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2. Des rapports entre les deux puissances.

On distingue deux sortes de sociétés, la société temporelle et la société spirituelle ou l'Église. La première est établie de Dieu, comme auteur de la nature; elle a pour objet les choses de ce monde, et pour fin la conservation et le perfectionnement de la société dans l'ordre naturel. La seconde a été aussi fondée par Dieu, mais comme auteur de la grâce; son objet est les choses spirituelles, et sa fin le salut de l'homme.

Le docte Suarès, dans son Traité des Lois, liv. III, c. 2 et suivans, et plus spécialement dans son Traité contre Henri VIII, enseigne expressément que la souveraineté temporelle vient originairement de Dieu par le peuple, que c'est là un axiome reçu par les théologiens et les juristes.

Il est bon de remarquer que cette doctrine diffère essentiellement de celle de J.-J. Rousseau dans son Contrat social; car selon lui le pouvoir ne vient pas originairement de Dieu par le peuple, mais du peuple seulement; le peuple peut légitimement tout ce qu'il veut, tout ce qu'il fait est bien, en un mot le peuple est un dieu à la volonté duquel tout doit se soumettre et toujours. Cette doctrine, prônée par nos radicaux, est condamnée par l'Eglise.

Mais, selon le savant Suarès, il existe toujours un pacte écrit ou tacite, un contrat synallagmatique, une charte constitutionnelle entre les rois et les peuples, régie par la loi de Dieu, qui oblige également et en conscience les uns et les autres, comme toute convention passée entre deux particuliers. Et quand une des parties a violé ses engagemens, à quoi l'autre est-elle tenue? Voilà toute la question. Saint Thomas en indique la solution 2, 2, q. 42, a. 2, ad 3...

Il n'y aurait de danger qu'autant qu'on laisserait les parties juger elles-mêmes leurs différens. Mais il n'en est pas ainsi; de même qu'il y a des tribunaux pour terminer les procès entre particuliers, il y en a toujours eu aussi chez les nations chrétiennes pour juger les causes des princes et des sujets : c'étaient les assemblées des seigneurs et des grands du royaume. Et de même qu'aujourd'hui le curé, bien qu'il existe des tribunaux, décide. dans le for intérieur ce qui est licite ou non en matière de contrat; ainsi les souverains pontifes, curés des rois et des peuples,

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ne sont établis juges que de ce qui est conforme ou non conforme à la loi de Dieu.

Les rapports des deux puissances sont donc renfermés dans ces mots si courts, si précis et si simples: le temporel est soumis au spirituel en ce qui regarde la conscience. Le domaine du pouvoir civil est tout-à-fait distinct du domaine du pouvoir religieux. Les gouvernemens sont libres de faire tout ce qu'ils veulent pour la conservation et le perfectionnement de l'ordre temporel. L'Eglise n'a rien à y voir qu'à titre de conseillère, tant qu'ils n'exigent rien qui puisse compromettre la conscience des Chrétiens. Les gouvernemens à leur tour n'ont rien à voir dans l'Eglise; leur devoir est de lui garantir une liberté entière et complète, et de punir ses ministres, comme les autres citoyens, s'ils enfreignent les lois communes à tous.

L'Eglise n'a donc pas plus le pouvoir de déposséder les princes de leurs droits temporels, que le curé celui de s'emparer des terres de ses paroissiens; mais elle a reçu de Dieu celui d'éclairer et de diriger les consciences, d'expliquer les droits sociaux, de prêcher aux peuples l'obéissance aux rois, et aux rois la justice envers les peuples, et enfin de prononcer sur les obligations qui découlent du serment.

Nous ne voyons pas, en vérité, ce que les princes ont à redouter de cette doctrine; car elle s'allie parfaitement avec la stabilité et la tranquillité des états, l'indépendance des souverains, la liberté des peuples, les droits de l'Eglise, les décisions des conciles, les enseignemens du Saint-Siége, les faits de l'histoire, et tout ce qu'il y a de vrai, de grand, de généreux dans les institutions des sociétés modernes.

Tout se réduit donc à deux points, l'origine et la nature du pouvoir temporel, la nature et l'étendue de la juridiction de l'Eglise. Sur le premier, on peut adopter la doctrine de Suarès; car nous ne croyons pas qu'elle ait jamais été censurée. Tout le monde avoue que personne ne conteste le second, comme nous venons de l'expliquer. Qu'on veuille bien y réfléchir, et l'on se convaincra que cet enseignement résout toutes les difficultés, et qu'en partant de ces principes, il est facile de décider toutes les autres questions, qui sont agitées par la polémique quotidienne.

L'Eglise elle-même nous offre, dans son gouvernement, ce que l'on peut imaginer de plus parfait, car c'est un mélange de monarchie, d'aristocratie et de démocratie avec toutes les garanties que l'on peut désirer. Chaque fidèle peut être élevé à l'épiscopat et même à la papauté.

