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Jean Boccace nouvellement traduites de l'italien en français (par Antoine Lemaçon, conseiller du roi et très humble serviteur de la reine de Navarre); desquelles le roi très chrétien François Ier de ce nom, monseigneur le Dauphin, madame la Dauphine et madame Marguerite ont fait tant de cas, que si Boccace, du lieu où il étoit, les eût pu ouir, il eût dû ressusciter à la louange de telles personnes. A l'heure j'ouïs les deux dames dessus nommées avec plusieurs autres qui se deliberoient d'en faire autant, sinon en une chose différente de Boccace, c'est de n'écrire nouvelle que ne fût véritablement histoire. » Quant au roi lui-même, il ne s'éleva pas jusqu'à Dante. « Que je n'entende plus parler, dit-il un jour, de ce ridicule auteur; mais il rima une épitaphe pour le tombeau de Laure; ce huitain si souvent cité prouve qu'il suivait les Italiens jusque dans leurs défauts.

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En petit bien compris, vous pouvez voir

Ce qui comprend beaucoup par renommée :
Plume, labeur, la langue et le devoir
Furent vaincus par l'amant de l'aimée.
O gentille âme étant tant estimée,
Qui te pourra louer qu'en se taisant?
Car la parole est toujours réprimée
Quand le sujet surmonte le disant.

Enfin François Ier eut son poète italien qui, forcé de quitter Florence pour échapper aux Médicis, montra le chemin du refuge à quantité d'autres écrivains persécutés que l'hospitalité française a recueillis jusqu'à nos jours. Luigi Alamanni (1495-1556) fut comblé des faveurs du roi qui lui confia plusieurs embassades. C'était un poète élégant, qui s'essaya dans la tragédie, dans la comédie et dans l'épopée : son « Giron le courtois » exhuma les

chevaliers de la Table ronde, et sa Coltivazione, imitée de Virgile et de Columelle, donna un fatal exemple aux descriptifs qui allaient pulluler. Grâce à lui et à Jean Ruccellai, le poète des « Abeilles », le genre didactique devint à la mode: c'est toujours en poésie un signe de fatigue et de refroidissement : l'automne arrive. Il y a pourtant progrès dans la versification: le vers blanc (verso sciolto), encore un peu paresseux, mais moins porté que l'octave au lyrisme, entre dans l'art où il fera son chemin. Avant Ruccellai, le Trissin l'avait introduit au théâtre. C'est là une innovation dont Annibal Caro, Milton, William Cowper, Parini et beaucoup d'autres maîtres, sans compter les tragiques, feront leur profit. Chez Alamanni, le verso sciolto est encore trop régulier, quasi monotone; cet accent qui tombe toujours sur la sixième syllabe finit par fatiguer l'attention. Mais il sera beaucoup pardonné à l'auteur de la Coltivazione, parce qu'il ne fut point ingrat, il aima beaucoup la France:

« Qu'en vous pour bien agir le genre humain, ô glorieux François, cherche un exemple; il verra qu'aucune heure, aucun moment ne passe inoccupé dans vos journées; que porté soit aux armes, soit aux muses, votre royal esprit est toujours prêt. Tantôt, selon les temps, selon les lieux, vous ramenez au bien les lois tordues, tantôt vous raisonnez des morts illustres et, par des arguments doctes et forts, vous jugez le procès des anciens sages. Ainsi le temps s'en va moins lourdement ; ainsi quand vient la mort on reste en vie; ainsi plus cher à Dieu l'on rentre au ciel (1). »

(1)

Prende al suo ben oprar la gente umana,
Glorioso Francesco, in voi l' esempio;

III.

Quant à Charles-Quint, s'il protégea les lettres et les arts, ce fut moins par goût que par gloriole. Politique avant tout, il lisait Machiavel, Guichardin et causait longuement avec ce dernier, mais sa faveur s'adressait plutôt aux Arétin qu'aux Arioste. S'il ramassait le pinceau de Titien en lui disant qu'un artiste pouvait bien être servi par un empereur, c'est qu'il savait à quel point l'empereur était servi par l'artiste. Ses libéralités tombaient plus volontiers sur ceux qu'il croyait utiles à sa célébrité, ce qui ne l'empêchait pas de crier contre les flatteurs, mais il faudrait nous dire où la flatterie commence; les hommes qu'on loue, surtout quand ils portent le sceptre, n'en ont jamais rien su. En ce temps-là Charles-Quint était le maître; le pape lui-même fut son prisonnier ; l'Italie presque entière, politiquement, appartenait à l'Espagne. En revanche, littérairement, l'Espagne était en Italie. L'empereur préférait les écrivains de Toscane à ceux de Castille.

