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attention, qu'il me soit permis, Messieurs, pour vous la faire apparaître plus merveilleuse, de vous rappeler les périls auxquels fut exposée sa longévité et que de nouvelles recherches dans ses archives viennent seulement de mettre en lumière.

La première moitié du xvIe siècle est l'âge d'or de l'Université de Louvain. Elle ne cède le pas à aucune autre, écrit Erasme, si ce n'est à celle de Paris! Au dernier

quart de ce même siècle, elle se voit menée au bord de l'abîme par la lutte politico-religieuse déchaînée par les Calvinistes contre l'Eglise catholique et Philippe II qui s'en était fait le défenseur.

Tandis que les troupes orangistes ou les soldats français du Duc d'Alençon rançonnent les environs de Louvain et tentent des coups de main répétés contre la ville, la garnison espagnole qui y est hébergée depuis 1578, toujours mal payée et toujours mutinée, moleste et dépouille les habitants, incendie les Collèges, rend la vie d'étude impossible. Bientôt les pédagogies se ferment; les salles de cours sont désertes; les finances de l'Université épuisées et ses professeurs réduits à la misère. En 1583, l'Alma Mater délibère sur sa dissolution!

Le gouvernement réparateur des Archiducs Albert et Isabelle lui rendit la sécurité et une part de sa splendeur. Durant les vingt premières années du xvIIe siècle, l'humanisme et les études de droit refleurissent. Juste Lipse donne le chiffre, exagéré peut-être, de sept à huit mille étudiants. Mais à peine nos provinces sont-elles rentrées sous l'obédience directe des monarques espagnols, que les épreuves recommencent. De 1648 à 1715, c'est à nouveau une crise mortelle ! Pendant les luttes soutenues par la Ligue d'Augsbourg contre la France et pendant la guerre de la succession d'Espagne, le fracas des armes domine à Louvain; les locaux universitaires sont transformés en casernes; la vie intellectuelle s'éteint. A la fin du xvie

siècle, le Studium Lovaniense est réduit à des conditions. aussi lamentables que cent ans auparavant.

Le salut vient avec la politique énergique des Habsbourgs d'Autriche, à partir de 1713. Mais le sauveur ne tarda pas à profiter de la décadence de l'institution, décadence générale dans les universités du XVIIIe siècle, pour se transformer en oppresseur. L'opposition de l'Alma Mater à ses tendances centralisatrices et fébroniennes va s'accentuant. Elle est encore vraiment belle dans cette lutte! Sous Joseph II, c'est la persécution! L'empereur sacristain en vient à ordonner le transfert des Facultés louvanistes à Bruxelles « sous l'œil vigilant du Gouvernement »>!

La Révolution brabançonne les ramène à Louvain, en 1790.

Et depuis cinq ans, l'Université respirait dans l'usage de ses privilèges reconquis, lorsque soudain les armées de la Révolution française envahirent les Pays-Bas autrichiens. En octobre 1797, une ordonnance de l'Administration du Département de la Dyle supprimait brutalement l'institution coupable de se refuser à brûler ce qu'elle adorait !

Voilà ses bâtiments exposés en vente publique ou transformés en succursales de l'Hôtel des Invalides, son Recteur déporté à Cayenne, ses maîtres dispersés ! Mais, dans la tourmente, ceux-ci ne se rendent point. Ils prétendent constituer toujours le vieux corps universitaire. Le foyer est éteint ; ils le rallumeront au premier jour! Dès 1810, on les entend plaider la cause de l'Alma Mater auprès de Napoléon, par la bouche de Mgr de Broglie, évêque de Gand. Lors de l'effondrement de l'Empire, par un acte signé ici-même, le 27 mai 1814, ils donnent procuration à deux d'entre eux, afin, disentils, « de faire tous les devoirs requis pour obtenir mainlevée de tout obstacle qui pourrait empêcher ou retarder le libre exercice de l'enseignement dans la dite université,

conformément à sa constitution, ses droits et ses privilèges ». Ce n'est pas pour une morte, mais pour une victime dépouillée qu'ils parlent! Les démarches se multiplient auprès des gouverneurs généraux du pays, de l'Empereur François II et de Metternich, du Pape et de son Légat à Vienne, des plénipotentiaires du Congrès, et, au lendemain de celui-ci, auprès de Guillaume I, Prince-Souverain du Royaume-Uni des Pays-Bas. Peine perdue! En 1816, ce ne fut pas le vieux corps brabançon, à caractère miecclésiastique, qui fut rétabli à Louvain; on y créa une Université d'Etat dans laquelle les fils de celle qui avait toujours été, même après la Visite de 1617, un Etat dans l'Etat, ne retrouvaient ni l'esprit, ni la figure de leur mère. Il ne restait plus qu'à ne pas laisser mourir leur idéal, et ils y réussirent. Dès que, au lendemain de la Révolution de 1830, la liberté d'enseignement fut proclamée dans la Constitution belge, de tous les points. du pays se firent entendre les appels à l'ouverture d'une Université libre et catholique, et, dès le premier jour, c'est à Louvain, dans son siège traditionnel, qu'on la veut! Si, en 1834, les Evêques belges se décident à l'inaugurer à Malines à cause de la présence à Louvain des Facultés de l'Etat, il est formellement déclaré que cet établissement n'est que provisoire. L'année suivante, l'obstacle étant disparu, le transfert se fait aussitôt de Malines à Louvain. La vieille Alma Mater, cette fois, rouvre ses portes; elle n'avait été que fermée par la force; et son premier Recteur se mettait sans retard à en ressusciter l'une après l'autre toutes les traditions.

