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Bien plus embarrassée est la marche du grec. Il faut considérer la caractéristique, la terminaison, l'augment et la pénultième de certaines personnes des temps des verbes; choses d'autant plus difficiles à connoître, que la caractéristique se perd, se transporte ou se charge d'une lettre inconnue, selon la lettre même devant laquelle elle se trouve placée.

Ces deux conjugaisons hébraïque et grecque, l'une si simple et si courte, l'autre si composée et si longue, semblent porter l'empreinte de l'esprit et des mœurs des peuples qui les ont formées : la première retrace le langage concis du patriarche qui va seul visiter son voisin au puits du palmier; la seconde rappelle la prolixe éloquence du Pélasge qui se présente à la porte de son hôte.

Si vous prenez au hasard quelque substantif grec ou hébreu, vous découvrirez encore mieux le génie des deux langues. Nesher, en hébreu, signifie un aigle: il vient du verbe shur, contempler, parceque l'aigle fixe le soleil.

Aigle, en grec, se rend par zietòs, vol rapide.

Israël a été frappé de ce que l'aigle a de plus sublime il l'a vu immobile sur le rocher de la montagne, regardant l'astre du jour à son réveil.

Athènes n'a aperçu que le vol de l'aigle, sa fuite impétueuse, et ce mouvement qui convenoit au propre mouvement du génie des Grecs. Tels sont précisément ces images de soleil, de feux, de montagnes, si souvent employées dans la Bible, et ces peintures de bruits, de courses, de passages, si multipliées dans Homère'. Nos termes de comparaison seront :

La simplicité;

L'antiquité des mœurs;

La narration;

La description;

Les comparaisons ou les images;

Le sublime.

Examinons le premier terme.

1o Simplicité.

La simplicité de la Bible est plus courte et plus grave; la simplicité d'Homère plus longue et plus riante.

1 Aleros paroit tenir à l'hébreu HAIT, s'élancer avec fureur, à moins qu'on ne le dérive d'ATE, devin; ATH, prodige : on retrouveroit ainsi l'art de la divination dans une étymologie. L'aquila des Latins vient manifestement de l'hébreu aouik, animal à serres. L'a n'est qu'une terminaison latine; u se doit prononcer ou. Quant à la transposition du k et son changement en 7, c'est peu de chose.

La première est sentencieuse, et revient aux mêmes locutions pour exprimer des choses nouvelles.

La seconde aime à s'étendre en paroles, et répète souvent dans les mêmes phrases ce qu'elle vient déja de dire.

La simplicité de l'Écriture est celle d'un antique prêtre qui, plein des sciences divines et humaines, dicte du fond du sanctuaire les oracles précis de la sagesse.

La simplicité du poëte de Chio est celle d'un vieux voyageur qui raconte au foyer de son hôte ce qu'il a appris dans le cours d'une vie longue et traversée.

2° Antiquité des mœurs.

Les fils des pasteurs d'Orient gardent les troupeaux comme les fils des rois d'Ilion; mais lorsque Pâris retourne à Troie, il habite un palais parmi des esclaves et des voluptés.

Une tente, une table frugale, des serviteurs rustiques, voilà. tout ce qui attend les enfants de Jacob chez leur père.

Un hôte se présente-t-il chez un prince, dans Homère, des femmes, et quelquefois la fille même du roi, conduisent l'étranger au bain. On le parfume, on lui donne à laver dans des aiguières d'or et d'argent, on le revêt d'un manteau de pourpre, on le conduit dans la salle du festin, on le fait s'asseoir dans une belle chaise d'ivoire, ornée d'un beau marchepied. Des esclaves mêlent le vin et l'eau dans les coupes et lui présentent les dons de Cérès dans une corbeille : le maître du lieu lui sert le dos succulent de la victime, dont il lui fait une part cinq fois plus grande que celle des autres. Cependant on mange avec une grande joie, et l'abondance a bientôt chassé la faim. Le repas fini, on prie l'étranger de raconter son histoire. Enfin, à son départ, on lui fait de riches présents, si mince qu'ait paru d'abord son équipage: car on suppose que c'est un Dieu qui vient, ainsi déguisé, surprendre le cœur des rois, ou un homme tombé dans l'infortune, et par conséquent le favori de Jupiter.

