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révoltantes vexations, même les plus viles pratiques. Rien désormais ne sera respecté : les confidences intimes de la confiance et de l'amitié, les secrets des familles, tout ce qu'il y a de plus sacré sur la terre, sera violé impudemment pour tranquilliser une lâche défiance, ou pour satisfaire une infâme curiosité.

Cependant la politique, bornée aux intrigues intérieures, et n'étant plus qu'une dispute de places, la nation perdra rapidement toute considération et toute influence au dehors; elle sera livrée aux hommes d'argent, et, pour peu qu'on y rêve quelque profit, vendue peut-être à un juif.

Les spéculations particulières se mêlant à celles de l'État, et se multipliant à l'infini, il s'établira une circulation toujours plus active, et toujours plus effrayante, des fortunes réelles et des fortunes fictives créées par le crédit. L'industrie épuisera toutes ses combinaisons pour entretenir ce mouvement et pour l'accroître. Les sciences mêmes viendront au secours. On perfectionnera les procédés des métiers, des arts, on en inventera de nouveaux; on tirera de la matière tout ce qu'elle peut donner, tout ce que les sens peuvent lui demander de jouissances; et jusqu'au moment où cet édifice d'illusions et de folies disparoîtra dans le gouffre d'une ruine universelle, on se récriera sur les progrès de la civilisation et de la prospérité publique.

Cependant la raison s'affoiblira visiblement. On contemplera avec surprise et comme quelque chose d'étrange les plus simples vérités; et ce sera beaucoup

si on les tolère. Les esprits s'en iront poursuivant au hasard, dans des routes diverses, les fantômes qu'ils se seront faits. Les uns s'applaudiront de leur sagesse qui n'admet rien que de positif, c'est-à-dire ce qui se voit, ce qui se touche, ce qui se laisse manier avec la main; les autres se passionneront pour des rêves, et plaignant le genre humain de son opiniâtre attachement à des idées qui ne durent après tout que depuis six mille ans, voudront, pour son bonheur, le forcer à vivre de leurs immortelles abstractions. Tous, quelles que soient leurs pensées, leurs opinions particulières, s'accorderont pour rejeter l'unanime enseignement des siècles. Il sera convenu que rien de ce qui fut ne peut plus être; que le monde doit changer; qu'il faut à ses lumières présentes une nouvelle morale, une religion nouvelle, un Dieu nouveau. En attendant qu'on le découvre, nous allons faire voir qu'en France l'État a cessé de reconnoître l'ancien.

CHAPITRE II.

Que la religion, en France, est entièrement hors de la société politique et civile, et que par conséquent l'État est

athée.

La révolution française, dont les causes remontent beaucoup plus haut qu'on ne se l'imagine généralement, ne fut qu'une application rigoureusement exacte des dernières conséquences du protestantisme, qui, né des tristes discussions qu'excita le schisme d'Occident, enfanta lui même à son tour la philosophie du dix-huitième siècle. On avoit nié le pouvoir dans la société religieuse, il fallut nécessairement le nier aussi dans la société politique, et substituer dans l'une et dans l'autre la raison et la volonté de chaque homme à la raison et à la volonté de Dieu, base immuable, universelle de toute vérité, de toute loi et de tout devoir. Chacun dès-lors, ne dépendant plus que de soi-même, dut jouir d'une pleine souveraineté, dut être son maître, son roi, son Dieu. Tous les liens qui unissent les hommes entre eux et avec leur auteur étant ainsi brisés, il ne resta plus pour religion que l'athéisme, et que l'anarchie pour société.

Les affreuses proscriptions qui ensanglantèrent la France à cette époque de crime, proscriptions qu'on

a depuis appelées des égaremens, révélèrent tout ce qu'il y avoit au fond des doctrines philosophiques, dont le triomphe proclamé au milieu des ruines, sur l'échafaud où montoient chaque jour et le prêtre, et le noble, et le savant, et le riche, et le pauvre, et l'enfant même, sembloit être une orgie de l'enfer.

Ces épouvantables horreurs renfermoient dans leur excès même le terme de leur durée. Le meurtre s'arrêta, mais les doctrines restèrent : elles n'ont pas un moment cessé de régner; leur autorité, loin de s'affoiblir, se légitime de jour en jour. Elles deviennent une espèce de symbole national consacré par les institutions publiques, et révéré de ceux mêmes qui l'avoient long-temps combattu. Dans l'ordre politique, nous en sommes encore, sous des formes et des noms différens, à la pure démocratie; elle gouverne et administre selon l'esprit qui lui est propre, et d'après les maximes du droit philosophique qui a fait la révolution. Partout on en trouve les conséquences, au grand étonnement de ceux qui croient vivre dans un État chrétien, sous un gouvernement monarchique, et qui, dans l'erreur de leur esprit, s'en prennent injustement aux volontés particulières de quelques hommes, de ce qui n'est que le résultat naturel, inévitable des principes et des choses.

Bonaparte, qu'il faut louer de ce qu'il a fait de bien, mit fin, par le Concordat, aux persécutions religieuses du Directoire et de la Convention. Il rendit aux catholiques le libre exercice de leur culte, mais par un simple acte de tolérance, ou de protec

tion bornée aux individus : l'État, pendant son règne, n'en demeura pas moins athée; et rien depuis n'a été changé à ce qui existoit sous ce rapport.

Combien de fois n'a-t-on pas remarqué que l'on chercheroit en vain le nom de Dieu dans nos Codes, seul monument de ce genre où l'homme apparoisse pour commander à l'homme en son propre nom! Si ce recueil d'ordonnances humaines passoit aux siècles futurs, sans qu'aucun autre souvenir de notre temps leur parvînt, ils se demanderoient avec effroi si l'idée de la Cause suprême, du souverain Législateur, s'étoit donc perdue chez ce peuple; et méditant l'oubli profond dans lequel il est tombé, ils s'efforceroient de jeter encore un voile plus épais sur sa mémoire.

La Charte, il est vrai, déclare que la religion catholique est la religion de l'État; mais que signifient ces paroles? et comment y voir autre chose que l'énonciation d'un simple fait, savoir, que le plus grand nombre des Français professent la religion catholique, lorsque cette même Charte déclare aussi que l'État accorde une égale protection à tous les cultes légalement établis en France? Et, de fait, les ministres de ces cultes divers ne sont-ils pas nommés, ou au moins approuvés par l'État? ne reçoivent-ils pas de lui une rétribution? n'alloue-t-on pas chaque année des fonds pour l'entretien et pour la construction de leurs temples? ne jouissent-ils pas d'autant de priviléges que le clergé catholique? ne sont-ils pas même, à certains égards, traités avec plus de faveur? Or l'État qui accorde une protection égale aux

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