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velles expressions de votre réponse. Je reprends la suite de votre lettre.

Je passe à la nouvelle querelle que vous me suscitez dans votre numéro de mai.

Je proteste contre la qualification de querelle, appliquée à cette discussion; de même que contre celle d'agression que vous avez déjà employée; il n'est jamais entré dans ma pensée de me quereller, encore moins de me battre avec vous. C'est ici une discussion philosophique mêlée à plusieurs points de théologie; discussion grave, difficile, comme vous le dites, où je puis me tromper, mais où j'ai mis et je mettrai encore politesse et bonne foi.

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1. De la nature et de l'origine de la raison. - M. l'abbé Maret renouvelle le système de Malebranche, mis depuis long-tems à l'index à Rome.

Il s'agit entre nous de la nature et de l'origine de la raison. Ces questions sont graves et difficiles. Dernièrement, pour répondre aux accusations que le rationalisme porte contre la philosophie du clergé, j'ai voulu esquisser en quelques pages une théorie des rapports de la raison et de la foi. Sans vouloir définir ce que l'Église n'a pas défini, je crois y avoir présenté la doctrine généralement reçue aujourd'hui dans les écoles ecclésiastiques, la doctrine la plus conforme à l'enseignement des pères et des docteurs. C'est cet exposé que vous inculpez, et que je vais défendre en peu de mots.

Vous, Monsieur, qui sommez avec tant d'autorité les théologiens de s'expliquer, et de s'expliquer devant les Annales, vous ne trouverez pas mauvais que je vous pose aussi quelques questions. Croyez-vous qu'il y ait dans l'intelligence humaine des vérités éternelles, immuables et nécessaires? des vérités qui étaient avant chaque raison individuelle et qui seront après elle, des vérités qui subsisteraient au milieu de la ruine universelle de toutes les intelligences finies? Il n'est pas nécessaire sans doute d'énumérer ces vérités ; mais parmi toutes ces idées, la plus étonnante sans doute est bien celle de l'infini lui-même. Quelle est leur origine? S'il est vrai qu'on ne puisse tirer l'éternel du temporel, le nécessaire du contingent, l'absolu du relatif, l'infini du fini1, il est

1 Un théologien, dans la Bibliographie catholique (tom. iv. p. 282), a déjà montré le vice du syllogisme par lequel M. l'abbé Maret établit ce système dans sa Théodicée chrétienne. M. Maret n'a répondu que par son silence.

évident que ces vérités ne peuvent provenir ni des sens, ni de l'âme humaine. Elles sont en elle; mais elles ne sont pas elle. Elles appartiennent donc à une autre intelligence, qui doit être comme elles éternelle, immuable, nécessaire, infinie, c'est-à-dire, Dieu. Ces vérités sont donc en Dieu; elles sont Dieu même; c'est en lui que nous les voyons; c'est lui qui nous les communique. Mais cette communication, cette manifestation divine, qu'est-elle, sinon une révélation? Révéler veut dire manifester. Les idées, les vérités, bases de l'intelligence humaine, sont donc manifestées, révélées par Dieu lui-même à cette intelligence.

Je suis bien aise, Monsieur, que vous exposiez vous-même ici votre système. Sans me croire sommé, j'y répondrai, non pour disputer, mais pour éclaircir un des points qui, comme vous le dites, sont des plus graves et des plus difficiles de la philosophie. Ayez la bonté de me lire dans les mêmes dispositions de conci+ liation et de désir de s'éclairer réciproquement.

Ainsi, d'après ce qui précède, votre système se réduit aux idées innées, inventées par Platon, perfectionnées et mises dans un nouvel ordre par Malebranche. C'est en Dieu que nous les voyons; et c'est lui qui les a mises en nous.