Sous la tente d'Abraham, la réception se passe autrement. Le patriarche sort pour aller au-devant de son hôte; il le salue, et puis adore Dieu. Les fils du lieu emmènent les chameaux, et les filles leur donnent à boire. On lave les pieds du voyageur: il s'assied à terre, et prend en silence le repas de l'hospitalité. On ne lui demande point son histoire, on ne le questionne point; il demeure ou continue sa route à volonté. A son départ, on fait alliance avec lui, et l'on élève la pierre du témoignage. Cet autel doit dire

aux siècles futurs que deux hommes des anciens jours se rencontrèrent dans le chemin de la vie; qu'après s'être traités comme deux frères, ils se quittèrent pour ne se revoir jamais, et pour mettre de grandes régions entre leurs tombeaux.

Remarquez que l'hôte inconnu est un étranger chez Homère, et un voyageur dans la Bible. Quelles différentes vues de l'humanité! Le grec ne porte qu'une idée politique et locale, où l'hébreu attache un sentiment moral et universel.

Chez Homère, les œuvres civiles se font avec fracas et parade : un juge, assis au milieu de la place publique, prononce à haute voix ses sentences; Nestor, au bord de la mer, fait des sacrifices ou harangue les peuples. Une noce a des flambeaux, des épithalames, des couronnes suspendues aux portes: une armée, un peuple entier, assistent aux funérailles d'un roi un serment se fait au nom des Furies, avec des imprécations terribles, etc.

Jacob, sous un palmier, à l'entrée de sa tente, distribue la justice à ses pasteurs. « Mettez la main sur ma cuisse', dit Abraham à son serviteur, et jurez d'aller en Mésopotamie.» Deux mots suffisent pour conclure un mariage au bord de la fontaine. Le domestique amène l'accordée au fils de son maître, ou le fils du maître s'engage à garder pendant sept ans les troupeaux de son beau-père, pour obtenir sa fille. Un patriarche est porté par ses fils, après sa mort, à la cave de ses pères, dans le champ d'Ephron. Ces mœurslà sont plus vieilles encore que les mœurs homériques, parcequ'elles sont plus simples; elles ont aussi un calme et une gravité. qui manquent aux premières.

3o La narration.

La narration d'Homère est coupée par des digressions, des discours, des descriptions de vases, de vêtements, d'armes et de sceptres, par des généalogies d'hommes ou de choses. Les noms propres y sont hérissés d'épithètes; un héros manque rarement d'être divin, semblable aux Immortels où honoré des peuples comme un Dieu. Une princesse a 'toujours de beaux bras; elle est toujours comme la tige du palmier de Délos, et elle doit sa chevelure à la plus jeune des Graces.

La narration de la Bible est rapide, sans digressions, sans dis

1 Femur meum. Cette coutume de jurer par la génération des hommes est une naïve image des mœurs des premiers jours du monde, alors que la terre avoit encore d'immenses déserts, et que l'homme étoit pour l'homme ce qu'il y avoit de plus cher et de plus grand. Les Grecs connurent aussi cet usage, comme on le voit dans la Vie de Cratès. Diog. Laert., lib. vt.

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cours; elle est semée de sentences, et les personnages y sont nommés sans flatterie. Les noms reviennent sans fin, et rarement le pronom les remplace; circonstance qui, jointe au retour fréquent de la conjonction et, annonce par cette simplicité une société bien plus près de l'état de nature que la société peinte par Homère. Les amours-propres sont déja éveillés dans les hommes de l'Odyssée, ils dorment encore chez les hommes de la Genèse.

4o Description.

Les descriptions d'Homère sont longues, soit qu'elles tiennent du caractère tendre, ou terrible, ou triste, ou gracieux, ou fort, ou sublime.

La Bible, dans tous ses genres, n'a ordinairement qu'un seul trait; mais ce trait est frappant, et met l'objet sous les yeux.

