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âge. On a remarqué très justement qu'au moment même où Guinizelli et ses premiers disciples rimaient, Bologne avait vu se succéder récemment dans ses chaires théologiques Maître Albert le Grand, et saint Thomas d'Aquin1. Le Doux Style nouveau est né à Bologne, auprès de l'Université, -on pourrait presque dire, au pied de la chaire où enseignait l'Ange de l'École.

A côté des influences dominicaines si évidentes, il faut naturellement, dans la formation de la nouvelle école poëtique, faire place aux influences franciscaines. Là, comme en beaucoup de points de l'histoire morale de l'Italie, les deux influences se sont rencontrées et confondues; le baiser mystique de François et de Dominique s'est échangé une fois de plus. On sait comment, dans la Divine Comédie, Dante, toujours juste en ses jugements, et critique précis, a réparti également et justement balancé, si je puis dire, le mérite entre François et Dominique. Pour ignorer ici l'influence francis

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St Thomas

1. Je noterai en son temps certaines idées de la V. N. qui ont rapport aux doctrines d'Albert le Grand. - Cf. BERTONI, loc. cit. et SALVADORI: Sulla vita giovanile di D. (Rome, 1907). achevait, en 1269, à Bologne la partie morale de la Somme. Les nouveaux interprètes de D., et surtout Flamini, ont montré quelle place le Thomisme tient dans sa pensée. Pour interpréter la V. N., en maints passages où il s'agit d'amour, d'appétit (désir) et de vertu, on se souviendra avec utilité par exemple de cette définition de St Thomas: Amor significat coaptationem quandam appetitivæ virtutis ad aliquod bonum.

caine, il faudrait ignorer et les attaches probables de Dante en sa jeunesse au tiers ordre franciscain, et la poësie franciscaine tout entière. Il faudrait, alors qu'on veut parler d'idéal féminin dans la béatitude chrétienne, oublier sainte Claire d'Assise.

Et d'ailleurs, dans l'Italie du xí° siècle, l'air qu'on respire est franciscain. Pour entendre la doctrine de la poësie qui nous occupe, tenons compte avant tout de l'enseignement des chaires bolonaises aux environs de 1270; pour en comprendre la forme, n'oublions pas le suave naturalisme de la langue et de la pensée franciscaine.

Le Doux Style n'était pas de nature à connaître la popularité; loin de là. Aux jours même où Guinizelli chantait, il arriva à un bien petit nombre de poëtes d'avoir l'âme assez délicate pour le comprendre et l'imiter. Le mystique bolonais n'eut pas beaucoup plus de disciples qu'il n'avait eu de compagnons : le culte de la vie intérieure est toujours réservé aux moins nombreux. Les beati pauci du Doux Style nouveau se comptent aisément sur les doigts ; ils ne sont guère qu'une dizaine en tout, jusqu'à Guido Cavalcanti à Florence, et par lui jusqu'à Dante; auprès de lui, on citera Cino da Pistoja, dont on peut proposer de faire le chaînon par lequel (de loin, de très loin), François Pétrarque pourra luimême se relier à cette école d'idéal.

En fait le Doux Style nouveau aboutit à Dante et se

conclut en lui1. Il en arrive ainsi souvent dans l'histoire des arts et des lettres, par l'effet d'un génie souverain : une école trouve en lui à la fois son couronnement et sa fin, comme ces plantes qui meurent tout entières après qu'elles ont une fois fleuri. Tel fut bien le sort du Doux Style nouveau; il a inspiré à Dante ses premiers poëmes, puis la Vita Nova; mais la Vita Nova c'est déjà la Divine Comédie, par l'action toutepuissante de laquelle se répandra sur le monde et dans les siècles le trésor de poësie qui s'était formé, presque ignoré, dans les petits cercles bien fermés de Bologne et de Florence.

