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gloire, convertir l'Europe, défricher ses déserts, et rallumer dans son sein le flambeau des sciences'.

Les bénédictins, et surtout ceux de la congrégation de SaintMaur, établie en France vers l'an 543, nous ont donné ces hommes dont le savoir est devenu proverbial, et qui ont retrouvé, avec des peines infinies, les manuscrits antiques ensevelis dans la poudre des monastères. Leur entreprise littéraire la plus effrayante (car l'on peut parler ainsi), c'est l'édition complète des Pères de l'Église. S'il est si difficile de faire imprimer un seul volume correctement dans sa propre langue, qu'on juge ce que c'est qu'une révision entière des Pères Grecs et Latins, qui forment plus de cent cinquante volumes in-folio: l'imagination peut à peine embrasser ces travaux énormes. Rappeler Ruinart, Lobineau, Calmet, Tassin, Lami, d'Achery, Martène, Mabillon, Montfaucon, c'est rappeler des prodiges de science.

On ne peut s'empêcher de regretter ces corps enseignants, uniquement occupés de recherches littéraires et de l'éducation de la jeunesse. Après une révolution qui a relâché les liens de la morale et interrompu le cours des études, une société, à la fois religieuse et savante, porteroit un remède assuré à la source de nos maux. Dans les autres formes d'institut, il ne peut y avoir ce travail régulier, cette laborieuse application au même sujet, qui règnent parmi des solitaires, et qui, continués sans interruption pendant plusieurs siècles, finissent par enfanter des miracles.

Les bénédictins étoient des savants, et les jésuites des gens de lettres les uns et les autres furent à la société religieuse ce qu'étoient au monde deux illustres académies.

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L'ordre des jésuites étoit divisé en trois degrés, écoliers approuvés, coadjuteurs formés, et profès. Le postulant étoit d'abord éprouvé par dix ans de noviciat, pendant lesquels on exerçoit sa mémoire, sans lui permettre de s'attacher à aucune étude particulière : c'étoit pour connoître où le portoit son génie. Au bout de ce temps, il servoit les malades pendant un mois dans un hôpital, et faisoit un pèlerinage à pied, en demandant l'aumône : par-là on prétendoit l'accoutumer au spectacle des douleurs humaines, et le préparer aux fatigues des missions.

Il achevoit alors de fortes ou de brillantes études. N'avoit-il que les graces de la société, et cette vie élégante qui plaît au monde,

L'Angleterre, la Frise et l'Allemagne reconnoissent pour leurs apôtres saint Augustin de Cantorbéry, saint Willibrod et saint Boniface, tous trois sortis de l'institut de saint Benoit.

on le mettoit en vue dans la capitale, on le poussoit à la cour et chez les grands. Possédoit-il le génie de la solitude, on le retenoit dans les bibliothèques et dans l'intérieur de la compagnie. S'il s'annonçoit comme orateur, la chaire s'ouvroit à son éloquence; s'il avoit l'esprit clair, juste et patient, il devenoit professeur dans les colléges; s'il étoit ardent, intrépide, plein de zèle et de foi, il alloit mourir sous le fer du mahométan ou du Sauvage; enfin, s'il montroit des talents propres à gouverner les hommes, le Paraguay l'appeloit dans ses forêts, ou l'ordre à la tête de ses maisons.

Le général de la compagnie résidoit à Rome. Les pères provinciaux, en Europe, étoient obligés de correspondre avec lui une fois par mois. Les chefs des missions étrangères lui écrivoient toutes les fois que les vaisseaux ou les caravanes traversoient les solitudes du monde. Il y avoit en outre, pour les cas pressants, des missionnaires qui se rendoient de Pékin à Rome, de Rome en Perse, en Turquie, en Éthiopie, au Paraguay, ou dans quelque autre partie de la terre.

L'Europe savante a fait une perte irréparable dans les jésuites. L'éducation ne s'est jamais bien relevée depuis leur chute. Ils étoient singulièrement agréables à la jeunesse; leurs manières polies ôtoient à leurs leçons ce ton pédantesque qui rebute l'enfance. Comme la plupart de leurs professeurs étoient des hommes de lettres recherchés dans le monde, les jeunes gens ne se croyoient avec eux que dans une illustre académie. Ils avoient su établir entre leurs écoliers de différentes fortunes une sorte de patronage qui tournoit au profit des sciences. Ces liens, formés dans l'âge où le cœur s'ouvre aux sentiments généreux, ne se brisoient plus dans la suite, et établissoient, entre le prince et l'homme de lettres, ces antiques et nobles amitiés qui vivoient entre les Scipion et les Lélius.

