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geoient à la vue d'un camp romain?« Par la faveur des dieux, nous eûmes le plaisir de contempler ce combat sans nous y mêler. Simples spectateurs, nous vîmes, ce qui est admirable, șoixante mille hommes s'égorger sous nos yeux pour notre amusement. Puissent, puissent les nations, au défaut d'amour pour nous, entretenir ainsi dans leur cœur les unes contre les autres une haine éternelle ! >>

Écoutons Bossuet:

« Ce fut après le déluge que parurent ces ravageurs de provinces que l'on a nommés conquérants, qui, poussés par la seule gloire du commandement, ont exterminé tant d'innocents... Depuis ce temps, l'ambition s'est jouée, sans aucune borne, de la vie des hommes, ils en sont venus à ce point de s'entretuer sans se haïr : le comble de la gloire, et le plus beau de tous les arts, a été de se tuer les uns les autres 2. >>

Il est difficile de s'empêcher d'adorer une religion qui met une telle différence entre la morale d'un Bossuet et d'un Tacite.

L'historien romain, après avoir raconté que Thrasylle avoit prédit l'empire à Tibère, ajoute: « D'après ces faits, et quelques autres, je ne sais si les choses de la vie sont... assujetties aux lois d'une immuable nécessité, ou si elles ne dépendent que du hasard 3. »

Suivent les opinions des philosophes que Tacite rapporte gravement, donnant assez à entendre qu'il croit aux prédictions des astrologues.

La raison, la saine morale et l'éloquence nous semblent encore du côté du prêtre chrétien.

« Ce long enchaînement des causes particulières qui font et défont les empires dépend des ordres secrets de la divine Providence. Dieu tient du plus haut des cieux les rênes de tous les royaumes; il a tous les cœurs en sa main. Tantôt il retient les passions, tantôt il leur lâche la bride; et par-là il remue tout le genre humain... Il connoît la sagesse humaine, toujours courte par quelque endroit; il l'éclaire, il étend ses vues, et puis il l'abandonne à ses ignorances. Il l'aveugle, il la précipite, il la confond par ellemême: elle s'enveloppe, elle s'embarrasse dans ses propres subtilités, et ses précautions lui sont un piége... C'est lui (Dieu) qui prépare ces effets dans les causes les plus éloignées, et qui-frappe ces grands coups dont le contre-coup porte si loin... Mais que les hommes ne s'y trompent pas : Dieu redresse, quand il lui plaît, le sens égaré; et celui qui insultoit à l'aveuglement des autres tombe

Tacite, Mœurs des Germains, 33. — Disc. sur l'Hist. univ. — 3 Ann., lib. VI, 22.

lui-même dans des ténèbres plus épaisses, sans qu'il faille souvent autre chose pour lui renverser le sens que de longues prospérités. »

Que l'éloquence de l'antiquité est peu de chose auprès de cette éloquence chrétienne!

LIVRE QUATRIÈME.

ÉLOQUENCE.

CHAPITRE PREMIER.

Du Christianisme dans l'Éloquence.

LE christianisme fournit tant de preuves de son excellence, que, quand on croit n'avoir plus qu'un sujet à traiter, soudain il s'en présente un autre sous votre plume. Nous parlions des philosophes, et voilà que les orateurs viennent nous demander si nous les oublions. Nous raisonnions sur le christianisme dans les sciences et dans l'histoire, et le christianisme nous appeloit pour faire voir au monde fes plus grands effets de l'éloquence connus. Les modernes doivent à la religion catholique cet art du discours, qui, en manquant à notre littérature, eût donné au génie antique une supériorité décidée sur le nôtre. C'est ici un des grands triomphes dé notre culte; et quoi qu'on puisse diré à la louange de Cicéron et de Démosthènes, Massillon et Bossuet peuvent sans crainte leur être comparés.

