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lacunes qu'elles présentent, sentent le besoin impérieux de les combler, de Lapparent se trouvait plus touché de la nécessité de répandre ce que nous en possédons de réel. Il estimait qu'il avait le devoir et le droit de partager ce qu'il avait acquis par son labeur, sa méthode, son talent, et de faire briller sa parcelle de vérité. Cette conviction allait l'entraîner dans une voie nouvelle. Sa destinée était de demeurer à la peine, de travailler et de se dévouer pour autrui, en rejetant loin de lui, comme indignes, tous soucis d'intérêt personnel.

C'était en 1875. La liberté de l'enseignement supérieur, longtemps inconnue en France, venait d'être proclamée : les catholiques furent les premiers à en user. Chrétien aussi sincère que savant convaincu, de Lapparent accepta d'emblée la chaire de géologie et de minéralogie offerte à l'Institut catholique de Paris, qui ouvrait ses portes. Il y entrait poussé par sa conscience, et en règle avec le corps des mines auquel il appartenait. Il avait demandé et obtenu pour remplir les obligations de sa nouvelle charge, un congé illimité, conformément aux règlements d'administration publique de 1851, qui admettaient cette position au nombre de celles que peuvent avoir les Ingénieurs du corps des

mines.

Ingénieur de l'État, en congé sans solde et professeur, de Lapparent se donna tout entier à son enseignement. Un de ses anciens élèves (1) a rappelé ce que furent ses premières leçons : « ses auditeurs des années lointaines, se rappellent avec enthousiasme le brio de ses démonstrations, cette diction exceptionnellement brillante, jusqu'à être déconcertante parfois, car la rapidité, la richesse et la splendeur de l'idée laissaient la classe éblouie, mais aussi parfois douloureusement

(1) Adhémar d'Alès: ÉTUDES RELIGIEUSES, 1908. 2. 511. HII SÉRIE. T. XVI.

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consciente de son impuissance à reconstituer l'ensemble de la leçon. »

Cependant, tandis que de Lapparent, remontant dans les temps géologiques, exposait de la sorte aux jeunes générations, l'ordre et l'harmonie des lois éternelles qui ont présidé à l'évolution terrestre, et faisait apprécier en même temps que la beauté de l'édifice doctrinal de la minéralogie la part prépondérante que les savants français avaient prise à sa construction, un revirement s'opérait dans les milieux ministériels. Un décret supprimait en 1879 la position de congé illimité, et les ingénieurs dans cette position, parmi lesquels se trouvait de Lapparent, étaient appelés à régulariser leur situation dans un délai de six mois. C'était, pour eux, une mise en demeure d'opter entre leur position d'Ingénieur de l'Etat, obtenue au concours, et celle de professeur de l'enseignement libre. De Lapparent aurait pu, on l'en avait officieusement avisé, obéir à la lettre du règlement, en sollicitant, à titre de conseil d'une société industrielle, un congé renouvelable qui lui cût été accordé. Mais sa loyauté ne put s'accommoder d'un semblable calcul. Il jugea le subterfuge indigne de lui, indigne de la chaire à laquelle il avait donné son âme et, plutôt que d'en user, il préféra briser sa carrière. officielle. Nommé ingénieur à Moulins, il remit sa démission entre les mains de son ancien camarade de promotion, Sadi-Carnot, alors Ministre des Travaux publics, qui l'accepta.

Sacrifié, de Lapparent sut conserver le beau rôle : « Le président Carnot est installé à l'Elysée, disait-il à ses camarades, quand la fête du centenaire de l'École polytechnique lui fournit l'occasion de leur parler (1), c'est autour de lui que se grouperont, sans distinction d'opinions, les adhérents de la manifestation pro

(1) Le centenaire de l'École polytechnique, LE CORRESPONDANT, 1904.

jetée, et ce sera avec d'autant plus de justice qu'ils pourront saluer en sa personne, non seulement le plus élevé en dignité de leurs camarades, mais le petit-fils de l'un des principaux créateurs de l'Institution. »

Après sa démission d'ingénieur, il se retira dans son petit laboratoire de la rue de Vaugirard. Ce fut là, dans l'isolement de la retraite, dans une position modeste, entre quelques élèves, parmi des collections naissantes, au milieu d'un travail acharné, que son talent -ce qu'il y eut de vrai et de personnel dans son talent réchauffé et exalté par les causes immortelles dont il s'était fait le champion, allait se révéler et lui permettre d'être, par sa science, l'apologiste de sa foi. Il y écrivit ces Traités didactiques, qui firent rayonner la valeur de son enseignement dans le monde savant tout entier. Après six années de professorat, au cours desquelles il avait exploré à fond le domaine de sa science, de Lapparent se trouva en mesure de livrer au public un traité où toutes les questions que soulève la géologie étaient abordées avec plus de détails et en même temps dans un esprit plus marqué de généralisation, qu'on ne l'avait encore fait dans aucun manuel antérieur.

