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Voltaire avance quelque part que nous avons la plus méchante copie de toutes les TRADITIONS sur l'origine du monde, et sur les éléments physiques et moraux qui le composent. Préfère-t-il donc la cosmogonie des Égyptiens, le grand œuf ailé des prêtres de Thèbes ? Voici ce que débite gravement le plus ancien des historiens après Moïse :

Le principe de l'univers étoit un air sombre et tempétueux, un vent fait d'un air sombre et d'un turbulent chaos. Ce principe étoit sans bornes, et n'avoit eu, pendant longtemps, ni limite, ni figure. Mais quand ce vent devint amoureux de ses propres principes, il en résulta une mixtion, et cette mixtion fut appelée desir

ou amour.

« Cette mixtion, étant complète, devint le commencement de toutes choses; mais le vent ne connoissoit point son propre ouvrage, la mixtion. Celle-ci engendra à son tour avec le vent son père, môt ou le limon, et de celui-ci sortirent toutes les générations de l'univers 2. »

Si nous passons aux philosophes grecs, Thalès, fondateur de la secte ionique, reconnoissoit l'eau comme principe universel3. Platon prétendoit que la Divinité avoit arrangé le monde, mais qu'elle n'avoit pu le créer 4. Dieu, dit-il, a formé l'univers d'après le modèle existant de toute éternité en lui-même 5. Les objets visibles ne sont que les ombres des idées de Dieu, seules véritables substances 6. Dieu fit en outre couler un souffle de sa vie dans les êtres. Il en composa un troisième principe à la fois esprit et matière, et ce principe est appelé l'ame du monde 7.

Aristote raisonnoit comme Platon sur l'origine de l'univers; mais il imagina le beau système de la chaîne des êtres, et, remontant d'action en action, il prouva qu'il existe quelque part un premier mobile &.

Zénon soutenoit que le monde s'arrangea par sa propre énergie; que la nature est ce tout qui comprend tout; que ce tout se compose de deux principes, l'un actif, l'autre passif, non existant séparés, mais unís ensemble; que ces deux principes sont soumis à un troisième, la fatalité; que Dieu, la matière, la fatalité, ne font qu'un; qu'ils composent à la fois les roues, le mouvement,

Hérod., lib. II; Diod. Sic. -⚫ Sanch. ap. Euseb., Præpar. Evang., lib. 1, cap. 10. 3 Cic., de Nat. Deor., lib. 1, n. 25.

4 Tim., pag. 28; Diog. Laert., lib. III; Plut., de Gen. Anim., pag. 78.

5 Plat., Tim.. pag. 29.

6 Id., Rep., lib. vII, pag. 516,

- 7 In Tim., pag. 54.

a Arist., đẻ đèn. 4n., lib. 2, Cap.5, Mét., lib. xì, cap. 5; De Cal., lib, xi, cấp. 5, etc.

les lois de la machine, et obéissent comme parties aux lois qu'ils dictent comme tout 1.

Selon la philosophie d'Épicure, l'univers existe de toute éternité. Il n'y a que deux choses dans la nature, le corps et le vide". Les corps se composent de l'agrégation de parties de matière infiniment petites, les atomes, qui ont un mouvement interne, la gravité leur révolution se feroit dans le plan vertical, si, par une loi particulière, ils ne décrivoient une ellipse dans le vide 3. Épicure supposa ce mouvement de déclinaison, pour éviter le système des fatalistes, qui se reproduiroit par le mouvement perpendiculaire de l'atome. Mais l'hypothèse est absurde; car si la déclinaison de l'atome est une loi, elle est de nécessité; et comment une cause obligée produira-t-elle un effet libre?

La terre, le ciel, les planètes, les étoiles, les plantes, les minéraux, les animaux, en y comprenant l'homme, naquirent du concours fortuit de ces atomes; et lorsque la vertu productive du globe se fut évaporée, les races vivantes se perpétuèrent par la génération 4.

Les membres des animaux, formés au hasard, n'avoient aucune destination particulière : l'oreille concave n'étoit point creusée pour entendre, l'œil convexe arrondi pour voir; mais, ces organes se trouvant propres à ces différents usages, les animaux s'en servirent machinalement et de préférence à un autre sens 5.

Après l'exposition de ces cosmogonies philosophiques, il seroit inutile de parler de celles des poëtes. Qui ne connoît Deucalion et Pyrrha, l'âge d'or et l'âge de fer? Quant aux traditions répandues chez les autres peuples de la terre, dans l'Inde un éléphant soutient le globe; le soleil a tout fait au Pérou ; au Canada le grand lièvre est le père du monde ; au Groënland l'homme est sorti d'un coquillage; enfin la Scandinavie a vu naître Askus et Emla; Odin leur donna l'ame, Honerus la raison, et Lædur le sang et la beauté.

