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proses et surtout de beaux vers latins: que la terre lui soit légère! — Un autre, Guarin de Vérone, celui qui retrouva Catulle, était allé chercher des manuscrits à Constantinople; au retour, son butin périt dans un naufrage et l'on a cru longtemps que ses cheveux en blanchirent tout à coup. Tels étaient (et nous n'avons pu en montrer ici que quelques-uns) les hommes que possédait l'Italie au milieu du quinzième siècle. Il y faut ajouter les artistes: Donatello, Ghiberti, Fra Angelico, Masaccio, Brunelleschi, tous Toscans : l'art, en marchant, demeurait italien, grandissait dans le centre italien, Florence. Les latinistes pouvaient naître et vivre partout à Ferrare, à Milan, à Mantoue, à Venise, à Urbin, à Rome, à Naples. Époque utile après tout, non de pensée et de création, mais d'étude et de recherche, où des hommes de feu mettaient l'emportement du génie et une rage d'artistes à creuser les fondations, à rassembler les matériaux du prochain monument.

:

II.

Rien de pareil en France ni ailleurs; ce n'était décidément plus nous qui menions le mouvement littéraire. Au commencement du siècle, nous avions sans doute encore des théologiens du plus grand mérite qui moururent entre 1421 et 1440 (Pierre d'Ailly, Nicolas de Clémangis ou de Clamanges, Jean Gerson), et ces théologiens écrivirent encore en latin, mais leur langue était barbare. Clemangius fabriqua un poème en hexamètres sur le Schisme, et l'on inscrivit un hexamètre sur son tombeau :

Qui lampas fuit Ecclesiæ sub lampade jacet,

mais ce vers est faux : c'est un signe des temps; en Italie on eût mieux mesuré les syllabes. Ces hommes de foi et de combat avaient mieux à faire que de caresser des élégances, et l'on a remarqué que Jean Gerson écrivait beaucoup mieux en français pour le peuple, qu'en latin pour les clercs. Est-ce à lui, est-ce même à son temps qu'il faut attribuer « l'Imitation de Jésus-Christ », ce chef-d'œuvre si doucement chrétien, si naïvement barbare? Quatre siècles et trois pays se le disputent et on cherchera longtemps encore le nom du « pacifique dégoûté » qui, après l'avoir écrit, disait à Dieu : « Donne-moi d'être ignoré » (da mihi nesciri). Fut-ce une œuvre successive et collective? Est-ce vraiment « le plus beau livre qui soit sorti de la main des hommes, puisque l'Évangile ne l'est pas. » On le croyait du temps de Fontenelle et bien des âmes sincèrement chrétiennes le croient encore. C'est une question de foi et de sentiment; la critique n'y doit pas toucher.

Mauvais temps d'ailleurs pour les lettres. La poésie était en action, taillait de la besogne à Chapelain, à Schiller, à Casimir Delavigne et à tant d'autres ; elle lançait sur les champs de bataille

Jehanne, la bonne Lorraine

Qu'Anglois brûlèrent à Rouen.

Nous avions de plus Alain Chartier (mort, dit-on, en 1449), haut et scientifique poète

Doux en ses faits et plein de rhétorique,

Clerc excellent, orateur magnifique,

et comparé à Sénèque par Étienne Pasquier. Il fut illustré surtout, malgré sa laideur, par le baiser que lui donna la dauphine Marguerite. Meilleur poète, facile, aisé, molle

ment mélancolique, Charles d'Orléans (mort en 1465), avançait la langue; il suffit de rajeunir son orthographe (ce qu'on fait presque toujours en imprimant Dante) pour constater que le dialecte d'oil est déjà du français :

Le temps a laissé son manteau

De vent, de froidure et de pluie,

Et s'est vêtu de broderie

De soleil luisant, clair et beau.

Il n'y a bête ne oiseau

Qu'en son jargon ne chante ou crie:
Le temps a laissé son manteau

De vent, de froidure et de pluie.

Rivière, fontaine et ruisseau
Portent en livrée jolie
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie;

Chacun s'habille de nouveau.
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie.