Les anciens n'ont connu que l'éloquence judiciaire et politique: l'éloquence morale, c'est-à-dire l'éloquence de tout temps, de tout gouvernement, de tout pays, n'a paru sur la terre qu'avec l'Évangile. Cicéron défend un client, Démosthènes combat un adversaire, ou tâche de rallumer l'amour de la patrie chez un peuple dégénéré : l'un et l'autre ne savent que remuer les passions, et fondent leur espérance de succès sur le trouble qu'ils jettent dans les cœurs. L'éloquence de la chaire a cherché sa victoire dans une région plus élevée. C'est en combattant les mouvements de l'ame qu'elle prétend la séduire; c'est en apaisant les passions qu'elle s'en veut faire écouter. Dieu et la charité, voilà son texte, toujours le même, toujours inépuisable. Il ne lui faut ni les cabales d'un parti, ni des émotions populaires, ni de grandes circonstances, pour briller: dans la paix la plus profonde, sur le cercueil du citoyen le plus obscur, elle trouvera ses mouvements les plus

sublimes; elle saura intéresser pour une vertu ignorée; elle fera couler des larmes pour un homme dont on n'a jamais entendu parler. Incapable de crainte et d'injustice, elle donne des leçons aux rois, mais sans les insulter; elle console le pauvre, mais sans flatter ses vices. La politique et les choses de la terre ne lui sont point inconnues: mais ces choses, qui faisoient les premiers motifs de l'éloquence antique, ne sont pour elle que des raisons secondaires; elle les voit des hauteurs où elle domine, comme un aigle aperçoit, du sommet de la montagne, les objets abaissés de la plaine.

Ce qui distingue l'éloquence chrétienne de l'éloquence des Grecs et des Romains, c'est celle tristesse évangélique qui en est l'ame, selon La Bruyère, cette majestueuse mélancolie dont elle se nourrit. On lit une fois, deux fois peut-être, les Verrines et les Catilinaires de Cicéron, l'Oraison pour la Couronne et les Philippiques de Démosthènes; mais on médite sans cesse, on feuillette nuit et jour les Oraisons funèbres de Bossuet et les Sermons de Bourdaloue et de Massillon. Les discours des orateurs chrétiens sont des livres, ceux des orateurs de l'antiquité ne sont que des discours. Avec quel goût merveilleux les saints docteurs ne réfléchissent-ils point sur les vanités du monde! Toute votre vie, disent-ils, n'est qu'une ivresse d'un jour, et vous employez cette journée à la poursuite des plus folles illusions. Vous atteindrez au comble de vos vœux, vous jouirez de tous vos desirs, vous deviendrez roi, empereur, maître de la terre: un moment encore, et la mort effacera ces néants avec votre néant. >>

Ce genre de méditations, si grave, si solennel, si naturellement porté au sublime, fut totalement inconnu des orateurs de l'antiquité. Les païens se consumoient à la poursuite des ombres de la vie '; ils ne savoient pas que la véritable existence ne commence qu'à la mort. La religion chrétienne a seule fondé cette grande école de la tombe, où s'instruit l'apôtre de l'Évangile : elle ne permet plus que l'on prodigue, comme les demi-sages de la Grèce, l'immortelle pensée de l'homme à des choses d'un moment.

Au reste, c'est la religion qui, dans tous les siècles et dans tous les pays, a été la source de l'éloquence. Si Démosthènes et Cicéron ont été de grands orateurs, c'est qu'avant tout ils étoient religieux. Les membres de la Convention, au contraire, n'ont offert que des talents tronqués et des lambeaux d'éloquence, parcequ'ils

Job.

Ils ont sans cesse le nom des dieux à la bouche: voyez l'invocation du premier aux mânes des héros de Marathon, et l'apothéose du second aux dieux dépouillés par Verrès,

attaquoient la foi de leurs pères, et s'interdisoient ainsi les inspirations du cœur.

CHAPITRE II.

DES ORATEURS.

Les Pères de l'Église.

L'ÉLOQUENCE des docteurs de l'Église a quelque chose d'imposant, de fort, de royal, pour ainsi parler, et dont l'autorité vous confond et vous subjugue. On sent que leur mission vient d'en haut, et qu'ils enseignent par l'ordre exprès du Tout-Puissant. Toutefois, au milieu de ces inspirations, leur génie conserve le calme et la majesté.

Saint Ambroise est le Fénelon des Pères de l'Église latine. Il est fleuri, doux, abondant, et, à quelques défauts près qui tiennent à son siècle, ses ouvrages offrent une lecture aussi agréable qu'instructive; pour s'en convaincre, il suffit de parcourir le Traité de la Virginité et l'Éloge des Patriarches.

