a-t-on recours pour se tranquilliser? on se répond à soi-même qu'on ne consent à rien de mauvais; que tous ces fantômes dont on est troublé, que toutes ces images, toutes ces sensibilités, ne sont point dans la volonté. On le pense, ou l'on veut ainsi le penser ; mais Dieu qui sonde les cœurs, n'en juge pas comme nous. Les cieux même ne sont pas purs devant lui, et il a trouvé de la corruption jusque dans ses anges. La vertu se forme difficilement ; mais elle s'altère trèsaisément. Raisonnons tant qu'il nous plaira : il sera toujours certain, que de ne pas remédier aux principes, lorsqu'on le peut et qu'on le doit, c'est vouloir toutes les suites où ils sont capables de porter.

IV. Amitiés criminelles par les extrémités où elles entraînent et les chutes funestes où elles précipitent. Gardons-nous de descendre ici dans un détail qui pourroit troubler les ames vertueuses et chastes; et ne révélons point des horreurs qui ne serviroient qu'à décréditer les plus saintes professions, et qu'à déshonorer la religion. Il est moins surprenant qu'une amitié trop sensible et trop tendre dégénère bientôt, entre des

mondains et des mondaines, dans l'amour le plus passionné, et qu'elle se termine enfin aux derniers excès où peut emporter l'aveuglement de l'esprit et le déréglement du cœur. Mais ce qui doit nous saisir d'étonnement et nous remplir de frayeur, c'est que des gens élevés dans l'Eglise de Dieu aux ordres les plus sacrés, employés à la célébration des plus augustes mystères, revêtus du sacerdoce de Jésus-Christ, ses vicaires, ses substituts; que des personnes adonnées à toutes les bonnes œuvres, et regardées comme des modèles de sainteté, en viennent quelquefois, par des chutes éclatantės, aux mêmes extrémités. Les exemples en sont connus, et les ames zélées ont souvent gémi de voir, parmi le peuple fidèle et dans le lieu saint, de si déplorables renversemens, et une si affreuse désolation.

O vous qui teniez entre les anges du Seigneur le premier rang, vous qui brilliez avec tant d'éclat! comment étes-vous tombé du ciel? (1) Vous faisiez fonds sur vous-même, et considérant la dignité de votre caractère, l'excellence de votre vocation, l'ardeur qui vous animoit dans la pratique de vos devoirs, yous disiez avec confiance: Je monterai à la perfection la plus sublime. Je m'assierai sur la montagne de l'alliance. Je me placerai au-dessus des nuées, au-dessus méme des astres. Je serai semblable au Très-haut, (2) ou je tâcherai d'acquérir toute la ressemblance que je puis avoir avec ce Dieu des vertus et ce Saint des saints. Vous le disiez, et vous le vouliez : mais vous voilà tout coup déchu de cette gloire, et plongé dans l'abîme le plus profond. On le sait, et l'on en est dans une surprise qu'on ne peut exprimer. Est-ce là cet homme? sont-ce ces personnes pour qui l'on étoit prévenu d'une si haute estime? Quel prodigieux changement! et d'où est-il arrivé? Hélas! il n'a fallu pour cela qu'une incli

à

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44 AMITIÉS SENSIBLES ET PRÉtendues innocentes. nation mutuelle, dont ils ne se défioient en aucune sorte. De là est venue une fréquentation très-réservée dans ses commencemens, et très-circonspecte. L'ange de Satan s'est transformé à leurs yeux en ange de lumière (1), pour leur justifier une amitié qui paroissoit n'être que selon Dieu, et ne tendre qu'à Dieu.

Cependant le feu s'allumoit. C'étoit un feu caché; mais souvent un feu caché n'en est que plus vif. Il prenoit toujours de nouveaux accroissemens d'un temps à l'autre, et une fatale occurrence l'a fait éclater. Dieu l'a permis, et leur présomption leur a attiré ce châtiment. Si leur vigilance ne s'étoit point relâchée; s'ils avoient su se modérer et user des préservatifs qu'une prudence chrétienne leur suggéroit ; s'ils avoient mieux reçu les conseils qu'on a voulu quelquefois leur donner, ou qu'ils eussent écouté ce que leur propre conscience leur dictoit dans les rencontres, Dieu les eût aidés de sa grâce, je dis d'une grâce spéciale, et les eût fortifiés contre l'occasion. Mais ils n'en ont voulu croire qu'euxmêmes, et Dieu aussi les a livrés à eux-mêmes. Ils se sont oubliés, et jusques à quel point? Or si une amitié tendre et sensible est si contagieuse et si pernicieuse pour les plus justes, combien le doit-elle être encore plus pour les pécheurs, je veux dire pour ceux que leur condition engage dans le monde, et dans un certain monde où les passions dominent avec plus d'empire, et où la loi du Seigneur a moins de pouvoir, et est tous les jours violée avec plus d'impunité?

Quoi qu'il en soit, la sensibilité du cœur n'est point un crime en elle-même, mais c'est le principe de bien des crimes car aisément elle se change en sensualité. Il y a néanmoins une sensibilité qui est toute, pour ainsi dire, dans la raison, et celle-là ne porte à aucun désordre. On est sensible sur ce qui concerne un ami;

(1) 2. Cor. 11.

on ressent ses prospérités et ses adversités, ses avantages et ses disgrâces; mais ce sentiment est tout spirituel. La sensibilité n'est donc si pernicieuse que lorsque les sens y ont part; mais comme souvent il est difficile de démêler quelle part ils y ont, et s'ils y en ont en effet quelqu'une, le plus sûr et le meilleur est de tourner toute la sensibilité de notre cœur vers Dieu; de n'aimer que Dieu dans nos amis, et de n'aimer nos amis qu'en Dieu et que par rapport à Dieu. Telle est l'amitié chrétienne. Amitié d'autant plus pure, que Dieu en est le sacré lien; et d'autant plus solide, que la mort ne la peut rompre, et qu'elle doit durer éternellement par cette charité consommée qui unit ensemble tous les bienheureux.

Pensées diverses sur la Charité du prochain et les Amitiés humaines.

CET homme est sujet à mille foiblesses, c'est un esprit difficile. Je l'avoue; mais que s'ensuit-il de là. Le moyen donc, concluez-vous, de bien vivre avec lui? Fausse conséquence et illusion: car Dieu vous ordonne d'aimer le prochain tel qu'il est, et avec toutes ses foiblesses; et ce sont les foiblesses même du prochain qui doivent être la matière de votre charité. Si les gens étoient sans défauts, qu'aurions-nous à en souffrir; et n'ayant rien à souffrir de personne, comment accomplirions-nous cette divine leçon de saint Paul: Supportez-vous les uns les autres ? (1) Mais que cet homme ne se corrige-t-il? De se corriger, c'est son affaire; mais de le supporter, quoiqu'il ne se corrige pas, c'est la vôtre. Faites ce qui est pour vous du devoir de la charité; et du reste, n'examinez point si les autres font ce (1) Gal. 6; 2. Cor. 3.

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