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Une touffe de thym fait bocage au centre de l'établissement. La nuit venue, mes captives grimpent à ce belvédère, et de leur mieux, dans tous les sens de l'horizon, y font valoir leurs atours lumineux. Ainsi se forment le long des brindilles des grappes merveilleuses dont j'attendais de superbes effets sur la plaque et sur le papier photographiques. Mon espoir est déçu. Je n'obtiens que des taches blanches, informes, ici plus denses et là moins suivant la population du groupe. Des vers luisants eux-mêmes, nulle effigie; pas de trace non plus de la touffe de thym. Faute d'un éclairage convenable, la superbe girandole se traduit par une confuse éclaboussure blanche sur fond noir.

Les phares des lampyres femelles sont évidemment des appels nuptiaux, des invitations à la pariade; mais remarquons qu'ils s'allument à la face inférieure du ventre et regardent le sol tandis que les appelés, les måles, d'essor capricieux, voyagent en dessus, dans les airs, parfois à grande distance. Avec sa disposition normale l'appât lumineux se trouve donc masqué aux yeux des intéressés; l'épaisseur opaque de la nubile le recouvre. C'est sur le dos et non sous le ventre que devrait reluire la lanterne, sinon la lumière est mise sous le boisseau.

L'anomalie très ingénieusement se corrige, car toute femelle a ses petites malices de coquetterie. A la nuit close, tous les soirs, mes captives sous cloche gagnent la touffe de thym dont j'ai eu soin de meubler la prison et viennent à la cime des ramifications élevées, les mieux en vue. Là, au lieu de se tenir tranquilles comme elles le faisaient tantôt au pied de la broussaille, elles se livrent à de véhéments exercices, se contorsionnent le bout du ventre très flexible, le virent d'un côté, le revirent de l'autre dans toutes les directions par mouvements saccadés. De la sorte, aux yeux de tout mâle en expédition amoureuse, passant dans le III SÉRIE. T. XVI.

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voisinage, soit sur le sol soit dans les airs, le fanal convocateur ne peut manquer de reluire un moment ou l'autre.

C'est à peu près le jeu du miroir tournant en usage pour la chasse aux alouettes. Immobile, la machinette laisserait l'oiseau indifférent; en rotation et fragmentant sa lueur par éclairs rapides, elle le passionne.

Si la femelle lampyre a ses ruses pour appeler des prétendants, le mâle de son côté est pourvu d'un appareil optique apte à percevoir de loin le moindre reflet du fanal convocateur. Le corselet se dilate en bouclier et déborde largement la tête sous forme de visière ou d'abat-jour, dont le rôle est apparemment de restreindre le champ de vision pour concentrer le regard sur le point lumineux à discerner. Sous cette voùte, sont les deux yeux relativement énormes, très convexes, en forme de calotte sphérique, et contigus l'un à l'autre, au point de ne laisser entre eux qu'une étroite rainure pour l'insertion des antennes. Cet ceil double, occupant presque en totalité la face de l'insecte et retiré au fond de la caverne que forme le large abat-jour du corselet, est un véritable œil de Cyclope.

Au moment de la pariade, l'illumination s'affaiblit beaucoup, s'éteint presque; il ne reste en activité que l'humble lampion du dernier segment. La discrète veilleuse suffit à la noce, tandis que dans le voisinage la foule des bestioles nocturnes, attardées en leurs affaires, susurre l'épithalame général. La ponte suit de près. Les oeufs, ronds et blancs, 'sont déposés, ou plutôt semés au hasard sans le moindre soin maternel, soit sur le sol légèrement frais, soit sur un brin de gazon. Ces reluisants ignorent à fond les tendresses familiales.

Chose bien singulière les oeufs du lampyre sont lumineux, même encore inclus dans les flancs de la mère. S'il m'arrive par inadvertance d'écraser une

femelle gonflée de germes parvenus à maturité, une traînée luisante se répand sur mes doigts comme si j'avais crevé quelque ampoule pleine d'une humeur phosphorique. La loupe me montre que je fais erreur. La luminosité est due à la grappe des oeufs violemment expulsée de l'ovaire. Du reste, aux approches de la ponte, la phosphorescence ovarienne déjà se manifeste sans grossière obstétrique. A travers les téguments du ventre apparaît une douce luminosité opalescente.

