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bridge? Le darwinisme marche-t-il, à l'heure présente, à son midi ou à son déclin ?

Pour répondre à cette question, il faut, on l'a déjà souvent fait remarquer, distinguer deux aspects très différents la doctrine de l'évolution, d'une part, et, de l'autre, les théories évolutionnistes propres à Darwin.

S'agit-il de la doctrine de l'évolution en général, il est parfaitement vrai qu'elle triomphe aujourd'hui sur presque toute la ligne. M. Cuénot écrivait en 1901: «< Le transformisme, c'est-à-dire la notion de la descendance des espèces évoluant sous l'influence des facteurs naturels est un fait acquis; il n'est maintenant plus un biologiste, j'entends sérieux et surtout compétent, qui le conteste (1). »

Cette affirmation est d'une exagération quelque peu tendancieuse. Elle serait même franchement inexacte, si par « évolution sous l'influence des facteurs naturels on devait entendre l'évolution universelle, telle que l'admettent les monistes. Il reste en effet encore, heureusement, quelques biologistes sérieux et même compétents, qui ne sont point monistes. Mais il demeure vrai que le principe de l'évolution est admis, au moins. dans une certaine mesure, par la presque universalité des biologistes contemporains.

Or, comme personne n'a, contribué plus que Darwin à la diffusion et au succès des doctrines transformistes, c'est simplement justice de reconnaitre que ses idées ont, dans ce sens, pleinement triomphé.

Mais Darwin ne s'est pas contenté d'affirmer le fait de l'évolution; il a voulu en expliquer le comment et le pourquoi. Il a donné une théorie de l'évolution où la sélection naturelle joue, on le sait, un rôle prépondé

rant.

(1) REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES, 1901, p. 264.

Qu'est-il arrivé? A mesure que la doctrine de la descendance allait de victoire en victoire, le sélectionnisme darwinien était de plus en plus violemment attaqué par bon nombre de biologistes contemporains. Plusieurs estiment même qu'il est définitivement battu.

On s'explique dès lors comment on peut à la fois parler et du triomphe et de la décadence du darwinisme. Tout dépend du sens plus large ou plus restreint que l'on donne à ce mot (1).

Dans les pages qui suivent, laissant de côté toute discussion sur la vérité du fait de l'évolution, on s'occupera uniquement des théories spécifiquement darwiniennes. On voudrait, après avoir dit brièvement cequ'elles furent, expliquer leur incroyable vogue pendant près de trente ans, leur baisse progressive dans l'estime du monde savant, le sort enfin que leur réserve, selon toute vraisemblance, un très prochain avenir.

Cet exposé, que l'on souhaiterait aussi objectif que possible, n'est ni « pour Darwin », ni « contre Darwin ». En s'y essayant, on a eu présente à l'esprit une re

(1) Dans son livre, Der heutige Stand der Darwin'schen Fragen (Leipzig, 1907), Francé proteste contre l'emploi du terme darwinisme pour désigner la théorie particulière de Darwin sur l'évolution. Pour lui, ce terme doit signifier doctrine de la descendance en général. Cette prétention ne semble pas justifiée. Ce serait, sans doute, manquer de loyauté que de répéter : « le darwinisme est aujourd'hui en complète banqueroute » devant des auditeurs qui par « darwinisme » entendraient l'ensemble de la thèse évolutionniste. On laisserait entendre par là, profitant d'une équivoque, que la doctrine de la descendance a perdu tout crédit dans le monde scientifique, ce qui est le rebours de la vérité. Mais, quand on prend soin de s'expliquer et de faire les précisions convenables, il semble, au contraire, parfaitement scientifique de n'appeler darwinisme que le système évolutionniste personnel de Darwin. Weismann, un fervent néo-darwiniste, estime que « la découverte du principe de la sélection naturelle est le chef-d'œuvre de Darwin et que c'est elle qui rendra le nom de Darwin immortel » (Charles Darwin und sein Lebenswerk, Festrede gehalten zu Freiburg i. Br. am 12 Februar 1909, p. 22). — Si les faits se montrent maintenant en complet désaccord avec la théorie de la sélection naturelle, tant pis pour Darwin!

marque très juste de Claude Bernard : « En science, écrit l'illustre physiologiste, le mot de critique n'est point synonyme de dénigrement; critiquer signifie rechercher la vérité en séparant ce qui est vrai de ce qui est faux, en distinguant ce qui est bon de ce qui est mauvais. Cette critique, en même temps qu'elle est juste pour le savant, est la seule qui soit profitable à la science (1).

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Pour comprendre Darwin, il faut connaître ses précurseurs et notamment Lamarck, le plus grand de tous (2).

Le premier, en effet, ce naturaliste vraiment génial posa d'une manière nette la question de l'origine des espèces et s'engagea, avec une sûreté de vue étonnante, dans la voie qui conduira vraisemblablement un jour à la solution définitive de ce difficile problème. Lamarck a commis de lourdes erreurs, c'est vrai. Il est permis de trouver un peu puérile telle ou telle de ses interprétations. A-t-on assez ridiculisé, par exemple, son explication de la girafe ou celle du kanguroo (3)! Il ne

(1) Introduction à la médecine expérimentale, p. 301.