Ils ménageoient encore ces vénérables relations de disciples et de maître, si chères aux écoles de Platon et de Pythagore. Ils s'enorgueillissoient du grand homme dont ils avoient préparé le génie, et réclamoient une partie de sa gloire. Voltaire, dédiant sa Mérope au père Porée, et l'appelant son cher maître, est une de ces choses aimables que l'éducation moderne ne présente plus. Naturalistes, chimistes, botanistes, mathématiciens, mécaniciens, astronomes, poëtes, historiens, traducteurs, antiquaires, journalistes, il n'y a pas une branche des sciences que les jésuites n'aient cultivée avec éclat. Bourdaloue rappeloit l'éloquence romaine, Brumoy introduisoit la France au théâtre des Grecs, Gresset mar

choit sur les traces de Molière; Lecomte, Parennin, Charlevoix, Ducerceau, Sanadon, Duhalde, Noël, Bouhours, Daniel, Tournemine, Maimbourg, Larue, Jouvency, Rapin, Vanière, Commire, Sirmond, Bougeant, Petau, ont laissé des noms qui ne sont pas sans honneur. Que peut-on reprocher aux jésuites? un peu d'ambition, si naturelle au génie. « Il sera toujours beau, dit Montesquieu en parlant de ces pères, de gouverner les hommes en les rendant heureux. » Pesez la masse du bien que les jésuites ont fait; souvenez-vous des écrivains célèbres que leur corps a donnés à la France, ou de ceux qui se sont formés dans leurs écoles; rappelez-vous les royaumes entiers qu'ils ont conquis à notre commerce par leur habileté, leurs sueurs et leur sang; repassez dans votre mémoire les miracles de leurs missions au Canada, au Paraguay, à la Chine, et vous verrez que le peu de mal dont on les accuse ne balance pas un moment les services qu'ils ont rendus à la société.

CHAPITRE VI.

Papes et Cour de Rome. Découvertes modernes, etc.

AVANT de passer aux services que l'Église a rendus à l'agriculture, rappelons ce que les papes ont fait pour les sciences et les beaux-arts. Tandis que les ordres religieux travailloient dans toute l'Europe à l'éducation de la jeunesse, à la découverte des manuscrits, à l'explication de l'antiquité, les pontifes romains, prodiguant aux savants les récompenses et jusqu'aux honneurs du sacerdoce, étoient le principe de ce mouvement général vers les lumières. Certes, c'est une grande gloire pour l'Eglise, qu'un pape ait donné son nom au siècle qui commence l'ère de l'Europe civilisée, et qui, s'élevant du milieu des ruines de la Grèce, emprunta ses clartés du siècle d'Alexandre, pour les réfléchir sur le siècle de Louis.

Ceux qui représentent le christianisme comme arrêtant le progrès des lumières contredisent manifestement les témoignages historiques. Partout la civilisation a marché sur les pas de l'Evangile, au contraire des religions de Mahomet, de Brama et de Confucius, qui ont borné les progrès de la société, et forcé l'homme à vieillir dans son enfance.

Rome chrétienne étoit comme un grand port qui recueilloit tous les débris des naufrages des arts. Constantinople tombe sous le joug des Turcs; aussitôt l'Église ouvre mille retraites honorables aux illustres fugitifs de Byzance et d'Athènes. L'imprimerie, pros

crite en France, trouve une retraite en Italie. Des cardinaux épuisent leurs fortunes à fouiller les ruines de la Grèce et à acquérir des manuscrits, Le siècle de Léon X avoit paru si beau au savant abbé Barthélemy, qu'il l'avoit d'abord préféré à celui de Périclès pour sujet de son grand ouvrage : c'étoit dans l'Italie chrétienne qu'il prétendoit conduire un moderne Anacharsis.