Dans les poëmes de la Vita Nova on retrouvera presque tous les éléments de pensée que nous avons notés dans les poëmes du Doux Style. Dans tous, le symbolisme religieux et philosophique a une part plus ou moins grande. Tous se rattachent, plus ou moins, au style de l'école de Bologne. « Plus ou moins », dis-je, et cette réserve s'impose d'elle-même. Peu à peu

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1. Je parle ainsi de façon générale et sans ignorer que l'on peut trouver encore après D., çà et là, quelques fidèles attardés du Doux Style, lesquels n'ont pu faire que l'école qu'ils aimaient ne fût pas bien et définitivement close. Cf. notamment: FLAMINI, L'imitazione di D. e dello STIL NUOVO nelle rime di CINO RINUCCINI. (dans l'ALIGHIERI, 1890).

seulement, comme il était naturel, les influences mystiques et symboliques exercèrent sur Dante leur action. Elles s'y développèrent surtout par l'action de Cavalcanti. On aperçoit très vite le jour où la poësie, l'amitié, l'amour, si réels soient-ils, ne se représentent plus à lui que dans leur sens d'allégorie. Tout le monde se rappelle le célèbre sonnet du vaisseau (Guido vorrei): Dante, Guido, des amis, des dames, pour vivre à tout jamais dans le même désir et la même volonté, pour toujours parler d'amour, doivent tous s'embarquer ensemble sur des ondes, qui ne sont pas, croyez-le, un banal Fleuve du Tendre, mais la mer illimitée et éternelle de la pensée.

Dans cet état d'esprit, Dante a fait des vers pour sa Dame, et puis cette Dame est morte, et l'âpre réalité de la mort a porté son amour à se transformer de plus en plus en la pensée et la science des vérités éternelles. Poëte toujours, il a chanté en vers cette nouvelle évolution de ses amours mystiques. Tous ses vers sont bien l'œuvre d'un poëte de l'Ecole du Doux Style, cela est certain. Mais il nous faut voir maintenant comment il va se distinguer de ses premiers maîtres bolonais, de Cavalcanti et de tous les autres. Je voudrais montrer quelle est la grande originalité de sa première œuvre.

Un jour est venu où il reprit en main tous les poëmes amoureux de sa jeunesse ; il mit à part ceux qui lui parurent pouvoir rentrer dans des cadres où il voulait les enchâsser. Un certain nombre figureront

plus tard dans son traité philosophique, le Convivio. Il prit les plus juvéniles pour en faire un livre qu'il appel· lerait: La Jeunesse, Vita Nova.

Réunir et coordonner des poésies n'était pas une nouveauté. Il est resté du moyen-âge un grand nombre de ces collections que l'on nomme en Italie Canzonieri. Il n'est pas rare qu'un Canzoniere soit classé suivant une certaine logique formelle, fondée par exemple sur la similitude des sujets.

Ce n'était pas non plus une nouveauté absolue que de commenter des poëmes, les gloser, comme on disait, expliquer les circonstances de fait et de pensée qui leur avaient donné naissance. Des poëmes, surtout de la langue d'oc, nous sont souvent parvenus dans les manuscrits, accompagnés de récits plus ou moins longs qui les motivent aux yeux du lecteur; c'est ce que l'on appelle la raison du poëme, en provençal razo, et ragione en italien 1.

Mais voici la véritable innovation.

1. On verra, dans la Vita Nova, l'usage que Dante fait de ce mot ragione, que l'on pourrait traduire en français : argument. Les razos qui accompagnent les poëmes des anciens troubadours n'ont pas toujours pour auteurs ces troubadours eux-mêmes, mais souvent des commentateurs ou biographes. Quoiqu'il en soit, D. connaissait certaines de ces razos. Il semble que celles qui accompagnent les œuvres de Bertran de Born ont été spécialement imitées par lui. Cf. BERTONI, loc. cit. et M. SCHERILLO, Bertram dal Bornio. Rome, 1897.

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