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que la poule sultane se tient immobile sur quelques débris, comme un oiseau hiéroglyphique de granit et de porphyre.

La vallée de Tempé, les bois de l'Olympe, les côtes de l'Attique et du Péloponése, étalent les ruines de la Grèce. Là, commencent à paroître les mousses, les plantes grimpantes, et les fleurs saxatiles. Une guirlande vagabonde de jasmin embrasse une Vénus, comme pour lui rendre sa ceinture; une barbe de mousse blanche descend du menton d'une Hébé; le pavot croît sur les feuillets du livre de Mnémosine: symbole de la renommée passée et de l'oubli présent de ces lieux. Les flots de l'Égée qui viennent expirer sous de croulants portiques, Philomèle qui se plaint, Alcyon qui gémit, Cadmus qui roule ses anneaux autour d'un autel, le cygne qui fait son nid dans le sein de quelque Léda, mille accidents, produits comme par les Graces, enchantent ces poétiques débris: on diroit qu'un souffle divin anime encore la poussière des temples d'Apollon et des Muses; et le paysage entier, baigné par la mer, ressemble à un tableau d'Apelles, consacré à Neptune et suspendu à ses rivages'.

CHAPITRE V.

Ruines des Monuments chrétiens.

Les ruines des monuments chrétiens n'ont pas la même élégance que les ruines des monuments de Rome et de la Grèce; mais, sous d'autres rapports, elles peuvent supporter le parallèle. Les plus belles que l'on connoisse dans ce genre sont celles que l'on voit en Angleterre, au bord des lacs du Cumberland, dans les montagnes d'Ecosse, et jusque dans les Orcades. Les bas côtés du chœur, les arcs des fenêtres, les ouvrages ciselés des voussures, les pilastres des cloîtres, et quelques pans de la tour des cloches, sont en général les parties qui ont le plus résisté aux efforts du temps.

Dans les ordres grecs, les voûtes et les cintres suivent parallèlement les arcs du ciel; de sorte que, sur la tenture grise des nuages ou sur un paysage obscur, ils se perdent dans les fonds: dans l'ordre gothique, au contraire, les pointes contrastent avec les arrondissements des cieux et les courbures de l'horizon. Le gothique, étant tout composé de vides, se décore ensuite plus aisément d'herbes et de fleurs que les pleins des ordres grecs. Les filets redoublés des pilastres, les dômes découpés en feuillage ou creusés en forme de cueilloir, deviennent autant de corbeilles où

Voyez la notę 57, à la fin du volume.

les vents portent, avec la poussière, les semences des végétaux. La joubarbe se cramponne dans le ciment, les mousses emballent d'inégaux décombres dans leur bourre élastique, la ronce fait sortir ses cercles bruns de l'embrasure d'une fenêtre, et le lierre, se trainant le long des cloîtres septentrionaux, retombe en festons dans les arcades.

Il n'est aucune ruine d'un effet plus pittoresque que ces débris: sous un ciel nébuleux, au milieu des vents et des tempètes, au bord de cette mer dont Ossian a chanté les orages, leur architecture gothique a quelque chose de grand et de sombre, comme le Dieu de Sinaï, dont elle perpétue le souvenir. Assis sur un autel brisé, dans les Orcades, le voyageur s'étonne de la tristesse de ces lieux; un océan sauvage, des syrtes embrumées, des vallées où s'élève la pierre d'un tombeau, des torrents qui coulent à travers la bruyère, quelques pins rougeâtres jelés sur la nudité d'un morne flanqué de couches de neige, c'est tout ce qui s'offre aux regards. Le vent circule dans les ruines, et leurs innombrables jours deviennent autant de tuyaux d'où s'échappent des plaintes; l'orgue avoit jadis moins de soupirs sous ces voûtes religieuses. De longues herbes tremblent aux ouvertures des dômes. Derrière ces ouvertures, on voit fuir la nue et planer l'oiseau des terres boréales. Quelquefois égaré dans sa route, un vaisseau caché sous ses toiles arrondies, comme un esprit des eaux voilé de ses ailes, sillonne les vagues désertes; sous le souffle de l'aquilon, il semble se prosterner à chaque pas, et saluer les mers qui baignent les débris du temple de Dieu.

Ils ont passé sur ces plages inconnues, ces hommes qui adoroient la Sagesse qui s'est promenée sous les flots. Tantôt, dans leurs solennités, ils s'avançoient le long des grèves, en chantant avec le Psalmiste: « Comme elle est vaste cette mer qui étend au «<loin ses bras spacieux!» tantôt, assis dans la grotte de Fingal, près des soupiraux de l'Océan, ils croyoient entendre cette voix qui disoit à Job: « Savez-vous qui a renfermé la mer dans des digues lorsqu'elle se débordoit en sortant comme du sein de sa « mère: Quasi de vulva procedens 2?» La nuit, quand les tempêtes de l'hiver étoient descendues, quand le monastère disparoissoit dans des tourbillons, les tranquilles cénobites, retirés au fond de leurs cellules, s'endormoient au murmure des orages; heureux de s'être embarqués dans ce vaisseau du Seigneur, qui ne périra point 3!

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1 Ps. 105, v. 25. - 2

Job, cap. XXXVILI, Y. 8. -3 Voyez la note 38, à la fin du volume.

Sacrés débris des monuments chrétiens, vous ne rappelez point, comme tant d'autres ruines, du sang, des injustices et des violences! vous ne racontez qu'une histoire paisible, ou tout au plus que les souffrances mystérieuses du Fils de l'homme ! Et vous, saints ermites, qui, pour arriver à des retraites plus fortunées • vous étiez exilés sous les glaces du pôle, vous jouissez maintenant du fruit de vos sacrifices! S'il est parmi les anges, comme parmi les hommes, des campagnes habitées et des lieux déserts, de même que vous ensevelites vos vertus dans les solitudes de la terre, Vous aurez sans doute choisi les solitudes célestes pour y cacher votre bonheur !

CHAPITRE VI.

HARMONIES MORALES.
Dévotions populaires.

Nous quittons les harmonies physiques des monuments religieux et des scènes de la nature pour entrer dans les harmonies morales du christianisme. Il faut placer au premier rang ces dévotions populaires qui consistent en de certaines croyances et de certains rites pratiqués par la foule, sans être ni avoués, ni absolument proscrits par l'Eglise. Ce ne sont, en effet, que des harmonies de la religion et de la nature. Quand le peuple croit entendre la voix des morts dans les vents, quand il parle des fantômes de la nuit, quand il va en pèlerinage pour le soulagement de ses maux, il est évident que ces opinions ne sont que des relations touchantes entre quelques scènes naturelles, quelques dogmes sacrés, et la misère de nos coeurs. Il suit de là que, plus un culte a de ces dévotions populaires, plus il est poétique, puisque la poésie se fonde sur les mouvements de l'ame et les accidents de la nature, rendus tout mystérieux par l'intervention des idées religieuses.

Il faudroit nous plaindre si, voulant tout soumettre aux règles de la raison, nous condamnions avec rigueur ces croyances qui aident au peuple à supporter les chagrins de la vie, et qui lui enseignent une morale que les meilleures lois ne lui apprendront jamais. Il est bon, il est beau, quoi qu'on en dise, que toutes nos actions soient pleines de Dieu et que nous soyons sans cesse environnés de ses miracles.

Le peuple est bien plus sage que les philosophes. Chaque fontaine, chaque croix dans un chemin, chaque soupir du vent de la nuit, porte avec lui un prodige. Pour l'homme de foi, la nature est une constante merveille. Souffre-t-il, il prie sa petite image, et

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