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On peut se figurer la colère du pape. Cinq courriers envoyés pour ramener le fugitif ne purent l'atteindre qu'en pays toscan. Ils firent les méchants; Michel-Ange leur dit : <«< Partez ou je vous tue. » Ils s'adoucirent, mais ne purent obtenir de lui qu'une lettre au pape. Dans cette lettre, Michel-Ange faisait des excuses, mais déclarait nettement qu'ayant été traité comme un faquin pour prix de son affection et de ses services, il priait Sa Sainteté de choisir un autre sculpteur. Jules II, outré de colère, écrivit bref sur bref à Florence et finit par effrayer le pauvre Soderini. Ce gonfalonier disait au gréviste : « Tu t'es conduit avec le pape comme n'aurait pas fait le roi de France; tu comprends que nous ne pouvons pas pour tes beaux yeux soutenir une guerre contre Rome. Prépare-toi donc à partir. L'artiste révolté répondit : « J'irai chez le Grand Turc. » Ce prince, en effet, voulait faire jeter un pont de Constantinople à Péra, et il avait songé à Michel-Ange. Il fallut la main de Dieu pour faire comprendre au lion blessé qu'il ne serait pas plus libre à Constantinople qu'à Rome.

Enfin Jules II étant entré à Bologne, l'épée à la main, comme on sait, Michel-Ange, vivement pressé par un cardinal, consentit à rentrer en grâce. Il partit avec une sorte de passeport de Soderini qui le recommandait comme un bon jeune homme dont on faisait tout ce qu'on voulait avec des caresses. « Il faut lui montrer de l'affection et du bon vouloir et il fera des miracles. » Ces phrases peignent l'homme et sont bonnes à retenir.

Le farouche pénitent alla donc à Bologne et fut conduit tout droit au pape qui était en train de dîner. Le premier regard de Jules II fut terrible : « C'est toi qui devais venir à moi, s'écria-t-il, et tu as attendu que nous te vinssions chercher. » Buonarroti, à genoux, mais frémissant, balbu

T. I.

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tiait de fières excuses qui étaient des reproches. Il disait qu'il n'avait point agi par méchanceté, mais par indignation, n'ayant pu supporter le traitement qu'il avait reçu. Jules II setaisait, ne sachant trop que répondre ; un évêque vint à son secours : « Que Votre Sainteté lui pardonne, murmura ce prélat : le pauvre homme a péché par ignorance. Ces peintres sont tous ainsi. » Alors Jules II, qui avait besoin de se mettre en colère contre quelqu'un, s’abattit sur l'évêque. Il lui cria : « Tu dis des sottises que je ne dirais pas moi-même. C'est toi qui l'insultes, l'ignorant, c'est toi ! va-t-en au diable! » Et il le frappa de sa canne, puis, comme le camail violet ne se hâtait pas de sortir, les domestiques le mirent à la porte à coups de poing. La colère était passée, et Jules II donna sa bénédiction à Michel-Ange. Tous les personnages nous plaisent dans cette scène, même le pauvre monsignor qui reçut les coups. Les nigauds sont souvent bons à quelque chose.

Quelque temps après, Buonarroti, maître dans tous les arts, peignait les voûtes de la Sixtine. Il avait voulu tout faire de ses propres mains, même les échafauds nécessaires à son travail, et travaillait de l'aube au soir, portes closes, broyant son mortier, préparant ses couleurs, faisant le charpentier, le maçon, ne voulant voir personne, dormant la nuit tout habillé, sur ses échafauds. Mais le pape, très curieux, très impatient et d'une fougue fievreuse, voulait voir et venait souvent frapper à la porte. Il retroussait sa robe et grimpait jusqu'à la plate-forme sur une échelle à chevilles, derrière l'artiste qui lui tendait la main. Un beau jour, il n'y tint plus et dit à Michel-Ange qui lui résistait en vain : « C'est trop beau, il faut que tout le monde voie ! » Les échafauds furent enlevés le jour même, et, dès le lendemain, avant qu'on eût balayé la chapelle, le pape y entra

le premier; il y dit la messe quelques heures après; on laissa entrer le peuple et ce fut une immense acclamation, un véritable ouragan d'enthousiasme.

C'est ainsi que travaillaient ensemble ces deux hommes, le pape et l'artiste, qui passaient leur vie à se quereller. Jules II collaborait avec son intelligence supérieure ou du moins avec ce diable au corps qui était aussi une inspiration. Il donnait des conseils, voulait mettre un peu d'or aux tableaux de la voûte. Michel-Ange répondait : << Non! Je ne veux pas que les hommes portent de l'or sur leurs vêtements. Mais ma chapelle aura l'air bien pauvre. Les hommes que j'ai peints là, répondait le vrai prêtre, étaient aussi de pauvres gens. >>

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II.

