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Maurice Denis, par ses peintures, a donné de la Vita Nova un commentaire si approprié, si pénétré de foi et et de poésie, de sentiment dantesque, toscan et médiéval, que c'est une pure merveille à voir. Le malheur est que si peu la pourront voir parmi ceux qui en jouiraient dignement. C'est peut-être le propre d'œuvres d'art semblables d'être choses rares et réservées, et il vaut mieux sans doute qu'il en soit ainsi.

Les premiers dessins de Maurice Denis, exposés à la galerie Druet, avaient attiré très vivement l'attention. Une société de bibliophiles artistes, « le Livre contemporain », conçut le projet de les faire graver et publier en une édition de luxe avec le texte et la traduction de la Vita Nova. Cette édition singulière est imprimée par l'Imprimerie nationale, sur un très beau papier, avec ces merveilleux caractères italiques que dessina jadis l'artiste Claude Garamond. Les dessins de Maurice Denis ont été gravés en couleur par le délicat graveur Jacques Beltrand. Les effets qu'il a pu obtenir, aussi bien pour la délicatesse que la fraicheur des tons, sont vraiment miraculeux; jamais l'art difficile de la gravure sur bois n'avait produit rien de semblable1.

1. Les cent membres de la Société possèdent chacun un exemplaire; les artistes et les collaborateurs en ont reçu un très petit nombre en don; quatre ont été mis en vente. La Société « le Livre contemporain », par un sentiment qui l'honore, a voulu qu'un exemplaire au moins de cette admirable et rare édition fut mis

Au point de vue typographique l'édition est un chefd'œuvre tant pour la beauté du papier, que pour la netteté et le ton du tirage. Les difficultés à vaincre étaient très grandes, au point de vue de la composition des pages, et pour faire de chacune d'elles en elle-même, une véritable œuvre d'art, d'un équilibre juste et agréable à l'œil; le problème était celui-ci : arriver à imprimer, vis-à-vis l'un de l'autre, un texte et une traduction, de dimension nécessairement inégale, alternativement en prose et en vers, et enfin y enchâsser les dessins, grands et petits, et les lettres ornées. A combien d'obstacles se heurte une pareille entreprise; quel goût délicat, quelle ingénieuse patience y doivent être pratiqués, c'est ce que seuls peuvent savoir ceux qui se sont appliqués à la composition d'un pareil livre d'art; c'est un vrai casse-tête. Combien de recherches, d'essais, ne dut-on pas traverser, de doutes aussi et de découragements! Mais quelle constante bonne volonté n'y apporta-t-on pas, et quelle gracieuse bonne humeur! Ce fut pour tous, et ce reste pour moi, un bon et aimable souvenir1.

sous les yeux du public lettré et artiste d'Italie: elle a fait hommage d'un exemplaire à la BIBLIOTHÈQUE NATIONALE VICTOREMMANUEL, à Rome. J'ai eu l'honneur et la joie de remettre moimême le précieux chef-d'œuvre aux mains de M. le comte Gnoli, Préfet de la Bibliothèque, le mardi 9 juin 1908.

1. Si l'on put arriver au but il en faut savoir gré, outre aux deux rares artistes Maurice Denis et Jacques Beltrand, aux

Mais encore j'y trouvai grand profit. Afin que mon modeste travail put servir à constituer une pareille œuvre d'art, il fallut l'en rendre tout à fait digne. En examinant à nouveau avec mes amis ma simple et naïve traduction, il nous arriva de la trouver un peu rude et dure, el je me convainquis vite qu'il y avait à lui donner un peu plus d'aisance. Cependant, pour pousser plus loin l'étude, quelque chose me manquait, et c'était de voir mon texte imprimé. Chacun sait combien les phrases changent d'aspect en passant de l'écriture à la typographie; mais cela est surtout vrai d'une œuvre où tout le mérite presque réside dans la valeur et la figure des mots, comme est la traduction d'un texte ancien et difficile. Le secours qui nous était en ce point nécessaire nous vint d'une maison amie, la revue « l'Occident. » C'était bien là le laboratoire de poésie et d'esthétique dont nous avions besoin pour

