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connues de lui, cédaient progressivement la place à de nouvelles espèces légèrement différentes. Ces formes, reliées entre elles par tant d'intermédiaires, ne pourraient-elles pas avoir une même origine? Cette interprétation, qui s'affermissait peu à peu dans l'esprit de Darwin, lui apparut comme la seule vraisemblable, lorsqu'en visitant les îles de l'archipel Galapagos, il put constater que chacune d'elles avait ses espèces propres, ses espèces endémiques », comme nous disons aujourd'hui. Les différences n'étaient d'ailleurs pas si grandes qu'on ne pût regarder ces espèces voisines comme provenant toutes d'un même type originel, diversement différencié suivant les habitats.

A ce moment, Darwin tenait, on peut le dire, le fond même de la doctrine de l'évolution. Ce n'est pas un mince mérite de sa part, d'avoir seul dégagé d'observations relativement encore peu nombreuses, une conclusion d'une telle portée.

A l'automne de 1836, il rentrait en Angleterre. Sans tarder, il se mettait au travail pour préparer la publication de son journal de voyage.

Celui-ci ne parut que trois ans plus tard, en 1839. Écrit sobrement, scientifiquement, sans prétention, cet ouvrage porte bien déjà la marque de Darwin. Une multitude de faits de détail y sont exactement consignės et fidèlement décrits. Sans que l'auteur semble prendre beaucoup de peine pour les disposer en preuves de thèse, ces mille riens s'alignent d'eux-mêmes, s'ordonnent et finalement produisent un effet d'ensemble qui ne manque ni d'harmonie, ni de grandeur.

A cette époque, Darwin avait d'ailleurs entrevu déjà non seulement la vérité du fait de l'évolution, mais une explication de cette évolution.

Le premier trait de lumière dans ce sens avait jailli d'une lecture faite par hasard, en 1838.

Ayant ouvert, un jour, pour se distraire, l'Essay on the Principles of Population de Malthus, il fut frappé par la loi fondamentale, qui est à la base du système de cet auteur.

On sait en quoi consiste cette loi : Malthus, partant du fait que l'accroissement de la population humaine est strictement limité par l'accroissement des moyens de subsistance, remarque que ces derniers augmentent suivant les termes d'une progression arithmétique, tandis que la population tend à s'accroître suivant les termes d'une progression géométrique. D'où, fatalement, au bout de peu de générations, rupture de l'équilibre: il y a plus de bouches à nourrir que de vivres disponibles. Pour que l'équilibre se rétablisse, il est nécessaire, ou bien qu'on élimine, de temps en temps, un grand nombre d'individus, ou bien qu'on réduise le nombre des naissances (1).

Appliquant ce que Malthus disait de la seule espèce humaine à tout l'ensemble du monde vivant, Darwin eut comme une soudaine révélation: il entrevit, dans la gigantesque lutte pour la vie, poursuivie, à tout instant, sur la surface du globe, l'explication de l'évolution. Il crut du moins, de bonne foi, tenir la clef de l'énigme.

Parmi l'innombrable multitude des êtres vivants, soit végétaux, soit animaux, qui, à chaque moment de la durée, reçoivent la vie et pullulent avec une si étonnante exubérance, combien peu subsistent!... Combien meurent presque dès leur naissance! Combien succombent avant d'avoir pu se reproduire! Or, quelles sont, se demande Darwin, les victimes de la continuelle hécatombe? Les individus les plus faibles sans doute; ceux qui, moins favorisés, sont moins bien armés pour

(1) Les principes de Malthus qui visent exclusivement la limitation des mariages légitimes n'ont aucun rapport nécessaire - est-il besoin de le faire remarquer? -- avec la doctrine du néo-malthusianisme.

se faire leur place au soleil et pour la défendre. Au contraire, ceux-là seuls survivent, ceux-là seuls ont des chances de se perpétuer qui, mieux armés ou plus heureux, peuvent plus facilement évincer leurs rivaux. Il se fait done naturellement, dans cette concurrence vitale, un choix, une sélection.

C'est, en germe, toute la théorie de Darwin.

