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évêques qui, la mitre en tête et la crosse à la main, plaidoient tour à tour la cause du peuple contre les grands, et celle du souverain contre des seigneurs factieux.

· Ces prélats furent souvent la victime de leur dévouement. La haine des nobles contre le clergé fut si grande au commencement du treizième siècle, que saint Dominique se vit contraint de prècher une espèce de croisade, pour arracher les biens de l'Église aux barons qui les avoient envahis. Plusieurs évêques furent massacrés par les nobles, ou emprisonnés par la cour. Ils subissoient tour à tour les vengeances monarchiques, aristocratiques et populaires.

Si vous voulez considérer plus en grand l'influence du christianisme sur l'existence politique des peuples de l'Europe, vous verrez qu'il prévenoit les famines, et sauvoit nos ancêtres de leurs propres fureurs, en proclamant ces paix appelées paix de Dieu, pendant lesquelles on recueilloit les moissons et les vendanges. Dans les commotions publiques, souvent les papes se montrèrent comme de très grands princes.. Ce sont eux qui, en réveillant les rois, sonnant l'alarme et faisant des ligues, ont empêché l'Occident de devenir la proie des Turcs. Ce scul service rendu au monde par l'Église mériteroit des autels.

Des hommes indignes du nom de chrétiens égorgeoient les peuples du Nouveau-Monde, et la cour de Rome fulminoit des bulles pour prévenir ces atrocités. L'esclavage étoit reconnu légitime, et l'Église ne reconnoissoit point d'esclaves parmi ses enfants. Les excès mêmes de la cour de Rome ont servi à répandre les principes généraux du droit des peuples. Lorsque les papes mettoient les royaumes en interdit, lorsqu'ils forçoient les empereurs à venir rendre compte de leur conduite au Saint-Siége, ils s'arrogeoient sans doute un pouvoir qu'ils n'avoient pas; mais, en blessant la majesté du trône, ils faisoient peut-être du bien à l'humanité. Les rois devenoient plus circonspects; ils sentoient qu'ils avoient un frein, et le peuple une égide. Les rescrits des pontifes ne manquoient jamais de mêler la voix des nations et l'intérêt général des hommes aux plaintes particulières. « Il nous est venu des rapports que Philippe, Ferdinand, Henri opprimoit son peuple, etc. » Tel étoit, à peu près, le début de tous ces arrêts de la cour de Rome.

S'il existoit au milieu de l'Europe un tribunal qui jugeât, au nom de Dieu, les nations et les monarques, et qui prévint les

La fameuse bulle de Paul III.

* Le décret de Constantin, qui déclare libre tout esclave qui embrasse le christianisme.

guerres et les révolutions, ce tribunal seroit le chef-d'œuvre de la politique, et le dernier degré de la perfection sociale: les papes, par l'influence qu'ils exerçoient sur le monde chrétien, ont été au moment de réaliser ce beau songe.

Montesquieu a fort bien prouvé que le christianisme est opposé d'esprit et de conseil au pouvoir arbitraire, et que ses principes font plus que l'honneur dans les monarchies, la vertu dans les républiques, et la crainte dans les états despotiques. N'existe-t-il pas d'ailleurs des républiques chrétiennes qui paroissent même plus attachées à leur religion que les monarchies? N'est-ce pas encore sous la loi évangélique que s'est formé ce gouvernement, dont l'excellence paroissoit telle au plus grave des historiens qu'il le croyoit impraticable pour les hommes? « Dans toutes les nations, dit Tacite, c'est le peuple, ou les nobles, ou un seul qui gouverne; une forme de gouvernement qui se composeroit à la fois des trois autres est une brillante chimère, etc. 2 >>

Tacite ne pouvoit pas deviner que cette espèce de miracle s'accompliroit un jour chez des Sauvages dont il nous a laissé l'histoire. Les passions, sous le polytheisme, auroient bientôt renversé un gouvernement qui ne se conserve que par la justesse des contre-poids. Le phénomène de son existence étoit réservé à une religion qui, en maintenant l'équilibre moral le plus parfait, permet d'établir la plus parfaite balance politique.

