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raître pour rendre compte des forfaits publics qu'il a commis, Frédéric, empereur d'Allemagne, s'est abstenu de répondre à l'appel, mais ila délégué Thaddée de Suesse pour entendre les accusations et le défendre. Après l'insuffisante plaidoirie de cet avocat, écrasé sous le poids d'une mauvaise cause, Innocent IV déclare Frédéric accusé et convaincu de quatre grands crimes le parjure, le sacrilége, l'hérésie, la félonie ; et s'appuyant sur ces griefs aussi impossibles à excuser qu'à nier, il prononce en ces termes la sentence de déposition contre l'Empereur: « Sur tous ces excès et plusieurs autres, après avoir délibéré soigneusement avec nos frères et avec le Concile, en vertu du pouvoir de lier et de délier que Jésus-Christ nous a donné en la personne de saint Pierre, nous dénonçons le prince susdit privé de tout honneur et dignité dont il s'est rendu indigne par ses crimes, et l'en privons par cette sentence: absolvant pour toujours de leur serment tous ceux qui lui ont juré fidélité, défendant fermement que désormais personne lui obéisse comme empereur ou comme roi, ni le regarde comme tel, et voulant que quiconque à l'avenir lui donnera aide et conseil en cette qualité, soit excommunié par le seul fait (1).

Les libres-penseurs de notre temps, philosophes, (1) Act. Concil. Lugd. 1, ann. 1245.

journalistes ou hommes d'Etat, s'indignent de cette puissance judiciaire, de cette haute répression exercée par les papes et les Conciles sur les rois ou les gouvernements du moyen âge. Mais de quel droit les condamnent-ils ? Ils sont sans cesse à nous répéter, quand ils occupent des positions subalternes, que le pouvoir suprême incline toujours par son propre poids du côté de l'arbitraire et de la tyrannie; qu'il importe d'avoir dans les institutions sociales une barrière qui l'arrête dans ses écarts et protége contre ses débordements la liberté comme la dignité des peuples, et que si, par l'absence ou l'impuissance de cette garantie, il se laisse entraîner à des excès sans frein, il faudra bien que la société se défende elle-même et mette les oppresseurs à la raison. C'est de là qu'est sorti ce régime constitutionnel dont nous sommes si fiers, et parce que ce régime lui-même n'a pas paru toujours offrir un abri suffisant aux droits des nations, la Révolution s'est chargée d'exercer sur les gouvernements une dictature vengeresse. Elle a fait de la conspiration sous toutes ses formes l'instrument ordinaire de ses sombres desseins. Conspiration des princes ambitieux, s'estimant prédestinés à jeter bas du trône les membres couronnés de leurs familles; conspiration de seigneurs et de nobles ruinés, aspirant au bouleversement social pour refaire leur fortune; conspiration de

généraux félons et traîtres, se faisant un jeu de renverser et de chasser des dynasties qui les avaient engraissés de faveurs; conspiration de bourgeois et de lettrés vaniteux, ne pouvant comprendre que la nature ne les ait pas fait naître le front ceint d'un diadème; conspiration des sociétés secrètes, radicalement ennemies de tout gouvernement honnête, de toute puissance légitime, et incapables d'être satisfaites tant que des fils de Satan ne porteront pas dans leurs mains tous les sceptres du monde. Voilà le haut trihunal qui, depuis bientôt un siècle, s'est emparé du droit d'élever ou d'abattre les trônes, de faire ou de défaire les rois. Cette sublime magistrature de la révolte traite les souverains sans façon; quand elle réussit, elle les congédie comme on ne chasserait pas un esclave; et la bouche d'un factieux, d'un parjure, d'un régicide, souvent d'un monstre, lui semble facilement assez bonne, assez respectable, assez autorisée pour proclamer l'éternelle déposition d'une antique race de princes et délier leurs sujets du serment d'obéissance et de fidélité. Sans avoir un âge patriarcal, n'avonsnous pas eu déjà plusieurs fois sous les yeux, en Europe, ce dégoûtant spectacle?

Et ce qu'il y a de plus triste c'est de voir et les rois les plus hautains, et les hommes d'Etat les plus fiers, et les honnêtes gens les plus monarchiques, ac

cepter sans protestation comme sans honte ces manœuvres et ces arrêts de la Révolution. Ils s'indignent, au contraire, au souvenir des sentences de déposition prononcées autrefois contre les souverains, même les plus criminels, par les papes et les Conciles œcuméni– ques. Et cependant, combien cette grande institution du moyon âge était plus digne des princes et plus salutaire aux peuples! C'était alors, pour juger les premiers, le tribunal le plus auguste, puisqu'au lieu d'un sénat de rois, on avait presque, suivant le beau mo: de l'Écriture, un tribunal de Dieux (1). C'était un tribunal intelligent: quel autre même aujourd'hui réunirait plus de lumières? C'était un tribunal éminemment honnête, puisqu'il se composait des plus hauts représentants de la conscience et de la vertu dans le monde. C'était un tribunal plein de largeur et d'équité; toujours il admettait le prévenu royal à se défendre librement; au Concile de Lyon, Thaddée de Suesse put présenter tout à l'aise la justification de Frédéric son maître. C'était un tribunal clément, malgré ses apparentes rigueurs; la franchise des aveux, la sincérité du repentir, une sérieuse promesse d'amendement réussissaient presque toujours ou à le désarmer, ou à lui arracher la réhabilitation des coupables quand elle était encore pos(1) fsalm. LXXI, 1.

sible. Par-dessus tout cela c'était un tribunal accepté par ceux qui devaient y comparaître; avant d'être frappé, Frédéric ne conteste pas au Concile la validité de ses pouvoirs et de sa juridiction; et si, après sa déchéance prononcée, il soulève des objections, elles portent moins sur le fond de la compétence qu'elles ne s'attachent à des détails de procédure. Enfin, c'était un tribunal consacré par la sanction du suffrage universel; les peuples européens sentaient à merveille les bienfaits que leur assurait cette suprématie de l'Église, et bien loin de l'insulter ou de la maudire, ils s'abritaient avec bonheur sous son ombre tutétaire, tandis que les souverains égarés eux-mêmes y tronvaient un moyen d'être ramenés au devoir ou d'expier leurs fautes, sans avoir à passer par les violences de leurs sujets en courroux. Il serait bien à souhaiter, pour les uns et pour les autres, que la Révolution restituât à nos Conciles cette grande judicature dont elle s'est emparée pour le malheur et l'opprobre de tous.

Voilà le premier service rendu par les Conciles. œcuméniques à la cause générale de la civilisation : c'est d'avoir exercé, vis-à-vis des pouvoirs prévaricateurs, une autorité modératrice ou vengeresse. - Par un second service, ils ont armé les bras des rois et des peuples contre le plus grand ennemi de la civilisation chrétienne au moyen âge, c'est-à-dire les Turcs.

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