5o Les comparaisons.

Les comparaisons homériques sont prolongées par des circonstances incidentes: ce sont de petits tableaux suspendus au pourtour d'un édifice, pour délasser la vue de l'élévation des dômes, en l'appelant sur des scènes de paysages et de mœurs champêtres. Les comparaisons de la Bible sont généralement exprimées en quelques mots : c'est un lion, un torrent, un orage, un incendie, qui rugit, tombe, ravage, dévore. Toutefois elle connoît aussi les comparaisons détaillées; mais alors elle prend un tour oriental, et personnifie l'objet, comme l'orgueil dans le cèdre, etc.

6o Le sublime.

Enfin le sublime dans Homère naît ordinairement de l'ensemble des parties, et arrive graduellement à son terme.

Dans la Bible, il est presque toujours inattendu ; il fond sur vous comme l'éclair; vous restez fumant et sillonné par la foudre, avant de savoir comment elle vous a frappé.

Dans Homère, le sublime se compose encore de la magnificence des mots en harmonie avec la majesté de la pensée.

Dans la Bible, au contraire, le plus haut sublime provient souvent d'un contraste entre la grandeur de l'idée et la petitesse, quelquefois même la trivialité du mot qui sert à la rendre. Il en résulte un ébranlement, un froissement incroyable pour l'ame: car lorsqu'exalté par la pensée, l'esprit s'élance dans les plus hautes régions, soudain l'expression, au lieu de le soutenir, le laisse tomber du ciel en terre, et le précipite du sein de Dieu dans le limon de cet univers. Cette sorte de sublime, le plus impétueux de tous, con

vient singulièrement à un Être immense et formidable, qui touche à la fois aux plus grandes et aux plus petites choses.

CHAPITRE IV.

Suite du parallèle de la Bible et d'Homère. — Exemples.

QUELQUES exemples achèveront maintenant le développement de ce parallèle. Nous prendrons l'ordre inverse de nos premières bases, c'est-à-dire que nous commencerons par les lieux d'oraison dont on peut citer des traits courts et détachés (tels que le sublime et les comparaisons), pour finir par la simplicité et l'antiquité des

mœurs.

Il y a un endroit remarquable pour le sublime dans l'Iliade: c'est celui où Achille, après la mort de Patrocle, paroît désarmé sur le retranchement des Grecs, et épouvante les bataillons troyens par ses cris'. Le nuage d'or qui ceint le front du fils de Pélée, la flamme qui s'élève sur sa tête, la comparaison de cette flamme à un feu placé la nuit au haut d'une tour assiégée, les trois cris d'Achille, qui trois fois jettent la confusion dans l'armée troyenne : tout cela forme ce sublime homérique qui, comme nous l'avons dit, se compose de la réunion de plusieurs beaux accidents et de la magnificence des mots.

Voici un sublime bien différent: c'est le mouvement de l'ode dans son plus haut délire:

« Prophétie contre la vallée de Vision.

« D'où vient que tu montes ainsi en foule sur les toits,

« Ville pleine de tumulte, ville pleine de peuple, ville triomphante ? Les enfants sont tués, et ils ne sont point morts par l'épée; ils ne sont point tombés par la guerre...

« Le Seigneur vous couronnera d'une couronne de maux. Il vous jettera comme une balle dans un champ large et spacieux. Vous mourrez là, et c'est à quoi se réduira le char de votre gloire 2. »

Dans quel monde inconnu le prophète vous jette tout à coup! Où vous transporte-t-il? Quel est celui qui parle? et à qui la parole est-elle adressée? Le mouvement suit le mouvement, et chaque verset s'étonne du verset qui l'a précédé. La ville n'est plus un assemblage d'édifices; c'est une femme, ou plutôt un personnage • mystérieux, car son sexe n'est pas désigné. Il monte sur les toils pour gémir; le prophète, partageant son désordre, lui dit au singulier, pourquoi montes-tu, et il ajoute en foule, collectif. « Il vous

Iliad., liv. xvIII, v. 204. — a 1s., chap. xi, v. 1-2, 18.

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