Villon, l'aîné de nos poètes modernes, allait venir. L'Espagne se rapprochait de l'Italie; depuis longtemps déjà, l'on avait vu à Bologne des écoliers, même des professeurs espagnols: ils y fondèrent en 1364 le collège de Saint-Clément. Dès le treizième siècle, après les Vêpres, les Aragonais étaient allés en Sicile; au moment où nous sommes parvenus, Naples appartenait au roi Alphonse d'Aragon. Entre les deux pays, il y avait des rapports de langue et déjà de littérature; on sait que le chancelier d'Ayala connaissait Boccace et que, dès 1428, la « Divine Comédie » fut traduite en catalan; elle le fut aussi, la même année, en espagnol. Dans la première moitié du quinzième siècle, sous le long règne de Jean II qui toujours en tutelle, se consolait avec les lettrés et faisait

lui-même des vers, nous voyons de très grands seigneurs tenir la plume. C'est d'abord Henri de Villena qui descendait de deux maisons royales, par son père de Castille et par sa mère d'Aragon. Il vécut à la cour aragonaise de son parent Ferdinand le Juste et, protégeant les troubadours en exil, contribua fortement à rétablir le consistoire de la Gaie-Science. Il mourut en 1434, à Madrid, en allant faire une visite au roi. Ce personnage avait étudié beaucoup de choses sans y être forcé, même la nécromancie, aussi sa bibliothèque de cent manuscrits, ce qui était énorme, fut-elle brûlée après sa mort. On a de lui peu d'ouvrages: un « Art de découper » (Arte cisoria) où il remontait à l'origine des arts et à la création du monde; un « Art de trouver » (Arte de trobar), sorte de manuel du parfait troubadour, enfin un court traité en prose, les « Travaux d'Hercule » (Trabajos de Hercules) qu'on croyait être un grand poème, tant on l'avait oublié.

Ce marquis de Villena eut un écuyer qui devint plus célèbre que lui, le galicien Macias. Ce malheureux, épris d'une jeune personne qui épousa par ordre un gentilhomme de Porcuna, n'en continua pas moins ses poursuites, et, sur la plainte du gentilhomme, Villena, qui était grand maître de Calatrava, fit jeter l'amoureux en prison. Macias était poète, et, dans la tour où on le tenait enfermé, s'obstinait à chanter sa dame; le mari furieux lui lança une flèche à travers les barreaux de la fenêtre, et Macias tomba mort en murmurant le nom de celle qu'il aimait. Toute l'Espagne reçut le coup et pleura la victime. Macias devint une sorte de héros national, l'amoureux par excellence, il inspira des poèmes ou des drames aux maîtres du grand siècle; la littérature espagnole tout entière retentit du nom de Macias.

Un autre grand seigneur, Inigo Lopez de Mendoza, marquis de Santillane, qui commanda des armées contre les Maures, et qui, après une vie passée dans les hautes affaires, perdit sa femme et tomba dans la dévotion, eut le temps de protéger et de cultiver les lettres. C'est lui qui écrivait : « La science n'émousse pas le fer de la lance, n'amollit pas l'épée dans la main du chevalier (1). » Il fut l'ami de Villena, posséda quantité de livres, s'occupa de poésie provençale, imita Boccace et ne dédaigna pas de pétrarquiser. Boccace joue un rôle dans sa Comedieta de Ponza, poème en cent vingt octaves dont le sujet est un combat naval livré près de l'île de Ponza en 1435; c'est un récit traité en vision, et intitulé Comédie, sur l'autorité de Dante, parce que le dénouement en est heureux. Au milieu de tout cela, des imitations d'Horace :

«Bienheureux ceux à qui la simple houe suffit pour vivre et vivre satisfaits, et qui de loin en loin trouvant un gîte, souffrent sans peine et la pluie et le vent. Ceuxlà ne craignent pas leurs mouvements, ne savent rien des choses du passé, n'ont nul souci des choses du présent ni d'où viendront les choses à venir (2). »

(1) La sciencia no embota el hierro de la lança, ni hace floxa la espada en la man del caballero.

(2)

Benditos aquellos que con el açada
Sustentan sus vidas y viven contentos,
Y de cuando en cuando conoscen morada,
Y sufren plazientes las lluvias y vientos.
Ca estos non temen los sus movimientos,
Nin saben las cosas del tiempo pasado,
Nin de las presentes se hacen cuidado,
Nin las venideras do an nascimiento.

On remarque que c'est l'ancienne octave de Boccace, pas encore celle de Politien.

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