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font ici tant d'épées étrangères? Est-ce pour que la terre verte soit teinte du sang barbare? Vous cherchez, dit-il aux grands d'Italie, vous cherchez l'amour et la foi dans un cœur vénal. Celui qui soudoie le plus de gens est enveloppé de plus d'ennemis. Oh! de quels étranges déserts ce déluge amassé descend-il pour inonder nos douces campagnes! Si nous ne l'arrêtons de nos propres mains, qui pourra s'en sauver? La nature avait bien pourvu à notre sûreté quand elle dressa les Alpes comme un rempart entre nous et la rage tudesque... (1); » mais d'aveugles ambitions nous. ont rendus malades, des bêtes féroces et de paisibles troupeaux sont réunis dans la même cage et c'est toujours aux bons à gémir. Et ceux qui nous oppriment, ce sont les descendants de ces barbares sans lois à qui Marius fit de si larges blessures qu'accablé de soif et de fatigue, il ne put boire dans le fleuve plus d'eau que de sang (2). Hé

(1)

Che fan qui tante pellegrine spade?
Perchè il verde terreno

Del barbarico sangue si dipinga?...

Che 'n cor venale amor cercate e fede.

Qual più gente possede,

Colui è più dai suoi nemici avvolto.

O diluvio raccolto

Di che deserti strani

Per innondare i nostri dolci campi!

Se dalle proprie mani

Questo n' avven, or chi fia chi ne scampi?

Ben provvide natura al nostro male,

Quando dell' Alpi schermo

Pose tra noi e la tedesca rabbia...

(2) Ut victor Romanus de cruente flumine non plus aquæ biberit quam sanguinis barbarorum.

Quando, assetato e stanco

(FLORUS.)

Non più bevve del fiume acqua che sangue. (PETRARCA.)

las! reprend-il plus loin : « N'est-ce pas là cette terre que j'ai foulée jadis? n'est-ce pas le nid où je fus nourri si doucement? n'est-ce pas la patrie en qui j'ai foi, la mère pleine de bonté, de compassion qui couvre de son sein mes deux parents? Au nom de Dieu, que ceci touche quelquefois votre âme et regardez en pitié les larmes de ce peuple douloureux qui, de vous seuls, après Dieu, attend le repos et l'espère. Pour peu que vous vous montriez sensibles à ses maux, la vertu contre la fureur prendra les armes et le combat sera court, car l'antique valeur dans les cœurs italiens n'est pas encore morte (1). »

Ces beaux vers, que Machiavel devait répéter, ont longuement retenti dans les oreilles italiennes. Ce n'est pourtant pas l'œuvre caractéristique de Pétrarque. La source de sa popularité séculaire, de son influence universelle est ailleurs.

(1)

Non è questo il terren ch' i' toccai prima?
Non
questo il mio nido

Ove nudrito fui si dolcemente?

Non è questa la patria in ch' io mi fido,

Madre benigna e pia

Che copre l' uno e l' altro mio parente?

Per Dio, questo la mente

Talor vi mova e con pietà guardate

La lagrime del popol doloroso

Che sol da voi riposo

Dopo Dio, spera ; pur che voi mostriate

Segno alcun di pietate,

Virtù contra furore

Prenderà l'arme; e fia 'l combatter corto,

Chè l'antico valore

Negl' italici cor non è ancor morto.

III.

En effet, le commun des lecteurs ne connaît de lui ni le patriote, ni le latiniste, ni le géographe, ni le collectionneur de médailles, ni l'historien, ni le poète latin, ni l'auteur des épîtres solennelles et des lettres familières, ni rien enfin de ce qui fut couronné au Capitole sur la tête de l'homme heureux. Mais il lui arriva un jour, en sa jeunesse, de rencontrer une femme dans une église; il l'aima du premier regard et toute sa vie ; il composa pour elle un recueil de poésies lyriques; or comme cette femme, par le plus grand des bonheurs, n'entendait pas le latin, il écrivit ces poésies lyriques en italien. Et il se trouva que ces pièces fugitives que Pétrarque affectait de mépriser, tout en les polissant et en les repolissant avec le plus grand soin, pesaient beaucoup plus, malgré leurs ailes, que toute la latinité savante et superbe du poète lauréat. Tout le lyrisme moderne est sorti de ce petit livre qui, à lui seul, a rendu deux noms immortels.

