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qu'ils doivent, ou s'ils ne le font pas, puisque vous n'aurez point à en rendre compte.

Ce qui cause les plus grandes divisions, et ce qui excite les plus grands troubles, c'est le peu de soin qu'on a de ménager les esprits, et de ne pas aigrir imprudemment les passions d'autrui. Mais faut-il donc ne rien dire à un homme; et n'est-il pas bon de lui faire connoître ses défauts et de les lui faire sentir, afin qu'il y prenne garde? Cela est bon en général; mais en particulier, il y a une infinité d'esprits avec qui l'on n'a point d'autre parti à prendre que celui du silence. Quoi que vous disiez, vous ne les changerez pas; au contraire, vous les porterez à des éclats qui vous donneront de la peine, et vous aurez bien plutôt fait de vous taire sagement et charitablement. Il est vrai : ils pourront abuser de votre facilité et de votre condescendance; mais vous profiterez devant Dieu de votre patience et de votre charité.

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Nous nous faisons de l'amitié une religion : et de la charité nous nous faisons tous les jours un sujet de profanation. C'est une charité, dit-on, d'humilier ces gens-là, de les mortifier, de leur apprendre leur devoir: beau prétexte dont on s'autorise pour les traiter dans toute la rigueur, pour les poursuivre à outrance, pour les calomnier, les décrier, les confondre; c'est-àdire pour venger contre eux ses propres querelles, pour contenter ses ressentimens, ses antipathies, ses envies. Car voilà souvent où se réduit cette prétendue charité. Or employer la charité à de tels usages, est-ce la pratiquer? est-ce la profaner?

QU'EST-CE que ces airs de franchise, de simplicité, de cordialité, que nous affectons quelquefois en parlant au prochain, et lui disant certaines vérités très

désagréables? Est-ce un adoucissement que nous prétendons mettre aux avis que nous lui donnons, pour en tempérer l'aigreur et pour les lui faire mieux goûter? rien moins que cela: mais tout au contraire, c'est souvent une voie plus subtile, plus adroite que notre malignité nous inspire, pour mieux contenter, en l'outrageant et l'humiliant, la passion qui nous anime. On dit à une personne les choses les plus dures et les plus piquantes, de la manière, à ce qu'il semble, la plus douce et la plus naïve; et l'on prend plaisir à lui enfoncer le trait dans l'ame d'autant plus avant et plus sensiblement qu'on paroît le faire plus charitablement et plus amiablement.

ON se réconcilie au lit de la mort; on fait appeler des personnes qu'on ne voyoit point depuis plusieurs années, et qu'on regardoit comme ennemis ; on se remet en grâce avec eux: on leur pardonne, et on leur demande qu'ils nous accordent le même pardon. On en use ainsi par principe de religion et de conscience, et l'on ne se croiroit pas autrement en état de recevoir les derniers sacremens de l'Eglise et d'aller paroître devant Dieu. Tout cela est bien : mais du reste, pourquoi attendre si tard? L'obligation de ne garder nulle inimitié dans le cœur, n'est pas moins indispensable pendant tout le cours de la vie, qu'à la dernière heure; et n'est-ce pas l'aveuglement le plus étrange, de vouloir vivre dans des dispositions et des sentimens où l'on ne voudroit mourir ?

pas

Je veux un ami véritable, et, autant qu'il se peut, un ami sincère, et tel dans le fond de l'ame qu'il est dans les apparences; un ami zélé pour mon bien, et désintéressé pour lui-même, qui s'attache à ma personne, et non à ma fortune, à mon crédit, à mon rang, à tout ce qui est hors de moi et qui n'est point moi; un