« A Rome, dit-il, mon voyageur voit Michel-Ange élevant la coupole de Saint-Pierre; Raphaël peignant les galeries du Vatican; Sadolet et Bembe, depuis cardinaux, remplissant alors auprès de Léon X la place de secrétaires; le Trissin donnant la première représentation de Sophonisbe, première tragédie composée par un moderne; Béroald, bibliothécaire du Vatican, s'occupant à publier les Annales de Tacite, qu'on venoit de découvrir en Westphalie, et que Léon X avoit acquises pour la somme de cinq cents ducats d'or; le même pape proposant des places aux savants de toutes les nations qui viendroient résider dans ses états, et des récompenses distinguées à ceux qui lui apporteroient des manuscrits inconnus... Partout s'organisoient des universités, des colléges, des imprimeries pour toutes sortes de langues et de sciences, des bibliothèques sans cesse enrichies des ouvrages qu'on y publioit, et des manuscrits nouvellement apportés des pays où l'ignorance avoit conservé son empire. Les académies se multiplioient tellement, qu'à Ferrare on en comptoit dix à douze ; à Bologne, environ quatorze; à Sienne, seize. Elles avoient pour objet les sciences, les belles-lettres, les langues, l'histoire, les arts. Dans deux de ces académies, dont l'une étoit simplement dévouée à Platon, et l'autre à son disciple Aristote, étoient discutées les opinions de l'ancienne philosophie, et pressenties celles de la philosophie moderne. A Bologne, ainsi qu'à Venise, une de ces sociétés veilloit sur l'imprimerie, sur la beauté du papier, la fonte des caractères, la correction des épreuves, et sur tout ce qui pouvoit contribuer à la perfection des éditions nouvelles... Dans chaque état, les capitales, et même des villes moins considérables, étoient extrêmement avides d'instruction et de gloire: elles offroient presque toutes aux astronomes des observatoires, aux anatomistes des amphithéâtres, aux naturalistes des jardins de plantes, à tous les gens de lettres des collections de livres, de médailles et de monuments antiques; à tous les genres de connoissances, des marques éclatantes de considération, de reconnoissance et de respect... Les progrès des arts favorisoient le goût des spectacles et de la magnificence. L'étude de l'histoire et des monuments des Grecs et des Romains inspiroit

des idées de décence, d'ensemble et de perfection qu'on n'avoit point eues jusqu'alors. Julien de Médicis, frère de Léon X, ayant été proclamé citoyen romain, cette proclamation fut accompagnée de jeux publics; et, sur un vaste théâtre construit exprès dans la place du Capitole, on représenta, pendant deux jours, une comédie de Plaute, dont la musique et l'appareil extraordinaire excitèrent une admiration générale.

Les successeurs de Léon X ne laissèrent point s'éteindre cette noble ardeur pour les travaux du génie. Les évêques pacifiques de Rome rassembloient dans leur villa les précieux débris des âges. Dans les palais des Borghèse et des Farnèse, le voyageur admiroit les chefs-d'œuvre de Praxitèle et de Phidias; c'étoient des papes qui achetoient au poids de l'or les statues de l'Hercule et de l'Apollon; c'étoient des papes qui, pour conserver les ruines trop insultées de l'antiquité, les couvroient du manteau de la religion. Qui n'admirera la pieuse industrie de ce pontife qui plaça des images chrétiennes sur les beaux débris des Thermes de Dioclétien? Le Panthéon n'existeroit plus s'il n'eût été consacré par le culté des apôtres, et la colonne Trajane ne seroit pas debout, si la statue de saint Pierre ne l'eût couronnée.

Cet esprit conservateur se faisoit remarquer dans tous les ordres de l'Église. Tandis que les dépouilles qui ornoient le Vatican surpassoient les richesses des anciens temples, de pauvres religieux protégeoient, dans l'enceinte de leurs monastères, les ruines des maisons de Tibur et de Tusculum, et promenoient l'étranger dans Jes jardins de Cicéron et d'Horace. Un chartreux vous montroit le laurier qui croît sur la tombe de Virgile, et un pape couronnoit le Tasse au Capitole.

Ainsi, depuis quinze cents ans, l'Eglise protégeoit les sciences et les arts; son zèle ne s'étoit ralenti à aucune époque. Si, dans le huitième siècle, le moine Alcuin enseigne la grammaire à Charlemagne, dans le dix-huitième, un autre moine industrieux et patient' trouve un moyen de dérouler les manuscrits d'Herculanum : si, en 740, Grégoire de Tours décrit les antiquités des Gaules, en 1754 le chanoine Mazzochi explique les tables législatives d'Héraclée. La plupart des découvertes qui ont changé le système du monde civilisé ont été faites par des membres de l'Eglise. L'invention de la poudre à canon, et peut-être celle du télescope, sont dues au moine Roger Bacon; d'autres attribuent la découverte de la poudre au moine allemand Berthold Schwartz; les bombes ont ■ Barthélemy, Foyages en Italie.

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