Askum et Emlam, omni conatu destitutos,

Animam nec possidebant, rationem nec habebant,
Nec sanguinem, nec sermonem, nec faciem venustam;
Animam dedit Odinus, rationem dedit Hœperus;
Lædur sanguinem addidit et faciem venustam 7.

Laert., lib. 5; Stob., Eccl. Phys., cap. 14; Senec., Consol., cap. 29; Cic., de Nat. Deor.; Anton., lib. vII.

2 Lucret., lib. 11; Laert., lib. x. - 3 Loco cit.

4 Lucret., lib. v-x; Cic., de Nat. Deor., lib. 1, cap. 8-9.

5 Lucret., lib. IV-V.

6 Vid. Hesiod., Ovid. ; Hist. of Hindost.; Herrera, Histor. de las Ind.; Charlevoix, Hist. de la Nouv. France; P. Lafit., Mœurs des Ind., Travel in Greenland by a Mission.

7 Bartholin., Ant. Dan.

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Dans ces diverses cosmogonies, on est placé entre des contes d'enfants et des abstractions de philosophes: si l'on étoit obligé de choisir, mieux vaudroit encore se décider pour les premiers.

Pour découvrir l'original d'un tableau au milieu d'une foule de copies, il faut chercher celui qui, dans son unité ou la perfection de ses parties, décèle le génie du maître. C'est ce que nous trouvons dans la Genèse, original de ces peintures reproduites dans les traditions des peuples. Quoi de plus naturel, et cependant de plus magnifique, quoi de plus facile à concevoir et de plus d'accord avec la raison de l'homme, que le Créateur descendant dans la nuit antique pour faire la lumière avec une parole? Le soleil, à l'instant, se suspend dans les cieux, au centre d'une immense voûte d'azur; de ses invisibles réseaux il enveloppe les planètes, et les retient autour de lui comme sa proie; les mers et les forêts commencent leurs balancements sur le globe, et leurs premières voix s'élèvent pour annoncer à l'univers ce mariage de qui Dieu sera le prêtre, la terre le lit nuptial, et le genre humain la postérité.

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CHAPITRE II.

Chute de l'homme; le Serpent; un mot hébreu.

ON est saisi d'admiration à cette autre vérité marquée dans les Écritures: L'homme mourant pour s'être empoisonné avec le fruit de vie; l'homme perdu pour avoir goûté au fruit de science, pour avoir su trop connoître et le bien et le mal, pour avoir cessé d'être comme l'enfant de l'Évangile. Qu'on suppose toute autre défense de Dieu, relative à un penchant quelconque de l'ame; que deviennent la sagesse et la profondeur de l'ordre du TrèsHaut? Ce n'est plus qu'un caprice indigne de la Divinité, et aucune moralité ne résulte de la désobéissance d'Adam. Toute l'histoire du monde, au contraire, découle de la loi imposée à notre premier père. Dieu a mis la science à sa portée il ne pouvoit la lui refuser, puisque l'homme étoit né intelligent et libre: mais il lui prédit que, s'il veut trop savoir, la connoissance des choses sera sa mort et celle de sa postérité. Le secret de l'existence politique et morale des peuples, les mystères les plus

1 Les Mémoires de la Société de Calcutta confirment les vérités de la Génése. Ils nous montrent la mythologie partagée en trois branches, dont l'une s'étendait aux Indes, l'autre en Grèce, et la troisième chez les Sauvages de l'Amérique septentrionale; enfin cette mythologie venant se rattacher à une plus ancienne tradition, qui est celle même de Moïse. Les voyageurs modernes aux Indes trouvent partout des traces des faits rapportés dans l'Écritures après en avoir longtemps contesté l'authenticité, on est obligé de la reconnoître.

profonds du cœur humain sont renfermés dans la tradition de cet arbre admirable et funeste.

Or, voici une suite très merveilleuse à cette défense de la sagesse. L'homme tombe, et c'est le démon de l'orgueil qui cause sa chute. L'orgueil emprunte la voix de l'amour pour le séduire, et c'est pour une femme qu'Adam cherche à s'égaler à Dieu : profond développement des deux premières passions du cœur, la vanité et l'amour.