ami vigilant, prévenant, compatissant, auprès de qui je trouve de la consolation dans toutes mes peines, et du soutien dans toutes mes disgrâces; un ami fidèle, sur qui je puisse compter; discret, à qui je puisse me confier; prudent et sage, que je puisse consulter, et qui soit capable de me conduire et de m'éclairer; droit, juste, équitable, qui m'inspire la vertu, et avec qui je puisse utilement et saintement communiquer ; un ami constant, que l'humeur ne domine point, que le caprice ne change point, toujours le même malgré la diversité des temps, des événemens, des conjonctures et des situations où je puis me rencontrer; enfin, un ami qui, seul et jusques au dernier moment de ma vie, ait de quoi me suffire, quand il ne me resteroit nulle autre ressource, et que je ne pourrois attendre d'ailleurs ni recevoir aucun secours. Voilà encore une fois l'ami je cherche; mais où est-il, et de qui viens-je de tracer ici la peinture? Ah! Seigneur, je le sais, je le sens, mon cœur me le dit; et à ces traits, c'est vous, mon Dieu, que je reconnois, et ce n'est que vous. Assez d'amis parmi les hommes; mais quels amis ! assez d'amis de nom, assez d'amis d'intérêts, assez d'amis d'intrigue et de politique; assez d'amis d'amusement, de compagnie, de plaisir ; assez d'amis de civilité, d'honnêteté, de bienséance; assez d'amis en paroles, en expressions, en protestations; et si peut-être quelquesuns sont mieux disposés, à ce qu'il paroît, on n'éprouve que trop néanmoins dans l'occasion, combien sur ceuxlà même il y a peu de fonds à faire. Voilà de quoi le monde se plaint tous les jours, et de quoi il a bien sujet de se plaindre. Heureux, s'il en profitoit pour s'élever vers vous, Seigneur, et ne s'appuyer que sur vous !

que

La plupart des hommes sont beaucoup plus vifs dans leurs haines, que dans leurs amitiés. D'où vient cela? de

notre

notre amour-propre, qui nous fait tout rapporter à nousmêmes, et tout mesurer par nous-mêmes. Comme donc les offenses qui excitent notre inimitié et notre haine nous regardent spécialement et s'attaquent à nos personnes; et qu'au contraire le caractère de l'amitié est de nous détacher en quelque sorte de nous-mêmes pour nous attacher au prochain, il arrive de là communément que nous sommes tout à la fois et de froids amis, et de violens ennemis.

RIEN de plus fragile que les amitiés humaines. Il faut des années pour les former, il ne faut qu'un moment pour les rompre; encore s'il étoit facile de les renouer mais souvent, ce qu'un moment a détruit, des siècles ne le rétabliroient pas. Les amitiés chrétiennes sont beaucoup plus fermes et plus durables: pourquoi? parce que le christianisme nous rend beaucoup plus patiens, plus désintéressés, plus humbles, et par conséquent, beaucoup moins vifs et moins sensibles sur tout ce qui fait les ruptures et les divisions.

On dit communément, et on a raison de le dire: L'ami de tout le monde n'est ami de personne. Il y a en effet des gens de ce caractère : ils vous aperçoivent, ils viennent à vous avec un visage ouvert, vous tendent les bras, vous saluent, vous embrassent, vous font les plus belles offres de service. Mais enfin, après mille protestations d'amitié, ils vous quittent et demandent au premier qu'ils rencontrent, comment vous vous appelez, et qui vous êtes.

UNE heure de prospérité fait oublier une amitié de vingt années. Depuis long-temps vous étiez lié avec cet homme, de connoissance et de société, parce que vous vous trouviez à peu près dans le même rang ; mais la faveur l'a fait monter, et l'a placé au-dessus de vous. Allez

TOME XV.

4

50 PENSÉES DIVERSES SUR LA CHARITÉ, etc. désormais vous présenter à lui : il ne vous connoît plus; et comment vous connoîtroit-il, puisqu'infatué de sa nouvelle grandeur, il ne se connoît plus lui-même ?

HÉRODES et Pilate devinrent amis, mais aux dépens de Jésus-Christ. Hélas! combien de grands se sont liés de même et accordés ensemble aux dépens du pauvre et de l'innocent!

Vous croyez faire un grand sacrifice à Dieu, parce que vous vivez retiré du monde, et que vous ne voyez presque plus personne. Cela est bon, et je conviens que vous ne voyez presque personne; mais vous voyez trop une seule personne que vous ne devriez plus voir; voyez le reste du monde et ne voyez point celle-là. Tout le reste du monde vous sera moins dangereux : celle-là seule est le monde pour vous, et le monde le plus à craindre.

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