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CHAPITRE VIII.

Des églises nationales.

Les maximes gallicanes, proclamées précipitamment par des prélats de cour, qui, dans l'aveuglement de la passion, n'y virent qu'une insulte au pontife romain et une flatterie pour le monarque, tendoient, comme on l'a prouvé, à séparer totalement l'ordre politique de l'ordre religieux, et même à détruire l'ordre religieux en le soumettant, contre sa nature, à l'ordre politique. Elles ne sont, sous ce rapport, que l'expression théologique des doctrines du siècle, des doctrines athées, dont la philosophie, née du protestantisme, s'efforce de faire l'application rigoureuse à la société ; et sous le même rapport, il est impossible de concevoir rien de plus opposé à la croyance unanime des peuples et aux idées que les anciens se formoient de la constitution de la cité, qui reposoit à leurs yeux sur la loi divine, source primitive et base nécessaire de toutes les lois humaines (1).

Le christianisme, en perfectionnant l'institution religieuse, et par conséquent aussi l'institution sociale,

(1) Plat. de Legib., lib. X et alib. Xenoph. Memorab. Socrat., lib. I.-Plutarch. contra Colot., Oper. p. 1125.- Cicer. de Legib. passim.

n'en déplaça pas les fondemens; au contraire il les affermit, et ce fut encore autour de l'autel que les hommes se rassemblèrent et s'unirent. Une nouvelle civilisation sortit du sanctuaire où s'étoit noué le lien politique, civilisation proportionnée dans son développement à celui des dogmes et des préceptes; car tout le droit public des peuples est dans les préceptes de leur religion, et toute leur raison dans ses dogmes. Quoi qu'en puissent penser ceux dont la science n'a su jusqu'à présent que détruire, la vie de la société n'est pas de l'ordre matériel. Jamais État ne fut fondé pour satisfaire aux besoins physiques. L'accroissement des richesses, le progrès des jouissances ne créent entre les hommes aucuns liens réels, et un bazar n'est point une cité. Essayer de réduire à des relations de ce genre les rapports constitutifs d'une nation, c'est chercher les lois de la nature humaine et de la nature sociale dans ce que l'homme a de commun avec les animaux; c'est travailler dès-lors à le rabaisser au niveau de la brute, condition indispensable pour le succès d'un pareil dessein: car tant que l'homme demeurera un être moral et intelligent, les lois de l'intelligence et de l'ordre moral se manifesteront invinciblement et domineront toutes les autres lois; elles seront seules la société.

Et quel est en effet le pays, l'époque, où la société n'ait eu pour base des croyances communes avec les devoirs qui en résultent? Et quand les croyances périssent, n'est-ce pas encore par les opinions qu'on se divise ou qu'on se rapproche? N'est-ce pas toujours dans TOME 7.

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l'ordre spirituel, et là uniquement, que se trouve le principe d'union? Mais aussi nulle cause plus puissante de séparation que la diversité des croyances, rien qui rende l'homme plus étranger à l'homme, qui crée des défiances plus profondes, des inimitiés plus implacables. Cela est vrai, surtout pour les peuples : quand la religion ne les unit pas, elle creuse entre eux un abîme.

L'histoire du monde païen en offre un exemple perpétuel. Ces haines si animées, si persévérantes, ce patriotisme étroit et barbare, quel en étoit le premier principe, si ce n'est l'opposition des cultes idolâtriques? «< Chaque État, dit Rousseau, ayant son culte >> propre, aussi bien que son gouvernement, ne dis>>> tinguoit point ses dieux de ses lois.... La religion, >> inscrite dans un seul pays, lui donne ses dieux, ses >> patrons propres et tutélaires; elle ses dogmes, ses >> rites, son culte extérieur prescrit par des lois : hors » la seule nation qui la suit, tout est pour elle infi» dèle, étranger, barbare; elle n'étend les devoirs et » les droits de l'homme qu'aussi loin que ses autels. >>> Telles furent toutes les religions des premiers peu»ples (1). » Les croyances vraies et communes à toutes les nations conservoient seules entre elles quelques relations d'humanité mais ces croyances, plutôt domestiques que publiques, agirent sur les mœurs plus que sur les lois, et n'exercèrent que peu d'influence dans le gouvernement chez les anciens; et c'est pourquoi ils n'eurent jamais de véritable droit des gens.

(1) Contrat social; liv. IV, chap. VIII.

Malgré leur civilisation moins imparfaite à quelques égards, les Orientaux furent toujours séparés du reste du monde, et les uns des autres, par l'insurmontable barrière des croyances; et l'on ne sait que trop de quelles effroyables tragédies l'Inde a été le théâtre, toutes les fois que deux religions diverses s'y sont trouvées en présence. Essayez d'établir un lien social entre les bouddistes et les disciples de Brahma, entre les parsis et les musulmans, entre les Juifs et un autre peuple quel qu'il soit : habitans du même sol, ils formeront constamment deux peuples séparés; désunis de foi, d'espérance et de prière, jamais le mariage ne les rapprochera: ils n'auront rien de commun, pas même le tombeau.

Qu'on donne tant qu'on voudra le nom de préjugé à ce sentiment universel, qu'on le déclare opposé à la raison quelque chose de plus fort que cette raison philosophique l'emportera toujours sur ses vaines spéculations; et peut-être, au lieu de combattre cet invincible sentiment, vaudroit-il mieux y reconnoître une loi de la nature morale, pour en tirer, comme des autres lois, des conséquences utiles à l'humanité. Il ne faut pas commencer par nier l'homme, si l'on veut le servir. Mais le caractère des esprits de ce temps est de s'élever au-dessus de l'expérience, de rêver des êtres abstraits et des lois abstraites, auxquelles on s'efforce ensuite de plier le monde réel. Des gens ont imaginé de démolir la maison de leur père pour la rebâtir dans les nues, et ils s'étonnent d'être entourés de ruines.

Chez les peuples modernes spiritualisés par le christianisme, nourris de dogmes plus développés, de vérités plus fécondes, les croyances ont été aussi plus que jamais le fonds de la vie humaine et de la vie sociale, le lien des hommes et le lien des nations. Partout où s'est étendue son influence, il a renouvelé la société et déposé dans son sein le germe d'une civilisation inconnue jusqu'alors. Si l'on excepte la nation juive, la révélation primitive et le culte divin ne s'étoient nulle part conservés purs de tout mélange d'erreur et de superstition. Jésus-Christ sépara de la doctrine primordiale les erreurs qui l'altéroient, et manifesta les dogmes enveloppés dans la foi des âges précédens. Tout ce qu'il y a de bon, de vrai, de nécessaire et d'utile au genre humain, le christianisme le renferme, ou comme principe, ou comme conséquence. Un, dès-lors, et universel, puisque la vérité ne varie pas, qu'elle est de tous les temps et de tous les lieux, il tend par sa nature à se dilater, à s'étendre, à rassembler tous les peuples dans son unité. C'est là son caractère distinctif, et pour ainsi dire incommunicable, et c'est le caractère de tout ce qui est divin. Aucune loi plus générale que cette loi sublime des intelligences, à qui nulle raison, nulle volonté ne peut échapper entièrement, et qui conserve ceux mêmes qui la violent, parce que la violation absolue de la loi de vérité et de la loi d'ordre seroit la destruction absolue de l'être intelligent, et qu'il n'est pas en son pouvoir de se détruire. Ce qui désunit c'est ce que chacun, selon ses erreurs ou ses passions, retranche de cette

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