Pour exprimer cette idée maîtresse du système, nous ne pouvons, d'ailleurs, mieux faire que de reproduire les termes mêmes dans lesquels, vingt ans plus tard, elle fut résumée par son auteur:

« Si, dans le cours longtemps continué des âges et sous des conditions de vie variables, les êtres vivants varient, si peu que ce soit, dans les diverses parties de leur organisation, et je pense qu'on ne saurait le contester; si, d'autre part, il résulte de la haute progression géométrique, en raison de laquelle toute espèce tend à se multiplier, que tout individu, à certain age, en certaines saisons ou en certaines années, doit soutenir une lutte ardente pour ses moyens d'existence, ce qui n'est pas moins évident; considérant, enfin, qu'une diversité infinie dans la structure, la constitution et les habitudes des êtres organisés leur est avantageuse dans leurs conditions de vie, il serait extraordinaire qu'aucune variation ne se produisit jamais à leur propre avantage, de la même manière que se produisent les variations utiles à l'homme. Mais si des variations utiles aux êtres vivants eux-mêmes se produisent parfois, assurément les individus chez lesquels elles se manifestent, ont les plus grandes chances d'être épargnés dans la guerre qui résulte de la concurrence vitale; et, en vertu du puissant principe d'hérédité, il y aura chez eux une tendance prononcée à léguer ces mêmes caractères accidentels à leur postérité. Cette loi de conservation ou de survivance du plus apte, je l'ai nommée sélection naturelle... Parmi

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un grand nombre d'animaux, la sélection sexuelle vient en aide à la sélection spécifique, en assurant aux måles les plus vigoureux et les mieux adaptés une postérité plus nombreuse. La sélection sexuelle agit surtout pour donner aux mâles seuls les caractères particuliers qui leur sont utiles dans leurs luttes contre d'autres mâles; et ces caractères sont transmis à l'un des deux sexes ou à tous les deux, selon la résultante des hérédités (1). »

Voilà bien, en effet, en quelques mots, toute la théorie darwinienne :

De petites variations fortuites, déterminées le plus souvent par des changements dans le milieu, se produisent dans certains individus.

Ces variations, si elles sont nuisibles, sont éliminées, dans la lutte pour la vie ; si elles sont utiles, au contraire, elles sont favorisées et transmises héréditairement à d'autres individus.

Les êtres vivants ont l'air de s'adapter eux-mêmes avec une finalité merveilleuse à de nouvelles conditions d'existence en réalité, ce sont ces conditions extérieures qui, fatalement, aveuglément, opèrent une sélection.

L'adaptation se fait donc, pour ainsi dire, toute seule, sans direction d'aucune sorte vers une finalité quelconque. Elle n'est pas active, elle est purement passive.

On peut s'étonner que cette théorie, estimée de très bonne foi par Darwin comme la clef de l'évolutionnisme, soit restée pendant de si longues années le secret de son auteur. Darwin donna en cela un grand et bel exemple de maîtrise de soi. Quelle tentation pour le jeune biologiste de souffler aux savants de son temps

(1) Origine des espèces, trad. Cl. Royer, ch. 4.

sa lumineuse solution d'un problème d'importance capitale!

Darwin, s'il eut cette tentation, y résista parfaitement. Il exigea d'abord de lui un travail immense pour confronter sa théorie avec les faits. Retiré sur sa terre de Down, il commença alors cette vie de laborieuse solitude qu'il a menée jusqu'à ses dernières années.

Accumulant observation sur observation, en rapport avec une foule d'hommes de science qu'il questionne sur le résultat de leurs recherches, profitant des ressources incomparables du British Museum, patiemment il poursuit son enquête. Ne pouvant pas surprendre sur le fait la production d'une espèce nouvelle dans la nature, il s'attache avec une incroyable ténacité à l'étude des variations que l'homme peut observer et même déterminer jusqu'à un certain point, par la sélection artificielle. Il envoie des questionnaires détaillés à tous les grands éleveurs du monde entier, pour avoir, sur la création des races domestiques, tous les renseignements possibles. Lui-même dans ce but se fait éleveur. Il prouve que les cent cinquante races de pigeons qu'il connaissait, descendaient toutes d'une seule espèce sauvage, le bizet ou Columbia livia. Quelques-unes de ces races sont d'ailleurs si nettement tranchées qu'un ornithologiste en ferait sûrement des espèces différentes, s'il croyait avoir affaire à des animaux vivant en liberté. Darwin en arrive à cette conclusion: toutes les variétés bien tranchées que nous rencontrons dans la nature ne sont pas autre chose que des espèces en voie de se former; l'élimination de certaines formes et le choix électif des autres, étant abandonnés au jeu de la sélection naturelle.

Ce fut en 1858 seulement, que Darwin se décida à révéler au grand public sa découverte. Il eut même attendu plus longtemps si Alfred Wallace, qui venait

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