Sayfadaki görseller
PDF
ePub

pièces et de morceaux. Mais il y a là plus qu'un fait à y regarder de près, il ne peut guère en être autrement, et c'est la force des choses qui le veut. Comment, en effet, se pose la question? M. Ussing le montre avec beaucoup de netteté, au début de son livre. Il s'agit de prononcer entre la puissance publique et les particuliers, de définir et de limiter les droits de celle-là, de protéger les droits de ceux-ci, soit pour les garantir des empiètements de l'administration, soit pour rappeler l'administration à l'exécution de ses obligations, soit enfin pour assurer le droit des citoyens de prendre part aux affaires publiques. Dans tout état fondé sur la reconnaissance du droit (Rechtsstaat), toutes ces questions doivent nécessairement avoir un juge. Mais quand il s'agit de constituer ce juge, une double difficulté s'élève tout de suite. D'abord, quel sera-t-il? Car il faut, de toute nécessité, que le juge soit au dessus du justiciable, et qu'il s'en fasse obéir: il y a là un premier point qui touche à la constitution; car plus, en effet, le juge ordinaire est dépendant du gouvernement, moins la situation constitutionnelle qu'il occupe dans l'État est élevée, moins aussi il est apte à juger des litiges administratifs. De plus, et voici un second point d'une extrême importance, et qui est trop souvent laissé dans l'ombre, que fera le juge, saisi du litige, et sous quelle forme et dans quels termes prononcera-t-il sa sentence? Statuera-t-il en droit, non pas à l'encontre de l'acte administratif, mais à côté de cet acte, en le considérant comme inexistant, comme fait, par exemple, un tribunal qui maintient un propriétaire dans la jouissance de sa propriété contre une voie de fait injustifiée, ou qui refuse de prononcer une peine à raison de l'illégalité de l'arrêté auquel il a été contrevenu? S'en prendra-t-il, au contraire, à l'acte administratif lui-même, pour l'annuler? Recherchera-t-il la personne du fonctionnaire, pour lui infliger une peine ou le condamner à des dommages-intérêts et derrière et au-dessus de ce fonctionnaire, pourra-t-il s'attaquer à l'administration même qui l'a institué, et faire remonter jusqu'à elle la responsabilité? Pourra-t-il enfin, lorsque la nature du litige s'y prètera, prononcer comme un juge civil, en réglant, par exemple, les comptes des parties sur un marché de fournitures ou de travaux publics? Voilà ce qu'il faut considérer car dans ces divers cas, il n'opère pas de même, et le principe même de la fonction qu'il exerce est différent.

:

Si l'on tient compte, en outre, des raisons d'ordre secondaire et pratique, des connaissances particulières, notamment, qu'exige nécessairement le jugement d'un certain ordre de litiges; des avantages de procédure tels que la simplicité, le bon marché, la célérité (malheureusement trop contestable); enfin de motifs transitoires et de circonstance, tels que ceux qui ont fait réserver aux tribunaux administratifs, en France, le contentieux des ventes domaniales, lors des confiscations en masse de la révolution, on tiendra à peu près l'ensemble des données du problème. C'est assez dire qu'il ne se prête pas à une

solution uniforme ni à une formule. Les efforts intéressants des jurisconsultes de premier ordre qui l'ont abordé semblent être la confirmation de cette impossibilité. Aussi convient-il de faire à M. Ussing un mérite de ses réserves et de sa prudence. Grâce à cette sagesse, il a pu éviter toute théorie critiquable, et il s'est toujours tenu si près des bonnes sources, qu'en fait d'étude internationale sur le droit administratif, son livre est peut-être, jusqu'ici, ce qui s'est imprimé de meilleur.

P. DARESTE, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.

Traité des droits de timbre, par M. E. NAQUET, procureur général près la Cour d'appel d'Aix. Paris, Delamotte, 1894. XIV-512 pages.

Les amateurs de curiosités historiques peuvent trouver dans le droit romain l'origine de l'impôt du timbre, de même qu'ils peuvent rencontrer chez les Égyptiens et dans la législation d'Auguste les premières traces de l'impôt d'enregistrement. Mais la seule source directe des droits de timbre est dans quelques édits rendus sous Louis XIV. A cette époque, le droit de timbre était excessivement modéré; il constituait ce qu'on appelle aujourd'hui fort improprement un droit fixe, c'est-à-dire qu'au lieu d'être proportionné à l'importance des valeurs, il était gradué suivant la dimension du papier employé.

Dès le droit intermédiaire, on ajouta à cet impôt fixe un impôt proportionnel, pour certaines conventions, au montant des valeurs insérées dans les actes, et cette dualité de l'impôt du timbre fut inscrite, pour ne plus jamais disparaître, dans la loi du 13 brumaire an VII, qui est encore aujourd'hui, en dépit des modifications innombrables qu'elle a subies, la loi fondamentale du timbre.