(2) Non pas que Darwin ait subi grandement l'influence de ses devanciers: il a été, dans toute la force du terme, un autodidacte. Mais, pour comprendre la fortune de ses idées, il est indispensable de savoir ce qu'elles ont ajouté aux théories évolutionnistes précédemment proposées.

(3) Voici le texte de Lamarck; il ne manque pas de saveur : « Les efforts dans un sens quelconque, longtemps soutenus ou habituellement faits par certaines parties d'un corps vivant, pour satisfaire des besoins exigés par la nature ou par les circonstances, étendent ces parties et leur font acquérir des dimensions et une forme qu'elles n'eussent jamais obtenues, si ces efforts ne fussent point devenus l'action habituelle des animaux qui les ont exercés. Les observations faites sur tous les animaux connus, en fournissent partout des exemples. En veut-on un plus frappant que celui que nous offre

faudrait pas que ces plaisanteries faciles fissent oublier les mérites du savant qui eut, sur les lois fondamentales du monde vivant, de si pénétrantes intuitions.

Lamarck part de ce fait, considéré comme évident, pour quiconque s'est « longuement et fortement occupé de la détermination des espèces »,à savoir qu'on éprouve une difficulté extrême, soit à classer les individus dans des espèces bien nettement distinctes, soit à faire un départ rigoureux entre les races et les espèces.

D'emblée, il arrive à cette conclusion qui contient en germe tout le transformisme : « Je dis qu'ils (les animaux) forment une série rameuse, irrégulièrement graduée et qui n'a point de discontinuité dans ses parties ou qui, du moins, n'en a pas toujours eu, s'il est vrai que par suite des espèces perdues, il s'en trouve quelque part. Il en résulte que les espèces qui terminent chaque rameau de la série générale tiennent, au moins d'un côté, à d'autres espèces voisines qui se nuancent avec elles » (1).

Voilà le fait de l'évolution affirmé. Comment Lamarck l'explique-t-il? Lui-même nous donne, réduit à ses éléments fondamentaux, l'essentiel de son système :

le kanguroo? Cet animal, qui porte ses petits dans la poche qu'il a sous l'abdomen, a pris l'habitude de se tenir debout, posé seulement sur ses pieds de derrière et sur sa queue et de ne se déplacer qu'à l'aide d'une suite de sauts, dans lesquels il conserve son attitude redressée pour ne point gêner ses petits. Voici ce qui en est résulté :

1o Ses jambes de devant, dont il fait très peu d'usage et sur lesquelles il s'appuie seulement dans l'instant où il quite son attitude redressée, n'ont jamais pris de développement proportionné à celui des autres parties et sont restées maigres, très petites et presque sans force;

2o Les jambes de derrière, presque continuellement en action, soit pour soutenir le corps, soit pour exécuter les sauts, ont au contraire obtenu un développement considérable et sont devenues très grandes et très fortes;

3o Enfin, la queue, que nous voyons ici fortement employée au soutien de l'animal et à l'exécution de ses principaux mouvements, a acquis dans sa base une épaisseur et une force extrêmement remarquables » (Philosophie zoologique, chap. 7, Influence des circonstances sur les actions des animaux). (1) Philosophie zoologique, ch. 3

« Le véritable ordre de choses qu'il s'agit de considérer en tout ceci, consiste à reconnaître :

» 1° Que tout changement un peu considérable et ensuite maintenu dans les circonstances où se trouve chaque race d'animaux opère en elle un changement réel dans leurs besoins;

» 2° Que tout changement dans les besoins des animaux nécessite pour eux d'autres actions pour satisfaire aux nouveaux besoins et, par suite, d'autres habitudes;

» 3° Que tout nouveau besoin nécessitant de nouvelles actions pour y satisfaire, exige de l'animal qui l'éprouve, soit l'emploi plus fréquent de telle de ses parties dont auparavant il faisait moins d'usage, ce qui la développe et l'agrandit considérablement, soit l'emploi de nouvelles parties que les besoins font naître insensiblement en lui par des efforts de son sentiment intérieur (1). »

On le voit, l'ensemble de la théorie est nettement finaliste (2). L'évolution se fait à l'occasion des facteurs externes dont les changements sont fortuits; mais la vraie cause en doit être cherchée dans des facteurs

(1) Philosophie zoologique, ch. 7.

(2) On ajoute quelquefois que Lamarck était vitaliste. Cette affirmation nous parait difficilement soutenable. Si Lamarck fut vitaliste, ce fut à la manière de Claude Bernard, plus tard, et de Reinke, de nos jours, qui ne sont pas sortis, en somme, de l'organicisme. Ils sont finalistes tous deux, comme Lamarck d'ailleurs; mais ils admettent que l'ordre, qui est spécial aux êtres vivants, a sa raison adéquate dans l'organisation. Lamarck exclut un principe vital qui serait un être particulier. « La vie, dans les parties d'un corps qui la possède, est un ordre et un état de choses qui y permet les mouvements organiques et ces mouvements qui constituent la vie active, résultent d'une cause stimulante qui les excite. » (Philosophie zoologique, p. 395). Du moins, telle est la conclusion qui se dégage de l'étude des derniers ouvrages de Lamarck. Dans les Recherches sur l'organisation des corps vivants, on pourrait signaler des textes qui supposeraient une conception franchement vitaliste. Mais il semble que Lamarck se soit plus tard corrigé dans le sens de l'organicisme, ou de ce que Claude Bernard a appelé ensuite le vitalisme physique.

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