Vous me permettrez de faire à ce système plusieurs réponses: 1o Le système des idées innées n'est pas, comme vous le dites; la doctrine généralement reçue dans le clergé : j'ouvre les deux auteurs que l'on suit le plus généralement : La philosophie de Mgr Bouvier et celle de Bayeux. Mgr. du Mans expose le système de Descartes, Bossuet, Fénelon, d'Aguesseau, sur les idées innées; puis il dit : « Ces auteurs, pour établir leur système, entassent une >> foule d'argumens qui ne nous paraissent point suffire pour une » véritable démonstration 1. >>>

Plus loin il établit ainsi son sentiment:

« Il faut distinguer les idées primitives qui ont été révélées » par Dieu à nos premiers parens, et nous sont transmises > par le secours de la tradition, ou sont imprimées en nous au » moyen des sens, et les idées fictives que nous formons nous>> mêmes avec l'aide des idées déjà reçues 2.

La Philosophie de Bayeux n'est pas moins claire et précise;

1 Ut sententiam suam astruant, plurima congerunt argumenta, quæ ad veram demonstrationem sufficere nobis non videntur. Ins. phil. t. 11, p. 249. 4o édit., 2 Undè distinguendæ sunt idea primitivæ quæ à Deo primis parentibus revelata

voici les trois propositions qu'elle établit sur l'origine des idées : « 1. Il ne faut point admettre des idées innées, dans ce sens » qu'elles existent actuellement dans l'esprit des enfans.

« 2. C'est par l'enseignement et le commerce avec les autres >> hommes, que l'esprit humain acquiert vulgairement les idées, ou les conceptions pures, non-seulement des choses métaphysiques » et morales, mais encore des choses sensibles, et de soi-même » et des modifications qui peuvent l'affecter.

3. Outre l'enseignement et le commerce avec les autres > hommes, il est requis une certaine anticipation native des vérités » métaphysiques et morales, l'expérience des choses sensibles, » et la conscience des modifications de l'esprit 1. »

Cette expression anticipation native des vérités, peut vous paraître un peu obscure, et à nous aussi, mais elle est parfaitement expliquée par ces paroles qui suivent :

« C'est-à-dire, il faut admettre que l'intelligence humaine est » formée de telle manière par la nature (nous aimons mieux par • Dieu) qu'après qu'elle a reçu les vérités métaphysiques et morales » de ses instituteurs, elle reconnaît qu'elles sont vraies, d'après » quelque sens natif de la vérité 2. » Ce qui, en dernière analyse, veut dire qu'elle peut et sait discerner le vrai du faux, ce qui est admis de tout le monde. Aussi cette anticipation native est appelée plus loin une faculté innée d'acquérir les idées... Puis on nie encore que les idées innées appartiennent à l'essence de l'âme... Plus loin il est dit encore qu'il n'y a dans l'âme qu'une anticipa

sunt, et ope traditionis ad nos transmittuntur, vel mediantibus sensibus in nobis imprimuntur, et ideæ fictitiæ quæ ope aliarum idearum jam receptarum à mente efformantur, ut ideæ etc. ib., p. 256.

11. Non sunt admittendæ idea innata, eo sensu quòd existant actualiter in mente etiam infantulorum.

2. Institutione commercioque cum cœteris hominibus mens humana vulgò acquirit ideas, sive conceptiones puras, tùm rerum metaphysicarum et moralium, tùm rerum sensibilium, tùm suî ipsius et suarum modificationum.

3. Præter institutionem commerciumque cum cæteris hominibus, requiritur nativa quædam veritatum metaphysicarum moraliumque anticipatio ; rerum verò sensibilium experimentum; modificationum autem mentis conscientia. Inst. phil. auctore Noget-Lacoudre, etc. t. 1, p. 300, 302 et 305, 3o édit.

2 Id est, admittendum esse intellectum humanum ità à naturâ informatum esse, ut, postquam veritates metaphysicas moralesque ab institutoribus accepit, illas veras esse cognoscat, ex nativo quodam veritatis sensu. Ibid.

tion ou faculté innée de recevoir des idées de Dieu et les préceptes de la loi naturelle 1.

Voilà, Monsieur, quel est en ce moment l'enseignement du clergé ; nous avouons pourtant que les idées innées sont enseignées par la Philosophie de Lyon, que vous avez apprise sans doute dans votre jeunesse, mais qui n'est presque plus reçue de personne, non plus que le système Cartésien qu'elle défend.