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maîtres qui dirigent les travaux de l'Imprimerie Nationale, mais aussi à celui qui centralisa tout le travail pour la Société « le Livre contemporain », à l'homme aimable et lettré, mon ami Gabriel Thomas. Pour renseigner les bibliophiles de l'avenir sur la genèse d'un pareil monument typographique, je dois noter qu'une intéressante édition ancienne fut prise comme type et point de départ des études. C'est un Térence latin-français du xvIe siècle, où la prose alterne avec les vers et où les deux textes disposés en colonnes doivent laisser place pourtant à des gravures sur bois. (LE GRANT THÉRENCE en françoys tant en Rime qu'en prose. = Paris, Guillaume de Bossozel, 1539.)

notre expérience. M. Adrien Mithouard m'ouvrit gracieusement la porte, et la première édition de ma traduction parut dans la collection de l'Occident1.

Je pus la retoucher encore profondément et arrêter la rédaction qui devint celle de l'édition de luxe.

Ayant cette rédaction devant les yeux, je me persuadai qu'elle valait la peine d'être offerte à d'autres encore qu'aux artistes raffinés qui l'avaient adoptée surtout comme légendes de belles œuvres d'art. Je crus qu'elle pouvait servir à donner en France une édition complète et commentée de la Vita Nova. Entre temps, en effet, il était arrivé qu'une édition critique du texte avait paru en Italie par les soins de l'érudit Michele Barbi. C'est là ce qui me décida à offrir mon travail à une classe plus nombreuse de lecteurs. En vue de celle dernière aventure, il a été encore une fois examiné, critiqué, retouché avec un effort complet et tout nouveau. Je pense bien qu'à peine sorti de mes mains, je lui trouverai de nouveaux défauts et me sentirai pris du désir de le corriger encore. Ce ne seront plus que des corrections très minutieuses. D'ensemble, je crois être arrivé aussi loin que je le puisse, et je sens que je ne saurais pousser les choses beaucoup plus avant. Donc, comme eut fait pour sa chanson

1. L'Occident, nos de mai, juin, juillet, août, septembre 1905. Tirage à part dans la Bibliothèque de l'OCCIDENT, in-8° de

62 pp.

E

un poète du XIIe siècle, je donne congé à mon travail, car le moment est venu.

Ceux à qui je l'envoie sont d'abord les lecteurs français. En ce pays de France, qui, au XIX° siècle, devança les autres dans les études dantesques, avec les Fauriel, les Ozanam et tant d'autres, l'amour de Dante a eu peine à devenir populaire dans le monde cultivé. Nous avons été bien surpassés en cet amour par les Allemands et surtout les Anglais. A l'heure qu'il est, à Paris (je prie quiconque d'en faire l'expérience), si un lecteur veut se procurer un texte quelconque de Dante, c'est aux libraires anglais qu'il lui faut recourir1.

Un libraire français intelligent veut avec moi courir

1. Il serait injuste de ne pas signaler l'effort heureux de M. Dejob pour donner au moins aux étudiants des choses italiennes de bons recueils de morceaux choisis (chez Delagrave). La nécessité de sérieuses éditions italiennes ne se fait que plus sentir, depuis l'heureuse institution de l'agrégation d'italien, obtenue en 1895, de la bonne volonté intelligente de Rambaud ministre de l'Instruction publique, à la suite d'efforts auxquels je suis fier d'avoir pris ma petite part. Depuis vingt ans les études Italiennes ont pris en France un essor actif sous l'influence de bons romanisants et italianisants, Nolhac, Pératé, Antoine Thomas, Durrieu, Léon Dorez, Jean Guiraud, Hauvette, Luchaire et tant d'autres. L'Université de Grenoble est devenue le centre de ces études, et elle a naguère heureusement essaimé : M. Julien Luchaire a eu la joie de voir inaugurer l'INSTITUT FRANÇAIS de Florence, laquelle semble comme une étape à moitié chemin entre la France et cette excellente ECOLE FRANÇAISE de Rome, qui a tant fait depuis trente ans pour les études Italiennes.

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