Pour apprécier comme il convient le rôle de de Lapparent et la valeur du service rendu par ses traités, il est nécessaire de se reporter aux circonstances de leur apparition et d'envisager, dans un coup d'oeil rapide, l'état de l'enseignement de la géologie à cette époque. L'histoire de la terre ne manquait pas alors en France d'interprètes distingués; assurément les auditeurs de Fouqué, de Gaudry, de Daubrée, n'avaient rien à apprendre d'un traité, concernant les caractères des roches, des fossiles, ou les progrès de la géologie expérimentale! Ceux qui suivaient les leçons de Lory ou de. Gosselet, sur les Alpes, sur les Ardennes, n'avaient plus à apprendre non plus d'un traité, comment

on dissèquait une chaîne montagneuse et comment on la reconstituait. Mais tous ces cours, excellents en eux-mêmes, étaient très spécialisés. Aucun professeur d'Université chargé d'enseigner la géologie (en même temps d'ailleurs que la minéralogie et la paléontologie) n'avait su se montrer à la fois original et complet, dans l'exposé d'un ensemble aussi vaste. Quelques-uns developpaient avec éclat certaines branches de la science, mais la plupart, je l'avoue pour ma part, s'efforçaient laborieusement d'adapter aux besoins d'un auditoire régional les chapitres des manuels étrangers. Tous les cours donnés étaient incomplets. Les élèves ne pouvaient acquérir dans aucune université de France l'ensemble des connaissances géologiques concernant les minéraux, les fossiles, les terrains et la genèse du sol de leur pays.

Quand parurent les traités de de Lapparent, ce fut une révolution dans l'enseignement de la science de la terre. Ceux qui professaient à cette époque ne l'ont pas oubliée un trésor de documents se trouva mis à la portée de tous, maîtres et étudiants y puisèrent à l'envi.

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En dehors de leur action immédiate, ils eurent encore l'avantage de donner l'impulsion à de nouveaux travaux et de permettre aux membres de l'enseignement -conscients de posséder pour la préparation de leurs leçons un exposé moderne des questions étrangères à leur spécialité la libre poursuite et le développement de leurs recherches originales. Les savants français ne furent pas seuls à se louer de la publication du Traité. Le professeur de géologie de l'Université de Strasbourg, W. Benecke (1), prédit son succès dès son apparition: «Wir zweifeln nicht, dass das Werk in weiten Kreisen belehren und anregen wird ». Et l'émi- nent et regretté professeur de l'Université de Munich,

(1) NEUES JAHRBUCH FÜR MINERALOGIE, 1883, p. 385.

K. von Zittel, questionné à ce sujet, me déclarait qu'il tenait le Traité de de Lapparent non pas seulement comme un bon livre, mais comme le meilleur qui existât sur la matière, et qu'il était couramment consulté dans les universités allemandes ».

C'est qu'en effet il y a peu de traités de géologie, s'il en est, qui soient également bons dans toutes leurs parties. La géologie touche à tant de choses, que bien peu d'auteurs sont aptes à en embrasser l'ensemble avec une égale maîtrise. Elle est la synthèse de toutes les connaissances scientifiques, dans leur application à l'histoire du globe terrestre. Elle est l'histoire, vécue en mille endroits à la fois, de tous les temps et de tous les êtres. Quiconque entreprend d'écrire cette histoire doit suivre à travers les àges l'admirable évolution accomplie par la vie organique, suivant le plan divin, et dévoiler, avec le secours de la minéralogie, de la chimie et de la physique, les lois éternelles qui ont présidé aux phénomènes inorganiques dans la formation du globe de Lapparent était particulièrement préparé à remplir cet office, par la variété et l'étendue de ses connaissances, comme par les qualités naturelles dont il était doué. Il avait acquis à l'Ecole la plus haute culture mathématique ; l'art des mines était devenu son propre; il s'était fait naturaliste et classificateur en formant, de ses mains et pour ses élèves, d'importantes collections de paléontologie et de minéralogie; enfin il s'était familiarisé avec l'oeuvre et avec la pensée même de tous les géologues contemporains par la rédaction de sa REVUE DE GEOLOGIE. A tous ces avantages s'ajoutaient chez lui un talent d'exposition exceptionnel, un besoin inné de l'ordre et de l'harmonie, un don mystérieux de clarté et de lumière et par dessus tout une volonté ardente, exaltée par le dévouement à une cause aimée. Pour élever l'esprit et l'âme des jeunes générations savantes, il avait résolu de tout sacrifier, tout

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