Cet impôt est-il légitime? C'est la première question qu'on doit se poser avant d'en entreprendre l'étude. Si elle est actuellement sans importance pratique, et s'il n'est pas à supposer que l'état du budget permette de supprimer ou de modérer les impôts établis contrairement à la justice, cette question vaut cependant la peine d'être résolue; car le jour où on procédera à une refonte générale de notre système fiscal, le législateur aura besoin de voir son attention attirée sur les impôts dont l'amendement ou la suppression devra être mise à l'ordre du jour.

M. Naquet ne pense pas que le problème puisse être résolu sans distinction à ses yeux, les droits fixes du timbre se justifient mal; les droits proportionnels, au contraire, sont légitimes. Nous serions. presque tenté de soutenir les deux propositions contraires.

Si le droit fixe de timbre était un véritable droit fixe de timbre,

il pourrait trouver sa justification dans l'idée qu'un impôt excessivement modéré ne cause aucune gêne à ceux qui l'acquittent et peut, par la multiplicité de ses perceptions, donner à l'État un profit considérable ainsi le timbre de quittance, qui, par des perceptions de 10 centimes, procure au Trésor une somme annuelle de 350,000 francs peut, si l'on compare l'insignifiance de la dépense avec l'importance des recettes, être considéré comme un impôt moral. —Nous ne croyons pas qu'on puisse davantage critiquer ceux des droits fixes de timbre qui, si élevés qu'ils soient, correspondent à un service rendu ou à une faveur accordée : tel est le timbre des permis de chasse; en réalité, le droit de timbre n'est ici autre chose qu'une forme spéciale du prix imposé à un concessionnaire.

Mais M. Naquet a grandement raison de s'attaquer au droit fixe improprement nommé, lequel n'est autre chose que le droit de timbre de dimension, exigé pour la plupart des actes, et proportionné à l'espace occupé par l'écriture. Une pareille taxation est injustifiable : la condition d'un bon impôt est de prélever sur chaque citoyen une somme proportionnée à ses revenus; c'est une vérité élémentaire, (à moins que l'on admette, et cela ne détruit en rien la portée de l'argumentation, que le prélèvement doit être progressif, c'est-à-dire que la quotité de l'impôt, par rapport au revenu, doit s'augmenter avec ce dernier). Or le droit fixe de timbre ne se proportionne qu'au papier employé et la quotité du papier employé n'est évidemment proportionnelle ni au revenu des parties ni même à l'importance de l'acte; le nombre des clauses et aussi, comme nous allons le dire, le caractère authentique de l'acte sont les principales causes de l'augmentation du nombre des feuilles employées. Le droit fixe, ainsi compris, pouvait avoir une certaine raison d'être à l'époque où il était, pour chaque feuille, extrêmement modéré, et où, en outre, la fabrication du papier ou du parchemin qu'il fallait employer était pour le Trésor public assez coûteuse; on pouvait alors interpréter le droit fixe de timbre comme étant la rémunération des dépenses faites par le Trésor. L'argument n'aurait évidemment pas eu grande valeur; il aurait appelé cette objection décisive, que le rôle d'un impôt n'est pas de couvrir les dépenses faites par l'État pour l'établir et que le droit de timbre aurait ainsi gagné à être supprimé. Mais que vaut l'argument, aujourd'hui que la fabrication du timbre entraine des frais presque nuls (les dépenses nécessitées par la fabrication du timbre évaluées dans le budget de 1893 à 753,000 francs sont pour une recette de plus de 169 millions), que le timbre est souvent (et pourait sans grand inconvénient être toujours), remplacé par un visa, et qu'enfin le droit fixe est devenu relativement considérable?

Ce qui, dans le droit fixe de timbre, nous paraît surtout injustifiable, c'est qu'il est particulièrement élevé dans les hypothèses précisément où les plus sérieuses raisons pourraient être invoquées en faveur de sa réduction ou de sa suppression. Ainsi l'exécution d'un

acte notarié, d'un acte passé au greffe, d'un jugement est subordonnée à la remise d'une grosse entre les mains des parties. Or, d'une part, la loi n'admet pas que cette grosse, ou qu'une expédition quelconque, soit rédigée sur le papier timbré du format le plus petit et, par conséquent, du prix le moins élevé; elle exige l'emploi ou du moyen papier, ou du grand papier, lesquels sont soumis à un tarif assez élevé. D'autre part, la loi limite le nombre de lignes que, dans chaque expédition ou grosse, doit contenir chaque page, le nombre de syllabes que doit contenir chaque ligne. Ce n'est pas encore tout pour intéresser les officiers publics et ministériels à servir les intérêts du Trésor en multipliant le nombre des rôles d'expédition, on calcule leurs honoraires proportionnellement au nombre de rôles employés. De là, dans les actes notariés, cette multiplicité de clauses, les unes surabondantes, les autres dangereuses et sujettes à des interprétations dont l'une ou l'autre des parties peut souffrir.