L'éclosion suit de près la ponte. Les jeunes, n'importe le sexe, ont deux petits lumignons au dernier segment. Aux approches des froids rigoureux, ils descendent en terre, non bien profondément. Dans mes bocaux d'éducation, garnis de terre fine et très meuble, ils descendent à trois ou quatre pouces au plus. Au plus fort de l'hiver, j'en exhume quelques-uns. Je les trouve toujours avec le faible lumignon de l'arrière. Vers le mois d'avril, ils remontent à la surface pour y poursuivre et achever leur évolution.

Du début à la fin, la vie du lampyre est une orgie de lumière. Les oeufs sont lumineux; les larves pareillement, les femelles adultes sont de magnifiques phares, les mâles adultes gardent le lampion que possédaient déjà les larves. On comprend le rôle du phare féminin; mais à quoi bon tout le reste de cette pyrotechnie? A mon vif regret, je l'ignore. C'est et ce sera pour longtemps encore et peut-être pour toujours, le secret de la physique des bêtes plus savante que la physique de nos livres.

Sérignan, 10 mai 1909.

J. H. FABRE.

L'INDUSTRIE CHIMIQUE EN ALLEMAGNE

« L'industrie de l'avenir ne sera jamais plus stationnaire: elle réalisera incessamment des progrès toujours plus nombreux, toujours plus rapides. En un mot l'industrie de l'avenir, c'est l'industrie scientifique dans toute l'acception du mot, et malheur aux nations insouciantes qui resteront au-dessous de la situation nouvelle : elles seront dévorées par leurs rivales. »

(EDMOND THIERY) (1).

Occuper des milliers d'employés, des centaines d'ingénieurs chimistes diplômés, fort convenablement appointés, parmi lesquels figurent les savants les plus réputés, payer à ses actionnaires un dividende extrêmement rémunérateur d'année en année plus élevé et ayant atteint, l'an dernier, trente-six pour cent (2), tels sont, au seul point de vue pratique et utilitaire, les résultats atteints par l'industrie chimique en Alle

magne.

Pour toute nation, là se trouve bien l'industrie d'avenir, au champ d'action illimité, l'« industrie scientifique évoquée par le célèbre économiste Thiery. Cependant une constatation s'impose. Si, en ce sens, la France et l'Angleterre ont fourni les découvertes initiales, ce sont nos voisins d'Outre-Rhin qui, s'étant

(1) L'ÉCONOMISTE EUROPÉEN, tome X, 1896, p. 612.

(2) Comme nous le disons par la suite, ce chiffre a été celui du dividende de l'exercice 1907 pour la plus importante société des fabrications de produits chimiques et pharmaceutiques d'Allemagne : les « Farbenfabriken » Bayer et Cie.

emparés des résultats de ces premières expériences concluantes, en ont sans cesse élargi les énormes conséquences et en ont trouvé l'application la plus pratique, la plus commerciale. Dans cette voie ce qui a été obtenu en Allemagne tient presque du prodige, et il ne semble nullement téméraire d'affirmer que dès maintenant aucun pays ne saurait sur ce point rivaliser avec la nation germanique.

Au point de vue général, en effet, par son chiffre de production comme par l'innovation de ses procédés, l'industrie allemande tient incontestablement le premier rang en Europe. Quant à ses progrès en chimie organique et inorganique, elle occupe, à l'heure présente, la première place dans le monde.

Tous les marchés, européens et d'outre-mer, sont inondés de ses produits. Son plus gros client, les ÉtatsUnis, consomme même plus que la nation productrice, qui ne vient, sous ce chef, qu'en second lieu; puis se . place, en troisième rang et en très bonne posture, la Russie; en quatrième et cinquième position, l'ExtrêmeOrient (Indes, Chine, Japon) et l'Angleterre; enfin beaucoup plus loin, après l'Autriche-Hongrie, la France, l'Italie, etc.

Or, en dehors de nos savants, de nos professeurs de facultés et de leurs élèves, dont quelques-uns seulement sont venus en Allemagne, de rares industriels, bien peu de Français ont une idée précise de l'état actuel de l'industrie chimique chez nos voisins. L'instant paraît donc propice d'en entretenir le grand public et de la lui faire connaître.

A dessein nous écarterons toute formule, tout détail technique susceptible de donner à cet article une allure trop savante. Les faits sont assez intéressants par euxmêmes et n'ont nul besoin d'être étayés ou corroborés par de nombreuses statistiques, descriptions ardues, analyses détaillées, réactions, etc... Abandonnant au

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