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Bénis les cris qui me sortaient de l'âme
Quand j'appelais par son doux nom ma dame,
Les vœux, les pleurs, les soupirs que j'aimais,

Les vers écrits pour la rendre immortelle,
Et ma pensée où ne demeure qu'elle,
Elle, elle seule et nulle autre jamais!

LE PÉNITENT (1).

Père du ciel, après les jours perdus,
Après les nuits en rêves dépensées,
Tant de soupirs, tant d'élans éperdus
Vers la beauté qui trouble mes pensées;

Fais, ô mon Dieu, qu'à ton flambeau divin
Changeant de vie et d'espoir, je remonte,
Si bien qu'ayant tendu ses lacs en vain,
Le tentateur les retire à sa honte !

Benedette le voci tante ch'io,

Chiamando il nome di mia donna, ho sparte,
Ei sospiri e le lacrime e il desio.

E benedette sien tutte le carte

Ov' io fama le acquisto, e 'l pensier mio

Ch'è sol di lei, sì ch' altra non vi ha parte.

(1) Ce sonnet fut composé un vendredi saint, anniversaire du jour où Pétrarque avait rencontré Laure pour la première fois, dans une église.

Padre del ciel, dopo i perduti giorni,
Dopo le notti vaneggiando spese
Con quel fero desio ch' al cor s'accese

Mirando gli atti per mio mal si adorni ;

Piacciati omai, col tuo lume, ch' io torni
Ad altra vita ed a più belle imprese ;
Si ch' avendo le reti indarno tese,
Il mio duro avversario se ne scorni.

Onze ans déjà sur mon front écrasé
Ce joug de fer sans relâche a pesé,

D'autant plus dur et lourd que plus on l'aime;

Grâce et pitié! Rends mes pensers plus droits!
Rappelle-moi, Seigneur, qu'aujourd'hui même
Tu fus pour nous attaché sur la croix !

(1)

LE VISIONNAIRE (1).

J'allai par la pensée aux lieux où règne celle
Que je cherche en ce monde et ne retrouve plus ;
Dans le troisième cercle où chantent les élus
Je la revis là-haut moins altière et plus belle.

Elle me prit la main et dit : « C'est mon espoir « Qu'avec moi tu seras un jour en cette sphère : « Je suis celle qui t'a si longtemps fait la guerre « Et finit sa journée avant que vînt le soir.

Or volge, Signor mio, l' undecim' anno
Ch' i' fui sommesso al dispietato giogo
Che sopra i più soggetti è più feroce.

Miserere del mio non degno affanno;
Riduci i pensier vaghi a miglior luogo;
Rammenta lor com' oggi fosti in croce.

Levommi il mio pensier in parte ov' era
Quella ch'io cerco e non ritrovo in terra,
Ivi fra lor che il terzo cerchio serra,
La rividi più bella e meno altera.

Per man mi prese e disse: in questa spera
Sarai ancor meco se 'l desir non erra:
I' son colei che ti die' tanta guerra
E compie' mia giornata innanzi sera.

«Ma joie en ces hauts lieux dépasse votre vue;

« C'est toi seul que j'attends, et ce qu'aimaient tes yeux, « Mon beau voile est resté sur la terre âpre et nue. »

Oh! pourquoi, retirant sa main, s'est-elle tue?
Car ses discours étaient si chastes et pieux,

Qu'au doux son de sa voix j'allais rester aux cieux.

Pétrarque a donc été le premier artiste de son temps, mais ce n'est pas cette virtuosité seule qui le met au dessus des autres lyriques. Pour la première fois, de la foule des troubadours, sort une figure distincte qui ne ressemble à personne et à qui tout le monde voudra ressembler. Ce nouveau venu va de Provence en Italie, non pour recommencer Sordel, ou les Siciliens ou les Bolonais, mais pour chanter comme Dante sous l'inspiration de son amour. Et cet amour a une intensité, une continuité, une sincérité encore inconnues: c'est bien l'intérêt poignant d'une vie entière; il s'empare de tout un homme, l'arrache à ses travaux, lui fait une vie errante, inquiète, le tourmente de mille manières, le force à combattre incessamment tantôt contre l'entraînement de la passion, tantôt contre l'austérité de la conscience et refuse la paix à cet infortuné toujours tiraillé entre le ciel et le monde, toujours chaste malgré l'homme, toujours humain malgré Dieu. Il y a là une lutte inconnue des anciens, des troubadours, même de Dante, dont la Béatrice qui a trop peu

Mio ben non cape in intelletto umano :
Te solo aspetto e quel che tanto amasti,
E laggiuso è rimaso, il mio bel velo.