N'y a-t-il pas là une sorte de barbarie? ces agissements du Trésor ne méritent-ils pas une véritable flétrissure? ne rappellent-ils pas les procédés les plus décriés de la ferme générale? Le Trésor, en un mot et pour employer une expression familière, ne pousse-t-il pas à la consommation de la matière imposable, de même qu'autrefois on obligeait le contribuable à se pourvoir d'une quantité de sel déterminée, fût-elle de beaucoup supérieure à ses besoins? Et quand on songe que, dans une multitude de cas, les actes authentiques ou les jugements sont nécessités par l'état de minorité ou d'incapacité des parties; que, d'un autre côté, les contractants ont le plus grand intérêt à donner à leur convention la forme authentique et qu'ils doivent y être encouragés plutôt que d'en être détournés; qu'enfin la gratuité de la justice est un principe depuis longtemps indiscuté et journellement revendiqué comme une des conquêtes de la Révolution, on a le droit d'élever plus fortement la voix contre de pareils abus. Nous aurions été heureux que M. Naquet signalât, avec sa grande autorité, ces inconvénients.

Quoi qu'il en soit, voilà le droit fixe de timbre condamné.

Quant aux droits proportionnels de timbre, M. Naquet pense qu'ils « s'expliquent par les mêmes considérations qui justifient l'impôt en général. Puisque l'Etat est chargé de garantir la liberté des personnes et la sécurité des biens, il faut nécessairement qu'il obtienne les ressources qui lui permettent de remplir cette fonction, et quand il puise dans la caisse de ceux qui possèdent, et proportionnellement à leur richesse présumée, il fait un acte légitime ».

Ce sont là, sans doute, des considérations très sérieuses, et qu'il est difficile de contredire. Nous nous permettrons cependant d'émettre un doute. Sans doute, comme le dit M. Naquet en d'excellents termes, l'impôt proportionnel à la richesse présumée est légitime. Mais le droit proportionnel de timbre est-il bien proportionnel à la richesse présumée? Si l'on s'en tient à une classification très large,

REVUE DU DROIT PUBLIC. I

12

le droit de timbre frappe quatre catégories d'actes: les effets de commerce, les effets publics, les assurances, et enfin, depuis la loi toute récente du 28 avril 1893, les opérations de Bourse.

Or aucun de ces actes n'est une manifestation de la fortune : les opérations de Bourse sont, pour la plupart, et si l'on ne tient pas compte des marchés au comptant, dont l'importance est, relativement aux autres opérations, très faible, des actes de spéculation visant au gain, mais ne le faisant pas présumer; les opérations au comptant elles-mêmes constituent souvent des arbitrages, et ce n'est pas l'échange d'une valeur contre une autre valeur qui indique la fortune; or l'arbitrage n'est pas soumis à l'impôt dans les mêmes conditions que l'achat, il y est soumis deux fois, par la raison que les usages de la Bourse obligent à décomposer l'échange de valeurs en deux opérations, une vente et un achat. Enfin si les opérations au comptant peuvent être regardées comme l'indice de la fortune, on peut encore, en ce qui les concerne, critiquer l'impôt du timbre comme faisant double emploi soit avec les différentes taxes qui ont déjà frappé dans sa source le gain employé à l'opération, soit surtout avec le droit de transmission qui frappe toutes les acquisitions de valeurs mobilières.

Les assurances, qui sont, par définition, des contrats d'indemnité, ne témoignent évidemment pas d'une fortune acquise; s'il en est autrement peut-être des effets publics, ils sont déjà soumis, comme d'ailleurs les assurances, à une taxe proportionnelle d'enregistrement. Enfin quant au timbre des effets de commerce, qui soumet à un impôt l'aveu d'une dette, c'est-à-dire la constatation d'une situation obérée, il n'en est pas de plus critiquable.

Mais ce qui est surtout la condamnation des taxes proportionnelles de timbre, c'est (et on ne peut assez louer M. Naquet de l'avoir remarqué) qu'elles font entièrement double emploi avec les taxes d'enregistrement; du reste, ce reproche est également mérité par les droits fixes. Mais au moins doit-on reconnaitre (cela n'est pas, comme nous l'avons montré, à leur éloge, mais cela explique l'existence de l'impôt) que les droits fixes frappent les actes autrement que les droits, soit fixes, soit proportionnels d'enregistrement. Au contraire, les droits proportionnels de timbre sont tous établis sur des actes ou des conventions assujettis aux droits proportionnels d'enregistrement; ils sont liquidés de la même manière, ils se superposent à eux, tout autant que les décimes se superposent au principal, mais d'une manière moins franche, plus dissimulée aux contribuables, partant plus susceptible de critique.

De la suprême injustice que présentent les droits fixes, de la ressemblance intime entre les taxes proportionnelles de timbre et les droits d'enregistrement, M. Naquet conclut, et nous concluerons avec lui, à l'unification des droits de timbre et d'enregistrement.

Au surplus, pour peu que nous laissions faire le législateur, tous

« ÖncekiDevam »