Bossuet, dans ses Élévations à Dieu, où l'on retrouve souvent l'auteur des Oraisons funèbres, dit, en parlant du mystère du serpent, que « les anges conversoient avec l'homme, en telle forme que Dieu permettoit, et sous la figure des animaux. Ève donc ne fut point surprise d'entendre parler le serpent, comme elle ne le fut pas de voir Dieu même paroître sous une forme sensible. » Bossuet ajoute : « Pourquoi Dieu détermina-t-il l'ange superbe à paroître sous cette forme plutôt que sous une autre? Quoiqu'il ne soit pas nécessaire de le savoir, l'Écriture nous l'insinue, en disant que le serpent étoit le plus fin de tous les animaux, c'est-à-dire celui qui représentoit mieux le démon dans sa malice, dans ses embûches, et ensuite dans son supplice.

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Notre siècle rejette avec hauteur tout ce qui tient de la merveille; mais le serpent a souvent été l'objet de nos observations; et, si nous osons le dire, nous avons cru reconnoître en lui cet esprit pernicieux et cette subtilité que lui attribue l'Écriture. Tout est mystérieux, caché, étonnant dans cet incompréhensible reptile. Ses mouvements diffèrent de ceux de tous les autres animaux; on ne sauroit dire où gît le principe de son déplacement; car il n'a ni nageoires, ni pieds, ni ailes, et cependant if fuit comme une ombre, il s'évanouit magiquement, il reparoît, et disparoît encore, semblable à une petite fumée d'azur, ou aux éclairs d'un glaive dans les ténèbres. Tantôt il se forme en cercle et darde une langue de feu; tantôt, debout sur l'extrémité de sa queue, il marche dans une attitude perpendiculaire, comme par enchantement. Il se jette en orbe, monte et s'abaisse en spirale, roule ses anneaux comme une onde, circule sur les branches des arbres, glisse sous l'herbe des prairies, ou sur la surface des eaux. Ses couleurs sont aussi peu déterminées que sa marche; elles changent aux divers aspects de la lumière, et, comme ses mouvements, elles ont le faux brillant et les variétés trompeuses de la séduction.

Plus étonnant encore dans le reste de ses mœurs, il sait,

ainsi

qu'un homme souillé de meurtres, jeter à l'écart sa robe tachée de sang, dans la crainte d'être reconnu. Par une étrange faculté, il peut faire rentrer dans son sein les petits monstres que l'amour en a fait sortir. It sommeille des mois entiers, fréquente des tombeaux, habite des lieux inconnus, compose des poisons qui glacent, brûlent ou tachent le corps de sa victime des couleurs dont il est lui-même marqué. Là, il lève deux têtes menaçantes; ici, il fait entendre une sonnette : il siffle comme un aigle de montagne ; il mugit comme un taureau. Il s'associe naturellement aux idées morales ou religieuses, comme par une suite de l'influence qu'il eut sur nos destinées : objet d'horreur ou d'adoration, les hommes ont pour lui une haine implacable, ou tombent devant son génie; le mensonge l'appelle, la prudence le réclame, l'envie le porte dans son cœur, et l'éloquence à son caducée. Aux enfers, il arme les fouets des furies; au ciel, l'éternité en fait son symbole. Il possède encore l'art de séduire l'innocence; ses regards enchantent les oiseaux dans les airs; et, sous la fougère de la crèche, la brebis lui abandonne son lait. Mais il se laisse lui-même charmer par de doux sons; et, pour le dompter, le berger n'a besoin que de sa flûte.

Au mois de juillet 1791, nous voyagions dans le Haut-Canada, avec quelques familles sauvages de la nation des Onontagués. Un jour que nous étions arrêtés dans une grande plaine, au bord de la rivière Génésie, un serpent à sonnettes entra dans notre camp. Il y avoit parmi nous un Canadien qui jouoit de la flûte; il voulut nous divertir, et s'avança contre le serpent, avec son arme d'une nouvelle espèce. A l'approche de son ennemi, le reptile se forme en spirale, aplatit sa tête, enfle ses joues, contracte ses lèvres, découvre ses dents empoisonnées et sa gueule sanglante; il brandit sa double langue comme deux flammes; ses yeux sont deux charbons ardents; son corps, gonflé de rage, s'abaisse et s'élève comme les soufflets d'une forge; sa peau, dilatée, devient terne et écailleuse; et sa queue, dont il sort un bruit sinistre, oscille avec tant de rapidité, qu'elle ressemble à une légère vapeur.

Alors le Canadien commence à jouer sur sa flûte; le serpent fait un mouvement de surprise, et rejette la tête en arrière. A mesure qu'il est frappé de l'effet magique, ses yeux perdent leur âpreté; les vibrations de sa queue se ralentissent, et le bruit qu'elle fait entendre s'affoiblit et meurt peu à peu. Moins perpendiculaires sur leur ligne spirale, les orbes du serpent charmé s'élar

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