Montesquieu a vu le principe du gouvernement anglois dans les forêts de la Germanie: il étoit peut-être plus simple de le découvrir dans la division des trois ordres, division connue de toutes les grandes monarchies de l'Europe moderne. L'Angleterre a commencé, comme la France et l'Espagne, par ses États-Généraux : l'Espagne passa à une monarchie absolue, la France à une monarchie tempérée, et l'Angleterre à une monarchie mixte. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que les Cortès de la première jouissoient de plusieurs priviléges que n'avoient pas les États-Généraux de la seconde et les Parlements de la troisième, et que le peuple le plus libre est tombé sous le gouvernement le plus absolu. D'une autre part, les Anglois, qui étoient presqué réduits en servitude, se rapprochèrent de l'indépendance; et les François, qui n'étoient ni très libres, ni très asservis, demeurèrent à peu près au même point.

Il faut se souvenir que ceci étoit écrit sous Buonaparte. L'auteur semble annoncer ici la Charte de Louis XVIII, Ses opinions constitutionnelles, comme on le voit, datent de Join.

Tac., Ann., liv. iv, 35. -3 In vit. Agric.

Enfin, ce fut une grande et féconde idée politique que cette division des trois ordres. Totalement ignorée des anciens, elle a produit chez les modernes le système représentatif, qu'on peut mettre au nombre de ces trois ou quatre découvertes qui ont créé un autre univers. Et qu'il soit encore dit à la gloire de notre religion que le système représentatif découle en partie des institutions ecclésiastiques, d'abord parceque l'Église en offrit la première image dans ses conciles, composés du Souverain Pontife, des prélats et des députés du bas-clergé, et ensuite parceque les prêtres chrétiens, ne s'étant pas séparés de l'État, ont donné naissance à un nouvel ordre de citoyens, qui, par sa réunion aux deux autres, a entraîné la représentation du corps politique.

Nous ne devons pas négliger une remarque qui vient à l'appui des faits précédents, et qui prouve que le génie évangélique est éminemment favorable à la liberté. La religion chrétienne établit en dogme l'égalité morale, la seule qu'on puisse prêcher sans bouleverser le monde. Le polythéisme cherchoit-il à Rome à persuader au patricien qu'il n'étoit pas d'une poussière plus noble que le plébéien? Quel pontife eût osé faire retentir de telles paroles aux oreilles de Néron et de Tibère? On eût bientôt vu le corps du lévite imprudent exposé aux gémonies. C'est cependant de telles leçons que les potentats chrétiens reçoivent tous les jours dans cette chaire, si justement appelée la chaire de vérité.

En général, le christianisme est surtout admirable, pour avoir converti, l'homme physique en l'homme moral. Tous les grands principes de Rome et de la Grèce, l'égalité, la liberté, se trouvent dans notre religion, mais appliqués à l'ame et au génie, et considérés sous des rapports sublimes.

Les conseils de l'Évangile forment le véritable philosophe, et ses préceptes le véritable citoyen. Il n'y a pas un petit peuple chrétien chez lequel il ne soit plus doux de vivre, que chez le peuple antique le plus fameux, excepté Athènes, qui fut charmante, mais horriblement injuste. Il y a une paix intérieure dans les nations modernes, un exercice continuel des plus tranquilles vertus, qu'on ne vit point régner au bord de l'Ilissus et du Tibre. Si la république de Brutus ou la monarchie d'Auguste sortoit tout à coup de la poudre, nous aurions horreur de la vie romaine. Il ne faut que se représenter les jeux de la déesse Flore, et cette boucherie continuelle des gladiateurs, pour sentir l'énorme différence que l'Évangile a mise entre nous et les païens; le dernier des

chrétiens, honnête homme, est plus moral que le premier des philosophes de l'antiquité.

«Enfin, dit Montesquieu, nous devons au christianisme, et dans le gouvernement un certain droit politique, et dans la guerre un certain droit des gens que la nature humaine ne sauroit assez re

connoître.