Laure, en effet, a vécu et vivra plus réellement que Béatrice; on n'a pu faire d'elle, malgré tous les efforts subtils de la critique, une allégorie ou une abstraction. Elle était d'Avignon, pays de cours d'amour, et mariée, comme toutes les nobles dames des galanteries provençales. Avec Pétrarque, nous quittons l'école de Bologne, et nous retournons au bon vieux temps du gai savoir, nous reprenons à la langue d'oc tous ses raffinements, toutes ses mièvreries; on a noté avec soin les nombreux emprunts du poète et on l'a nommé, non sans raison,

le dernier des troubadours (1). Il y a progrès toutefois dans ce recul; Laure est une vraie femme, un peu confuse, il est vrai, dans les descriptions de son amant: cou de neige, dents d'ivoire, regard limpide, voix pleine de suavité; cependant, à la regarder de près, on observe en elle plus d'expression que de correction, plus de grâce que de grandeur une beauté du diable qui dut passer vite à cause des fatigues fréquentes de la maternité, avec une blancheur éblouissante, des yeux noirs et des cheveux tombant sur ses épaules en tresses d'un blond vénitien ; puis, ce qui vaut mieux que la beauté, le charme. Elle ne dut pas être heureuse avec le mari jaloux et dur qui la surveillait de près et qui ne la pleura guère; elle n'eut pourtant rien à se reprocher. Pétrarque, jeune, bien fait, estimé, renommé, avait pour lui toutes les auréoles: il aimait Laure éperdument, elle le lui rendait peut-être, on le croirait du moins à certaines indices: une pâleur après de longues absences, des reproches quand il la négligeait un peu, puis certain jour un petit accès de jalousie; et cependant jamais elle ne dit un mot, ne fit un geste qui la pût trahir; elle voulait le retenir sans lui rien accorder, sans lui rien promettre, elle l'attirait et le tenait à distance avec une coquetterie austère qui avait toutes les séductions de la faiblesse et tous les avantages de la vertu. Rien de plus simple que ce roman qui s'est passé entre deux âmes. Pétrarque a vu Laure à l'église; il la revoit dans le monde et se tait d'abord, puis se livre avec véhémence, Laure s'en effraie et l'arrête d'un regard glacé. Il baisse la tête et s'humilie, alors c'est elle qui revient ou du moins le laisse revenir; elle passe sa vie à le repousser

(1) C. GIDEL, les Troubadours et Pétrarque.

et à le ramener; s'il est respectueux, elle s'adoucit, mais qu'il s'oublie un instant, elle le rejette dans la poussière, puis, le voyant si malheureux, lui pardonne; c'est ainsi qu'elle le garda sans se perdre, et cela dura vingt et un ans.

Oui, vingt et un ans, et par quelle chaîne ou quel charme? Un salut de temps en temps, de loin en loin une parole aimable, un jour enfin, jour mémorable, elle lui tendit la main, peut-être : le passage où Pétrarque le dit est si obscur que les commentateurs ne sont pas bien sûrs du fait. Une fois seulement, dans la dernière entrevue, elle attacha sur lui un long regard, comme pour lui dire : « Je t'aimais! » Lui cependant semblait s'être donné tout entier; la meilleure part de son génie et de son cœur était à elle. Les plus grands événements de cette vie si laborieuse sont les mille petits riens qui ne comptent qu'en amour une rencontre fortuite, un salut en passant, un gant qu'on laisse tomber et qu'il est forcé de rendre. Un jour elle descendait le Rhône dans une barque, entourée de ses amies, et il l'entendit chanter; une autre fois un prince étranger, la trouvant dans un cercle de belles Avignonnaises, alla droit à elle et la baisa sur les yeux : c'était le privilège des princes. Pétrarque se montre fier que Laure ait été préférée aux autres, mais il eût bien voulu que cette préférence se fût manifestée autrement. Il passe des journées entières devant le maison de Laure, attendant un regard, heureux quand la fenêtre est ouverte, au midi ou au nord selon la saison. Ou bien la jeune femme vient s'asseoir devant sa porte, sur le banc hospitalier où l'on prend le frais, ou bien encore elle va rêver toute seule au bord de la Sorgue. Voilà les incidents qui font bondir le cœur du poète et en tirent des vers qui ne mourront pas.

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