Il est vrai que vous dites à la fin de votre article: « Je ne connais pas la philosophie de Bayeux; peut-être que vous ne connaissez pas non plus celle de Mgr du Mans. Mais alors comment avez-vous pu dire que votre système est la doctrine généralement reçue dans les écoles ecclésiastiques? Ces deux philosophies sont celles qui sont généralement enseignées aujourd'hui.

Quant à l'opinion des anciens théologiens sur l'origine de la raison, il me suffira de vous citer saint Thomas. Or, l'ange de l'école soutient qu'au commencement l'intellect humain est » comme une table rase sur laquelle il n'y a rien d'écrit 2. »

Voilà des autorités dignes de vous, sans doute, car ce sont des théologiens. Vous devez voir, Monsieur, que je n'ai pas inventé ce que vous appelez plus loin mon système, que je n'ai fait que tirer les conclusions de l'enseignement le plus généralement suivi en ce moment dans les écoles ecclésiastiques.

2o Je vous ferai observer en second lieu, que le P. Malebranche, que vous vous faites une si grande gloire de suivre, que vous appelez divin, dont vous voulez remettre en honneur le système, est aussi abandonné par les doctes théologiens et philosophes auteurs des deux Cours de philosophie que je viens de citer. Je ne crois pas qu'il existe un seul auteur français en ce moment qui soutienne le système proprement dit de Malebranche, excepté peut-être la jeune école rationaliste, qui en a donné, avec grands éloges, une nouvelle édition; car ce système ne peut être rappelé sans qu'on se souvienne de ce fameux adage :

Lui qui voit tout en Dieu, n'y voit pas qu'il est fou.

3° Or, Monsieur, cette réprobation générale n'est que trop

1 Tome 1, p. 309.

2 Voir plus bas, p. 77, la citation plus détaillée avec le texte.

III SÉRIE. TOME XII.-N° 67, 1845.

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fondée; car vous ne savez pas peut-être que tous les ouvrages de cet homme que vous appelez divin, ont été frappés de censure par le souverain Pontife. En voici la nomenclature d'après l'ordre de leur insertion dans l'Index; par décret du 29 mai 1690:

1 Traité de la Nature et de la Grâce; 1680.

2o Le même ouvrage, dernière édition, augmentée de plusieurs éclaircissemens; 1684.

3o Lettres à un de ses amis, dans lesquelles il répond aux Réflexions philosophiques et théologiques de M. Arnauld, sur le Traité de la Nature et de la Grâce; 1686.

4° Autres Lettres touchant celles de M. Arnauld; 1687.

5° Défense de l'auteur de la Recherche de la Vérité contre l'accusation de M. de la Ville; 1684.

Sans doute que les propositions erronées qu'il donnait sur les questions théologiques, firent qu'on examina plus attentivement ses opinions philosophiques; aussi, par un autre décret du 14 mars 1709, on mit encore à l'Index :

6° De la Recherche de la vérité, en 6 livres, dans lesquels on recherche la nature de l'esprit humain, traduits en latin d'après la dernière édition française, augmentée par l'auteur; 1691.

Et enfin, par un décret du 15 janvier 1714, furent encore censurés :

7° Entretiens sur la métaphysique et sur la religion; 1688. 8° Traité de morale, 1re partie.

Voilà, Monsieur, ce que le chef des catholiques, leur dit de penser du système et des œuvres de Malebranche. Je le répète, vous ne connaissiez pas cette censure quand vous l'avez adopté et loué avec tant de largesse, d'empressement, etc.

Après vous avoir cité ces autorités, permettez-moi de faire quelques observations rationnelles sur les expressions mêmes du système que vous exposez. Je les prendrai dans leur sens le plus naturel et le plus direct.

Vous voulez que les vérités éternelles, immuables, nécessaires, soient dans l'intelligence humaine avant chaque raison individuelle. Ces vérités sont Dieu même, et Dieu les a placées, selon vous, dans l'intelligence humaine. Or, je vous le demande de nouveau, comment Dieu a-t-il pu placer ces vérités dans l'intelligence, si ce n'est par un écoulement? Elles sont Dieu même, Dieu ne peut

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