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longue barbe à moitié blanchie; ses cheveux, qui offroient également l'empreinte d'un grand âge, tomboient par flocons sur sa poitrine : les rayons des quatre étoiles sacrées réfléchissoient sur sa figure un éclat semblable à celui du soleil.

« Qui êtes-vous, vous qui, marchant contre le cours du fleuve des tourmens, avez fui la prison éternelle, dit le vieillard en agitant sa barbe vénérable? Qui vous a guidés? Qui a osé porter devant vous un flambeau téméraire pour vous aider à sortir de la profonde nuit dans laquelle est plongée à jamais la vallée de douleurs? Les lois de l'abîme sont-elles donc rompues? Le ciel a-t-il tellement changé ses augustes décrets, que vous autres ames condamnées vous puissiez approcher de ce séjour? » Alors mon guide me prit la main, et par ses signes, ses gestes et ses paroles, m'invita à saluer le vieillard et à m'agenouiller devant lui. Ensuite il lui répondit : << Je ne suis point venu ici de moi-même ; une femme descendue du ciel m'a prié de prendre celui-ci sous ma protection : puisque tu désires que nous expliquions plus clairement qui nous sommes, ma volonté ne peut contrarier la tienne. Mon compagnon n'a vu jamais sa dernière soirée; mais ses déréglemens l'avoient

tellement rendue prochaine, qu'il ne lui restoit plus qu'un très-court espace à parcourir dans la carrière de la vie. Comme je te l'ai dit déjà, je fus envoyé pour le délivrer, et il n'étoit pas d'autre chemin que celui où je me suis engagé. Je lui ai montré les supplices des coupables; maintenant je veux lui faire connoître les esprits qui se purifient sous tes ordres. Il seroit trop long de te raconter tout notre voyage. Du haut du ciel, une vertu protectrice m'aide à le conduire pour te voir et t'entendre. Daigne agréer son arrivée: il cherche la liberté, ce bien si précieux pour celui qui sait lui sacrifier sa vie. Tu m'entends, toi qui pour ce bien ne trouva pas la mort si redoutable à Utique où tu laissas tes dépouilles, qui seront si brillantes au grand jour du jugement. On n'a pas révoqué pour nous les décrets éternels. Mon compagnon est vivant: moi, je n'ai pas craint les replis funestes de la queue de Minos; j'habite le cercle où l'on admire les chastes yeux de ta chère Marcia qui semble encore, ô génie sublime! te conjurer de la reprendre pour épouse. Au nom de son amour, accorde-nous donc ton appui; laisse-nous pénétrer dans les sept divisions commises à ta garde: j'en rendrai grâces à Marcia, si tu permets que je

te rappelle à son souvenir. »-«< Marcia, repartit Caton, fut si chère à mes yeux, qu'elle obtint de moi toutes les grâces qu'elle me demanda, tant que je fus sur la terre. Maintenant qu'elle habite au-delà du fleuve inexorable, ses prières ne peuvent plus m'émouvoir : j'obéis à la loi qui me fut imposée quand je quittai les Limbes. Mais si une femme céleste t'anime et t'encourage comme tu le dis, il est inutile de recourir à ce ton de flatterie; il suffit de me parler au nom de la femme qui t'envoie: avance, fais à ton compagnon une ceinture de joncs dépouillés de leurs feuilles; lave sa figure; qu'elle ne porte plus aucune trace des vapeurs infernales il ne conviendroit pas qu'il parût couvert de ces taches impures devant le premier des ministres que tu vas voir, et qui est un des habitans des régions de la béatitude. Là bas, dans cet islot, à l'endroit où se brisent les flots de la mer. naissent des joncs entourés d'un limon épais : il ne peut y croître aucune autre plante ni aucun de ces arbustes ligneux qui ne plient pas sous les efforts de l'eau. Cependant, ne revenez pas de ce côté le sol qui s'élève vous montrera le point où vous devez gravir la montagne par un sentier moins pénible. »

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A ces mots le vieillard disparut. Je me levai sans parler, et je me tournai vers mon guide en fixant sur lui mes regards. Il commença ainsi : « Mon fils, suis mes pas; la plaine s'abaisse sensiblement de ce côté. »

Déjà l'aube chassoit l'heure du matin qui fuyoit devant elle, et de loin j'aperçus le mouvement onduleux de la mer. Nous avancions dans la plaine déserte, comme des hommes qui cherchent la bonne voie qu'ils ont perdue, et qui semblent marcher en vain jusqu'à ce qu'ils l'aient retrouvée. Quand nous parvînmes à un point où la rosée brave l'action du soleil à la faveur de l'ombre, mon guide posa doucement ses deux mains sur l'herbe. Alors, aussitôt que j'eus deviné son dessein, reconnoissant et attendri, j'approchai de lui mon visage, et il fit disparoître ces taches dont l'Enfer avoit souillé mes traits. Nous arrivâmes ensuite sur cette plage abandonnée où l'on ne vit jamais naviguer un homme qui puisse espérer de retourner sur la terre, et là il me fit une ceinture, ainsi que Caton l'avoit prescrit: mais, ô merveille! à peine eutil pris quelques joncs, que d'autres s'élevèrent à la même place où mon guide en avoit arraché.

CHANT II.

ARGUMENT.

Les deux poètes voient venir une barque remplie d'ames conduites par un ange dans le Purgatoire. Parmi elles, le Dante reconnoît Casella, son ami, célèbre musicien. Celui-ci s'étant arrêté pour chanter, et le Dante pour l'écouter, Caton survient, et leur reproche leur négligence.

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Le soleil étoit déjà parvenu à l'horizon de Jérusalem, et la nuit, qui est toujours opposée à cet astre, sortoit des eaux du Gange, accompagnée du signe de la balance qui tombe de sa main, quand la nuit est plus longue que le jour. Les joues blanches et vermeilles de l'aurore commençoient à se nuancer d'une teinte orangée. Nous étions sur le bord de la mer, semblables à ces voyageurs qui, pensant à leur chemin, marchent en idée, mais demeurent immobiles; et de même qu'on voit, le matin, à travers les vapeurs épaisses qui s'élèvent de

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