E vedrà come in vano ora o momento
Non lasciate fuggir de' vostri giorni:
Ch' ora all' armi volgete, ora alle Muse
L'intelletto real ch' a tutto è presto;
Ora al santo addrizzar le torte leggi,
Come più si conviene a 'l tempo e 'l loco;
Ora al bel ragionar di quei che furo
Più d'altri in pregio; e terminar le liti,
Con dotto argomentar, de' saggi antichi.
Cosi meno a passar n' aggreva il tempo,
Così dopo il morir si resta in vita,
E più caro al Fattor si torna in cielo.

Ce fut par une pièce de l'Arioste qu'il fêta le mariage d'une infante au palais d'Aranjuez (1548). D'ailleurs Charles se plaisait peu dans le pays dont il était le roi. L'air de Madrid convenait à ses infirmités; voilà pourquoi cette cité, que Séville avait éclipsée un certain temps, devint la capitale du royaume. Certes la gloire de l'empereur rejaillit sur l'Espagne, qui se l'attribua; le poète Hernando de Acuna put annoncer que le monde n'aurait désormais, « pour sa grande consolation, qu'un seul monarque, un seul empire, une seule épée (1), » cependant Charles-Quint, par sa guerre contre les comuneros et par ses conquêtes étrangères, gâta le caractère espagnol. Il diminua dans cette fière nation l'énergique sentiment d'indépendance entretenu si longtemps par la guerre contre les Maures; il détruisit tout ce qui avait été épargné, même par Ximénès, de la liberté politique; il protégea l'inquisition qui devait circonscrire et comprimer l'activité littéraire; il mit de l'emphase et de la forfanterie dans la gravité de ce peuple qui ne sut plus écrire et parler naturellement. Sous son règne, il n'y eut guère d'écrivains au delà des Pyrénées, et le peu qu'il y en eut alla s'inspirer au pied des Apennins. Sannazar, d'origine espagnole, chantait en latin ou en italien; Jean Boscan, de Barcelone (mort en 1543), après avoir quitté le catalan pour le castillan, s'italianisa tout à fait et transporta dans son pays la versification de Pétrarque et de l'Arioste: il fit des capitoli, des canzoni, une Alegoria où il opposa la cour de jalousie à la cour d'amour et il traduisit le Cortegiano de Castiglione ; la langue y gagna peut-être, mais l'esprit national s'en allait. Un autre, Garcilaso de la Vega (1503-1536), qui se

(1) Un monarca, un imperio y una espada.

battit sous Charles-Quint, fut au siège de Tunis et mourut à trente trois-ans, près de Fréjus, d'un coup de pierre, soupira des églogues très douces qui eurent un succès prodigieux, mais ce n'était que de l'italien à peine modifié par la légère diversité d'une langue sœur :

<< Pour toi la vie ombreuse et son silence, pour toi l'éloignement et la retraite sur le mont solitaire me plaisaient, pour toi le vent si frais, l'herbe si verte!

« Je désirais pour toi le lis candide, la rose et ses couleurs, le doux printemps. Ah! que je me trompais! Que c'était différent et de toute autre sorte, ce qui dans ton cœur faux était caché (1)! »

Garcilaso fut vanté, vengé même; Herrera le proclama roi du doux pleur (rey del blando llanto) et CharlesQuint fit égorger les cinquante paysans qui l'avaient lapidé à Fréjus. Mais, poétiquement, le parti opposé, les copleros, ou partisans des vieux couplets et des vieilles coupes, avaient peut-être raison. Leur chef Castillejo, qui mourut dans un couvent, plus que centenaire (1494-1596), après avoir été pendant trente ans secrétaire de Ferdinand, frère de Charles-Quint, eut beau se fâcher contre les « pétrarquistes », comparer leur réforme à celle de Luther,

(1)

Por ti el silencio de la vida umbrosa,
Por ti la esquividad y apartamiento
Del solitario monte me agradava ;

Por ti la verde hierba, el fresco viento,

El blanco lirio, y colorada rosa
Y dulce primavera deseaba.
¡Ay quanto me engañaba!

¡Ay quan diferente era

Y quan de otra manera

Lo que en tu falso pecho se escondia !

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