Pendant de longs siècles on a toujours consulté le vœu des populations dans le choix des pasteurs, et aujourd'hui encore c'est pour tous les fidèles, non-seulement un droit, mais un devoir de s'opposer à la promotion de sujets incapables ou indignes; voilà tout ce qu'il y a de démocratie dans l'Eglise. Accorder aux simples fidèles une plus grande participation à son gouvernement, serait renverser la hiérarchie divine et contredire les enseignemens de la foi.

L'aristocratie ne forme pas une caste à part, les princes de l'Eglise ne sauraient transmettre leurs dignités à leurs descendans; ils sont célibataires, ils sont choisis d'entre les prêtres, et les prêtres d'entre les fidèles. Leurs droits et leurs priviléges, quoique très-étendus, ne sont pas illimités; s'ils dépassent les bornes tracées par les canons, il est au-dessus d'eux un monarque toutpuissant, qui peut annuler leurs décrets, les suspendre ou les déposer eux-mêmes de leurs dignités.

Mais n'aurons-nous pas à craindre l'arbitraire de la part de ce Monarque souverain ? Jamais; il est le premier à donner l'exemple du respect pour les droits d'autrui, et du courage pour les défendre. Jésus-Christ lui a promis une assistance spéciale, et l'expérience prouve qu'il ne lui a pas fait défaut. Ce n'est donc pas sans raison que les conciles généraux ont souvent appelé l'Eglise une république chrétienne 1.

Tel est le résumé succinct des doctrines, que M. l'abbé Rohrbacher développe dans son Histoire universelle de l'Eglise catho

1 Bellarmin, de Rom. pontif. lib. 1, prouve que la forme de gouvernement la plus parfaite, est celle qui participe à la fois de la monarchie, de l'aristocratie et de la démocratie, et que c'est la forme du gouvernement de l'Eglise de l'ancien et du nouveau Testament : « De ecclesia novi Testamenti idem posteà probandum »erit, esse in eâ videlicet sumni pontificis monarchiam, atque episcoporum arislocratiam, ac demùm suum quemdam in eâ locum habere democratiam, cùm nemo sit ex omni christianâ multitudine qui ad episcopatum vocari non possit, si tamen dignus eo munere judicetur.»

III SÉRIE. TOME XII.-No 70, 1845.

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lique, et qu'on a incriminées. Nous n'avons pu, on le conçoit, les appuyer de toutes les preuves dont elles sont susceptibles, ni répondre à toutes les objections qu'on peut élever contre elles. Mais nous croyons en avoir dit assez pour le justifier des reproches injustes qu'on lui a faits. Si l'on compare les passages qu'on a cités à l'ensemble de ces idées, l'on verra qu'ils peuvent et qu'ils doivent être entendus dans un sens vrai et catholique, sauf à corriger quelques expressions inexactes, qui lui seront échappées dans la rapidité du travail.

Nous pensons qu'il n'y a aucun de ces points qui soit condamné ou réprouvé par l'Eglise, aucun que tout catholique ne puisse adopter et défendre. Au reste, il ne demande pas que, sur chacun de ces articles, on partage ses sentimens, mais s'il y a dans ses sentimens quelque chose de contraire aux enseignemens de l'Eglise et du Saint-Siége.

L'abbé N***
Professeur de théologie.

Histoire Catholique.

COURS D'HISTOIRE MODERNE,

PROFESSÉ A LA FACULTÉ DES LETTRES, PAR M. CH. LENORMANT,

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- Les

L'Eglise, centre de l'histoire moderne. - Action de saint Léon-le-Grand. hérésies des premiers siècles en quoi utiles. Comparaison de Clovis et de Théodoric. — Sainte Clotilde. Influence de la femme sur la société.

rapports du prêtre et de la femme. Ordres monastiques. saint Benoist, de Justinien, de saint Grégoire-le-Grand.

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- Des Influence de

M. Lenormant nous place au 6° siècle. Nous sommes en présence des Goths, des Francs, des Saxons, des Lombards. Ajoutez à ces races conquérantes les peuples qu'elles absorbèrent dans leur sein, puis les Germains et les Scandinaves, voilà bien les élémens qui sont entrés dans la composition de l'Europe moderne.

Mais pour tracer le tableau collectif de sa civilisation, il faut un centre auquel on puisse se rattacher, ce centre doit être ou l'Empire ou l'Eglise; car elle ne renferme, à vrai dire, que ces deux idées générales.

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L'Empire, sans aucun doute, a joué un grand rôle; mais son influence a été plus fâcheuse qu'utile, presque toujours odieuse et contestée. D'ailleurs toute la destinée, toute la force, tout le progrès de nos ancêtres ont été une protestation générale contre cette idée; nous ne devons donc pas l'adopter pour drapeau.

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Il ne nous reste plus alors que celle de l'Eglise; l'Eglise ! non pas comme l'entendent quelques communions chrétiennes, cette unité purement intellectuelle qui, à travers tous les peuples, lesquels revendi

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