Par malheur Léon X devint pape: c'était un homme de plaisir et d'esprit, assez fin, un peu rusé, lettré du reste et poli, qui encouragea les arts et sut occuper Raphaël. Mais on ne le lui a pas assez reproché, il fit perdre neuf années à Michel-Ange; et quelles années! Quand Léon monta sur le trône, le peintre de la Sixtine avait trente-huit ans. Il passa donc sans rien faire cette période de pleine fécondité où l'homme jeune encore et déjà mûr porte à la fois ses fleurs et ses fruits comme les orangers d'Italie. Léon, qui était Florentin et qui avait un faible pour Florence, voulut embellir sa ville et faire une façade à l'église de Saint-Laurent. Ce fut à ce travail qu'il destina Michel-Ange. L'artiste obéit à contre-coeur, parce qu'il aurait voulu achever le tombeau de Jules II: il partit pour Carrare afin de fouiller encore ces monta

gnes de marbre que les Italiens émiettaient en statues et en monuments. Mais on dit au pape que Carrare avait une réputation usurpée, que c'était d'ailleurs un pays étranger et qu'on trouvait d'aussi belles pierres en Toscane. Léon X ordonna donc à Michel-Ange de prendre des matériaux toscans; il fallut obéir encore, entreprendre des travaux très longs, fouiller les carrières avec des peines infinies, frayer des chemins pour transporter les blocs au bord de la mer; ils y sont encore. Quand Michel-Ange, après tant d'années perdues, revint à Florence, le pape ne songeait plus à Saint-Laurent, et la façade de cette église est encore à faire. Tel fut un des plus gros péchés de Léon X.

Ce pape a-t-il mérité de donner son nom à un siècle? On l'a longtemps porté aux nues, on l'attaque aujourd'hui résolument; les contemporains hésitaient. Le Florentin Veitori, qui vécut longtemps à Rome, a écrit sur lui: « Sa tête était d'une grosseur assez peu proportionnée au corps, toujours plein de catarrhe, et il ne pouvait se dire tout à fait réglé dans le vivre, parce que tantôt il jeûnait trop, tantôt il excédait... Plus il commit de fautes, plus en répara la fortune qui, même dans la conjuration des cardinaux, lui fournit le moyen de renouveler le collège, en le remplissant de ses amis. Il ne voulait pas d'ennuis et pourtant s'en attira beaucoup par le continuel désir qu'il avait de pousser les siens ; mais la fortune, en le favorisant sans cesse, le délivra encore de ce souci, en lui enlevant son neveu, outre son frère (1). » En somme, fut-il plus à louer

(1) Il suo capo era di una grossezza assai poco proporzionata al corpo, sempre pieno di catarro, e neppure poteva egli dirsi regolato nel vivere, perchè a volta digiunava troppo, a volta invece eccedeva.

qu'à blâmer? Francesco Vettori, le « compère » de Machiavel, ne se prononce pas, ni Guichardin qui trouve du bien et du mal dans la conduite du pape, « plus prudent et beaucoup moins bon qu'on ne l'avait espéré. » Les ambassadeurs vénitiens, gens d'affaires très avisés, tout à fait pratiques, et dont les « Relations », publiées de nos jours, entrent dans les menus détails, disent de Léon X en 1517 « Ce pape a quarante-deux ans accomplis le 11 décembre... C'est un homme de bien et très libéral, et il ne voudrait pas se donner de peine... Quand on le fit pape, il dit à Julien, son frère: Jouissons de la papauté, puisque Dieu nous en a doté. Si bien que le pape ne voudrait ni guerre ni fatigue, mais les siens lui donnent du tracas (1)... Le cardinal Sangiorgio dit à notre orateur que le pape Jules donnait pour sa table quatre mille ducats par mois environ, mais celui-ci en veut huit ou neuf. La raison en est qu'il vient ici beaucoup de Florentins qui se disent parents du pape et qui vont manger chez lui... Le pape est amateur de lettres, docte en humanités et en droit canon, et surtout musicien excellent : quand il chante avec quelqu'un, il lui fait donner cent

Ebbe nella sua vita molte vicende, ma gli ultimi otto anni furono davvero fortunatissimi, così pel suo ritorno a Firenze, come per la elezione e durante tutto il papato, nel quale quanti più errori fece, a tanti più rimedio la fortuna, che anche nella congiura dei cardinali gli dette modo di rinnovare il collegio, empiendolo di suoi amici. Non voleva noie, eppure se ne procurò molte, pel continuo desiderio d'ingrandire i suoi, ma la fortuna, per favorirlo sempre, lo liberò anche da questo pensiero, levandogli oltre al fratello il nipote.

(1) Quando fu fatto papa, diceva a Giuliano suo fratello : Godiamoci in pace il papato, poi che Dio ce l'a dato. Sicchè il papato non vorria nè guerra nè fatica, ma questi suoi lo intrigano.

Relazione di Marino Giorgi.

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