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On peut même se demander si Élie de Beaumont n'avait pas eu quelque arrière-pensée, en mettant ainsi de suite à l'épreuve, en face des problèmes géologiques les plus ardus, le jeune ingénieur sur qui de si brillants succès d'école avaient attiré son attention, en éveillant ses espérances. Ce qui est certain, c'est que, dès son retour du Tyrol, il était jugé. Il avait donné sa mesure à Élie de Beaumont, et le maitre l'attachait, d'une façon officielle, au service central de la carte géologique, dont il était directeur.

C'est à ce titre que de Lapparent fut chargé de collaborer au relevé géologique détaillé des feuilles de Beauvais, Rouen, Neufchâtel, Laon, Cambrai, Yvetot, Avranches. Les qualités de patience, d'observation continue, d'attention concentrée, qu'exige ce genre de recherches n'étaient pas celles qui dominaient en lui, et il faut bien reconnaître que les tracés qui lui sont dus ne se distinguent, de ceux des autres collaborateurs du service géologique, ni par leur exactitude, ni par l'originalité des vues développées. De Lapparent faisant des levés sur le terrain n'était pas dans la voie qui lui convenait; sans doute, il multipliait les marches sur les sentiers en lacets, mais son esprit allait trop vite pour ses jambes. Cependant il donna des soins tout particuliers à la description physique de la vallée anticlinale du Bray, publiée en 1879, à titre de spécimen type des Mémoires pour servir à l'explication de la carte géologique détaillée de la France. Dans cette œuvre, il chercha à pousser aussi loin que possible l'analyse de la topographie du Bray, montrant l'influence de la stratigraphie sur les formes du terrain; son étude géométrique du bombement atteignit même par sa précision une réelle originalité, car il put, dans ce pays de pâturages, où le sous-sol se montrait si rarement à découvert, représenter sur des planches, en courbes de niveau, la base de la craie

glauconieuse et la surface supérieure de l'argile bleue portlandienne. La détermination si délicate de l'àge du soulèvement du Bray, qu'il aborda à diverses reprises, le confirma dans cette idée que les mouvements de l'écorce terrestre sont de longue haleine et peuvent se poursuivre à travers plusieurs périodes successives. Mais l'observation la plus intéressante à laquelle il ait été conduit, au cours de ses levers pour le service de la carte de France, est celle qui concerne les lambeaux de sable éocène dans le Vermandois et le Cambrésis. Il avait été frappé de ce que parfois, au milieu de ces plaines monotones, toutes de craie et de limon, on se trouve en présence d'une carrière de sable blanc, entourée de craie de tous côtés, et présentant néanmoins tous les caractères des sables landéniens, bien que ce sable occupe un niveau très inférieur à celui du Landénien qui couronne les hauteurs. Ces dépôts de sable n'étaient pas inconnus; mais personne n'avait songé à en suspecter l'allure et on admettait qu'ils avaient dû se former tels quels de Lapparent fit la preuve que ces gisements résultaient d'effondrements par suite desquels une couverture autrefois continue. de dépôts éocènes horizontaux s'était, par places, abîmée dans des poches de la craie sous-jacente, poches créées sans nul doute par l'élargissement de fissures préexistantes. De cette manière, quelques amas se sont trouvés préservés, par leur chute, de la destruction qui atteignait presque partout le reste de l'étage.

Le service de la carte avait, pendant des années, attaché de Lapparent à l'étude des formations crétacées du Nord du Bassin de Paris, et ainsi il s'était trouvé naturellement désigné au choix du Gouvernement, quand il fallut un rapporteur pour le projet, soumis lors de l'Exposition universelle de 1867, d'un tunnel sous-marin entre la France et l'Angleterre. C'est à ce

titre qu'il entreprit l'exploration sous-marine du détroit du Pas-de-Calais, qui constitue la phase la plus originale et la plus personnelle de sa carrière géologique ; il voulut, avant de se prononcer sur la possibilité de l'entreprise, exécuter certains travaux préalables et poursuivre en mer les tracés géologiques qu'il était accoutumé à lever sur le continent. La couche de craie imperméable, dans laquelle il importait que le percement pût être constamment maintenu, existait-elle partout dans la partie sous-marine? Ne subissait-elle pas des interruptions ou des coudes trop brusques? C'est ce qu'il fallait éclaircir. Dans cette perplexité, de Lapparent eut l'idée d'exécuter une série systématique de sondages en mer, en les combinant avec un relevé hydrographique de précision. Il y réussit, aidé d'ailleurs de la savante collaboration d'hommes comme Potier et Larousse : 7000 coups de sonde furent donnés, 3000 échantillons déterminables furent ramenés du fond, et le tracé des lignes d'affleurement à la surface du fond de la mer, put être établi sur des données certaines.