« C'est ce droit qui fait que, parmi nous, la victoire laisse aux peuples vaincus ces grandes choses, la vie, la liberté, les lois, les biens, et toujours la religion, quand on ne s'aveugle pas soimême'. »

Ajoutons, pour couronner tant de bienfaits, un bienfait qui devroit être écrit en lettres d'or dans les annales de la philosophie: L'ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.

CHAPITRE XII.

Récapitulation générale.

Ce n'est pas sans éprouver une sorte de crainte que nous touchons à la fin de notre ouvrage. Les graves idées qui nous l'ont fait entreprendre, la dangereuse ambition que nous avons eue de déterminer, autant qu'il dépendoit de nous, la question sur le christianisme, toutes ces considérations nous alarment. Il est difficile de découvrir jusqu'à quel point Dieu approuve que les hommes prennent dans leurs débiles mains la cause de son éternité, se fassent les avocats du Créateur au tribunal de la créature, et cherchent à justifier, par des raisons humaines, ces conseils qui ont donné naissance à l'univers. Ce n'est donc qu'avec une défiance extrême, trop motivée par l'insuffisance de nos talents, que nous offrons ici la récapitulation générale de cet ouvrage.

Toute religion a des mystères; toute la nature est un secret. Les mystères chrétiens sont les plus beaux possibles; ils sont l'archétype du système de l'homme et du monde.

Les sacrements sont une législation morale, et des tableaux pleins de poésie.

La foi est une force, la charité un amour, l'espérance toute une félicité, ou, comme parle la religion, toute une vertu.

Les lois de Dieu sont lé code le plus parfait de la justice naturelle.

La chute de notre premier père est une tradition universelle. On peut en trouver une preuve nouvelle dans la constitution 1 Esprit des Lois, liv. xxiv, chap. II.

de l'homme moral, qui contredit la constitution générale des êtres. La défense de toucher au fruit de science est un commandement sublime, et le seul qui fût digne de Dieu.

Toutes les prétendues preuves de l'antiquité de la terre peuvent être combattues.

Dogme de l'existence de Dieu, démontré par les merveilles de l'univers; dessein visible de la Providence dans les instincts des animaux; enchantement de la nature.

La seule morale prouve l'immortalité de l'ame. L'homme desire le bonheur, et il est le seul être qui ne puisse l'obtenir : il y a donc une félicité au delà de la vie; car on ne desire point ce qui n'est pas.

Le système de l'athéisme n'est fondé que sur des exceptions: ce n'est point le corps qui agit sur l'ame, c'est l'ame qui agit sur le corps. L'homme ne suit point les règles générales de la matière; il diminue où l'animal augmente.

L'athéisme n'est bon à personne, ni à l'infortuné auquel il ravit l'espérance, ni à l'heureux dont il dessèche le bonheur, ni au soldat qu'il rend timide, ni à la femme dont il flétrit la beauté et la tendresse, ni à la mère qui peut perdre son fils, ni aux chefs des hommes qui n'ont pas de plus sûr garant de la fidélité des peuples que la religion.

Les châtiments et les récompenses que le christianisme dénonce ou promet dans une autre vie s'accordent avec la raison et la nature de l'ame.

En poésie, les caractères sont plus beaux et les passions plus énergiques sous la religion chrétienne qu'ils ne l'étoient sous le polythéisme. Celui-ci ne présentoit point de partie dramatique, point de combats des penchants naturels et des vertus.

La mythologie rapetissoit la nature; et les anciens, par cette raison, n'avoient point de poésie descriptive. Le christianisme rend au désert et ses tableaux et ses solitudes.

Le merveilleux chrétien peut soutenir le parallèle avec le merveilleux de la fable. Les anciens fondent leur poésie sur Homère, et les chrétiens sur la Bible; et les beautés de la Bible surpassent les beautés d'Homère.

C'est au christianisme que les beaux-arts doivent leur renaissance et leur perfection.

En philosophie, il ne s'oppose à aucune vérité naturelle. S'il a quelquefois combattu les sciences, il a suivi l'esprit de son siècle et l'opinion des plus grands législateurs de l'antiquité.

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