Deh perchè tacque ed allargò la mano?
Ch' al suon de' detti si pietosi e casti
Poco mancò ch' io non rimasi in cielo.

vécu passe vite à l'état d'idéal et de parti pris; c'est bien le bouillonnement d'une âme en feu, la chair et l'esprit aux prises, la révolte des sens, la compression du devoir, tout l'être intérieur violemment ébranlé qui se débat et souffre. Pétrarque nous apparaît aujourd'hui comme un Jean-Jacques du moyen âge, un solitaire et un vagabond. cherchant et fuyant la gloire qui l'enivre sans le réjouir; un malheureux toujours en guerre contre lui-même, s'exilant dans le désert, s'attachant aux forêts, aux montagnes, qu'il gravit et décrit le premier; un alpiniste en quête de contemplations et de méditations, amenant par là dans l'art, peut-être sans y songer, des émotions nouvelles, et changeant par un livre, où il n'a fait que se peindre luimême, la manière de sentir et d'aimer de ceux qui viendront après lui. C'est par là surtout que Pétrarque est un moderne.

IV.

Il fut de plus, dans la république des lettres, le plus grand personnage de son temps. Riche d'abord, ayant des maisons à Vaucluse, à Parme et ailleurs des jardins, deux chevaux, plusieurs domestiques, assez d'argent pour lui et pour les autres, cinq bénéfices ecclésiastiques (il en donna trois); libéral et hospitalier, il eut beaucoup d'amis et des admirateurs en foule : « Un maître d'école aveugle de Pontremoli traversait tout le sud de l'Italie avec l'espérance de le trouver à Naples et, ne l'y ayant pas rencontré, revenait à Parme, à travers l'Apennin, afin d'entendre une fois en sa vie le son de cette voix fameuse; un orfèvre de Bergame place le portrait du poète dans tous les coins de sa demeure, fait dorer la chambre où il lui offre l'hos

pitalité, et, après l'avoir reçu une seule nuit sous son toit, déclare que personne ne couchera jamais dans le lit de pourpre où Pétrarque a dormi. A Arezzo, ses compatriotes le conduisent en triomphe devant la maison où il est né... Lorsqu'il passe à Milan, toutes les têtes se découvrent... (1). » Il écrivait aux princes, même aux papes, et avec eux le prenait de haut: courtisan si l'on veut, mais bien plus courtisé, recherché par les grands qui venaient à lui pour se mettre au soleil, il avait conquis la situation qui attendait Érasme au seizième siècle et Voltaire au dix-huitième. Un jour il descendit le Pô entre deux armées aux prises, le combat cessa pour le laisser passer. A Venise on le fit asseoir à droite du doge. Une impératrice lui écrivit de sa main pour lui annoncer un événement de famille; quatre papes et deux rois voulurent l'attacher à leur cour; le sénat de Rome et l'université de Paris se disputèrent l'honneur de lui décerner le laurier poétique. Dès le moment où il mourut, il fut accaparé par la légende qui vit une nuée blanche, échappée de ses lèvres, monter au ciel. Déjà de son vivant il avait fait école. Il s'en plaignait amèrement, en répétant, sans se consoler, le vers d'Horace: Scribimus indocti doctique pœmata passim.

« C'est une triste consolation, 'écrivait-il, d'avoir des semblables, j'aimerais mieux être malade tout seul. >> On ne le laissait pas respirer, tous les jours des épîtres pleuvaient sur lui: il en venait de France, d'Allemagne, d'Angleterre, de Grèce. On le consultait et il ne savait que répondre: « Si je blâme, je suis un censeur odieux; si je loue, un fade adulateur. » Tout le monde se mêlait de

(1) A. MÉZIÈRES, Pétrarque d'après de nouveaux documents (1867).

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