Par ce travail, exécuté en service, de Lapparent avait fait honneur au corps des mines, qui l'en avait chargé. La continuation de ses levers dans le Bassin de. Paris, de l'Ardenne à la Normandie, lui permit de rendre de nouveaux et bons offices à la carte géologique de France. De ce nombre sont ses observations sur l'étage oolithique inférieur et sur le Crétacé inférieur des Ardennes; sur le bassin silurien de Mortain où il parvint à débrouiller le système de failles en échelons qui découpe en lambeaux le grès armoricain et les schistes à Calymènes ; sur les relations du granite et des schistes maclifères de la feuille d'Avranches; sur l'histoire et la succession des roches éruptives cambriennes de l'île de Jersey.

L'histoire du limon des plateaur et du Loess ne

pouvait manquer de préoccuper un géologue qui avait si souvent parcouru, pour son service, les plaines limoneuses du bassin de Paris. A cette époque, les uns, à la suite d'Élie de Beaumont, admettaient que le limon avait été déposé lors d'un grand cataclysme diluvien, antérieur au creusement des vallées ; d'autres en faisaient une boue glaciaire; quelques-uns tenaient, avec Belgrand, pour une alluvion de débordement de grands fleuves; enfin plusieurs acceptaient la théorie éolienne de M. de Richthofen, donnant la prépondérance au transport des poussières par le vent. De Lapparent avait toujours répugné à ces explications, dont chacune lui semblait se heurter à d'insurmontables objections de fait. Frappé de la couleur et de l'état d'oxydation du limon, il s'était rallié de bonne heure à l'idée que ce produit ne pouvait être qu'une bone de ruissellement, déposée à l'air libre par les eaux pluviales. Il eut alors l'idée de rechercher comment se distribuaient géographiquement les dépôts de limon, et il vit que tous jalonnaient pour ainsi dire, la place autrefois occupée par des dépôts tertiaires, et que le limon représentait ainsi le résidu demeuré en place des formations meubles détruites par une longue

érosion.

Le travail solitaire sur le terrain ne pouvait cependant absorber tout entier l'esprit, toujours en éveil, de de Lapparent, et dès sa sortie de l'Ecole des mines, à peu près au temps où Élie de Beaumont l'appelait au service de la carte, il acceptait avee empressement la proposition de Delesse, de collaborer avec lui à la rédaction de la REVUE DE GEOLOGIE, insérée chaque année dans les ANNALES DES MINES. Ce recueil avait été fondé en 1862, dans le but d'initier régulièrement les ingénieurs aux progrès de la science, surtout à ceux faits à l'étranger, non par une suite d'extraits se succédant sans ordre, mais par une sorte d'inventaire

méthodique des conquêtes accomplies dans chacun des chapitres de la géologie. Le résultat de ce labeur fut la publication de 13 volumes, chacun de 250 à 300 pages.

Ce long travail de compilation, d'assimilation, de rédaction, avait fait de de Lapparent, dès 1874, l'homme de son pays qui avait sur la géologie les connaissances les plus étendues. Les années passées dans le service d'Elie de Beaumont, auprès de Delesse, de Potier, avaient fait en même temps de lui un géologue aux idées élevées et larges, mûr pour toutes les généralisations. Il avait déjà à cette époque rendu d'éminents services à la carte de France par ses observations; il avait fait honneur au corps des mines et à son pays par ses travaux; il était demeuré, par son mérite et par l'éclat des services rendus, au premier rang de ses camarades de promotion. Il n'avait eu jusque-là que la satisfaction des services rendus, mais le temps des distinctions honorifiques arrivait, et successivement alors on le voit nommé chevalier de la Légion d'honneur, décoré de l'ordre des saints Maurice et Lazare, médaillé de l'Exposition universelle en commun avec MM. Larousse et Potier. C'était le commencement de la moisson prévue. Sa carrière semblait fixée, il n'avait plus qu'à laisser faire le temps; la tradition polytechnicienne pouvait dorénavant lui suffire. Il avait mérité de pouvoir se reposer sur ses lauriers; les honneurs, les dignités devaient lui échoir à leur heure et le porter au faîte, automatiquement.

Cependant il avait le goût des choses scientifiques, le sentiment de ce que valent les sciences d'observation par leur rapprochement, l'intelligence des généralisations qu'elles permettent, et aussi le regret amer de voir l'histoire de la terre ignorée du public instruit et l'apanage d'une élite. L'imperfection de nos connaissances, de nos doctrines scientifiques lui était pénible; mais à l'inverse de certains savants, qui, frappés des

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