2

Quand on nomme un saint aujourd'hui, on se figure quelque moine grossier et fanatique, livré par imbécillité ou par caractère à une superstition ridicule. Augustin offre pourtant un autre tableau: un jeune homme ardent et plein d'esprit s'abandonne à ses passions; il épuise bientôt les voluptés, et s'étonne que les amours de la terre ne puissent remplir le vide de son cœur. Il tourne son ame inquiète vers le Ciel : quelque chose lui dit que c'est là qu'habile cette souveraine beauté après laquelle il soupire: Dieu lui parle tout bas, et cet homme du siècle, que le siècle n'avoit pu satisfaire, trouve enfin le repos et la plénitude de ses desirs dans le sein de la religion.

Montaigne et Rousseau nous ont donné leurs Confessions. Le premier s'est moqué de la bonne foi de son lecteur, le second a révélé

Qu'on ne dise pas que les François n'avoient pas eu le temps de s'exercer dans la nouvelle lice où ils venoient de descendre : l'éloquence est un fruit des révolutions; elle y croit spontanément et sans culture; le Sauvage et le Nègre ont quelquefois parlé comme Démosthènes. D'ailleurs, on ne manquoit pas de modèles, puisqu'on avoit entre les mains les chefs-d'œuvre du forum antique, et ceux de ce forum sacré où l'orateur chrétien explique la loi éternelle. Quand M. de Montlosier s'écrioit, à propos du clergé, dans l'Assemblée Constituante: Vous les chassez de leurs palais, ils se retireront dans la cabane du pauvre qu'ils ont nourri ; vous voulez leurs croix d'or, ils prendront une croix de bois, c'est une croix de bois qui a sauvé le monde! ce mouvement n'a pas été inspiré par la démagogie, mais par la religion. Enfin Vergniaud ne s'est élevé à la grande éloquence, dans quelques passages de son discours pour Louis XVI, que parceque son sujet l'a entraîné dans la région des idées religieuses : les pyramides, les morts, le silence et les tombeaux. ⚫ Nous en avons cité quelques morceaux.

de honteuses turpitudes, en se proposant, même au jugement de Dieu, pour un modèle de vertu. C'est dans les Confessions de saint Augustin qu'on apprend à connoître l'homme tel qu'il est. Le saint ne se confesse point à la terre, il se confesse au Ciel; il ne cache rien à celui qui voit tout. C'est un chrétien à genoux dans le tribunal de la pénitence, qui déplore ses fautes, et qui les découvre, afin que le médecin applique le remède sur la plaie. Il ne craint point de fatiguer par des détails celui dont il a dit ce mot sublime: Il est patient parcequ'il est éternel. Et quel portrait ne nous fait-il point du Dieu auquel il confie ses erreurs!

« Vous êtes infiniment grand, dit-il, infiniment bon, infiniment miséricordieux, infiniment juste; votre beauté est incomparable, votre force irrésistible, votre puissance sans bornes. Toujours en action, toujours en repos, vous soutenez, vous remplissez, vous conservez l'univers; vous aimez sans passion, vous êtes jaloux sans trouble; vous changez vos opérations et jamais vos desseins... Mais que vous dis-je ici, ô mon Dieu! et que peut-on dire en parlant de vous? »

Le même homme qui a tracé cette brillante image du vrai Dieu va nous parler à présent avec la plus aimable naïveté des erreurs de sa jeunesse :

« Je partis enfin pour Carthage. Je n'y fus pas plus tôt arrivé que je me vis assiégé d'une foule de coupables amours qui se présentoient à moi de toutes parts... Un état tranquille me sembloit insupportable, et je ne cherchois que les chemins pleins de piéges et de précipices.

« Mais mon bonheur eût été d'être aimé aussi bien que d'aimer ; car on veut trouver la vie dans ce qu'on aime... Je tombai enfin dans les filets où je desirois d'être pris: je fus aimé, et je possédai ce que j'aimois. Mais, ô mon Dieu! vous me fites alors sentir votre bonté et votre miséricorde en m'accablant d'amertume; car, au lieu des douceurs que je m'étois promises, je ne connus que jalousie, soupçons, craintes, colère, querelles et emportements.»

Le ton simple, triste et passionné de ce récit, ce retour vers la Divinité et le calme du Ciel, au moment où le saint semble le plus agité par les illusions de la terre et par le souvenir des erreurs de sa vie tout ce mélange de regrets et de repentir est plein de charmes. Nous ne connoissons point de mot de sentiment plus délicat que celui-ci : « Mon bonheur eût été d'être aimé aussi bien que d'aimer, car on veut trouver la vie dans ce qu'on aime. » C'est encore saint Augustin qui a dit cette parole: « Une amé contem

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