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En 1835, notre Université se relève donc, Messieurs, fille de la liberté, sans aucune aide officielle, par une initiative énergique et puissante des catholiques belges. Libre, dégagée des entraves administratives, elle peut rapidement et avec souplesse s'adapter à toutes les exigences du développement intellectuel de notre peuple et répondre à tous les appels du progrès scientifique.

Placée au confluent des courants intellectuels latin et germanique et, par la nature même de sa population qu'elle recrute également dans la partie flamande et la partie wallonne du pays, constamment mêlée à ces deux courants, elle peut devenir un foyer intense de vie d'étude où les méthodes se combinent dans un mélange original. Après quatre-vingt-douze ans d'usage de cette liberté, sommes-nous autorisés à penser que nous avons répondu à notre vocation et porté dignement la gloire de nos ancêtres ?

A cette question, ce n'est pas à nous de répondre ; il nous faut nous en référer à l'appréciation de juges désintéressés.

C'est le pays belge d'abord qui nous rend témoignage par la confiance que nous ont montrée les familles. Prenez les statistiques de l'enseignement supérieur en Belgique, sous le régime de la loi qui, depuis 1891, régit cet enseignement. Elles s'étendent jusqu'à l'exercice 19241925. Vous y constaterez que, pendant ces vingt-neuf années, l'Université de Louvain a reçu 38 % des inscriptions prises par les étudiants belges dans l'ensemble des universités du pays (soit 64.921 sur 171.260). Sa population, qui était de 1706 étudiants en 1891-1892, s'est élevée à 3412 en 1924-1925. Pendant la période indiquée, elle a délivré 37,50 % des diplômes finals conférés dans le pays conformément aux programmes tracés par la loi (soit 6.701 sur 17.833), et elle a de plus conféré 2.497 diplômes finals selon les multiples programmes qu'elle a elle-même composés en dehors des cadres légaux. Depuis 1892, les quatre Facultés que, d'après l'article 32 de la loi, elle doit comprendre pour être considérée comme université, ont fourni à la Belgique 38,9 % de ses docteurs en droit, 45,1 % de ses candidats notaires, 40,2 % de ses médecins, 37,9 % de ses pharmaciens, 43,4 % de ses docteurs en philosophie et lettres, 30,7 % de ses docteurs en sciences.

Du pays nous vient un second témoignage, qui se rapporte exclusivement à l'intensité et à la valeur du travail scientifique fourni par l'Alma Mater celui des jurys universitaires constitués par le Gouvernement pour la collation des bourses de voyage. Pendant la période dont je viens de parler, 38 % des bourses réservées aux porteurs de diplômes légaux ont été conférées à des étudiants de notre Université (soit 146 sur 385). Sa part est beaucoup plus grande encore dans les bourses accordées aux porteurs de diplômes non prévus par la loi; celles-ci s'élèvent à 78,4 % (29 sur 37), et c'est une preuve éclatante de la fécondité des initiatives que lui a permises l'usage de la liberté !

Est-ce blesser la modestie, Messieurs les délégués des Universités étrangères, de trouver, dans votre présence ici, la confirmation des jugements de nos concitoyens par les institutions scientifiques qui vous ont envoyés à ces fêtes ?

Or, Messieurs, si vous estimez notre Université digne de prendre place, à côté des vôtres, dans le concert international des établissements d'enseignement supérieur, si, en parcourant ces jours-ci ses installations, vous la trouvez complète et douée de plus d'une organisation originale, si les chantiers sur lesquels nous nous excusons de devoir vous introduire, vous révèlent sa volonté de se développer sans cesse, la reconnaissance nous oblige, en cette circonstance solennelle, à attirer ou à rappeler votre attention sur ce fait que, telle qu'elle se présente à vous, l'Alma Mater de Louvain est tout entière l'œuvre de l'Episcopat belge. Privée depuis la Révolution française des revenus que les siècles lui avaient assurés, elle a dû, pendant près de quatre-vingt-dix ans, demander à la générosité des catholiques de ce pays, éclairée et provoquée par leurs Evêques, toutes les ressources nécessaires à son existence et à son évolution incessante, en attendant d'être aidée dans sa tâche, au lendemain de la guerre,

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