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de trouver de son côté le principe de la sélection naturelle, ne l'avait pas amené à parler.

Dans une séance mémorable de la Société linnéenne de Londres, les deux émules firent présenter en même temps, donnant par là tous deux un bel exemple de désintéressement scientifique et d'amicale entente, la doctrine qui allait révolutionner le monde savant.

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Si, au moment de leur apparition, les idées de Lamarck passèrent presqu'inaperçues, les théories de Darwin eurent un sort tout différent.

Bien avant 1859, on attendait avec impatience, dans les milieux scientifiques, l'ouvrage que Darwin avait sur le métier déjà depuis longtemps. Lorsque, vers la fin de cette année, The Origin of Species parut, les 1250 exemplaires de la première édition furent enlevés en un mois. Une seconde édition suivit au début de 1860; la même année paraissait une traduction allemande. Éditions du texte original et versions en diverses langues se succèdent dès lors sans interruption (1).

Au bout de très peu de temps, tout le monde dans le public scientifique fut pour ou contre Darwin: personne ne pouvait rester indifférent à l'endroit de la nouvelle doctrine.

Les polémiques s'élevèrent tout de suite en Angleterre; mais la tempête ne fit que répandre la graine darwinienne. Contre Darwin se déclaraient des hommes

(1) Pour plus de détails sur cette période du développement du darwinisme, on peut voir, entre autres ouvrages, l'excellent livre de E. Radl: Geschichte der biologischen Theorien, II. Teil, Geschichte des Entwicklungstheorien in der Biologie des XIX Jahrhunderts, Leipzig, Engelmann, 1909.

de science de grande autorité alors; Owen, le Duc d'Argyll, Mivart furent parmi les plus ardents. Darwin trouva dans Huxley un défenseur aussi habile que passionné.

En France, le premier accueil fut plutôt hostile. Claude Bernard et Pasteur donnaient le ton : tous deux furent contre Darwin. Avec eux, des hommes de grande valeur, tels que de Quatrefages, Milne-Edwards, J. Barrande, s'opposèrent aussi, par la parole et par la plume, aux théories darwiniennes. Ce n'est que plus tard, grâce aux luttes soutenues par des savants comme Paul Bert, Alfred Giard, Edmond Perrier, que le darwinisme envahit les milieux scientifiques français.

En Allemagne aussi, la lutte fut vive, mais c'est là que la théorie devait arriver aux plus éclatants triomphes. On a dit que le darwinisme était né en Angleterre, mais que c'est en Allemagne qu'il avait trouvé une patrie: ce n'est pas exagéré.

La première publication un peu importante en sa faveur dans le monde scientifique allemand, fut le livre de Fritz Müller: Für Darwin, en 1864. En 1866, E. Haeckel publiait sa Generelle Morphologie, dans laquelle il organisait, pour ainsi dire, le darwinisme en système et le poussait à des conclusions que son auteur lui-mênie n'avait pas encore atteintes. Haeckel proclamait notamment la descendance animale de I'homme sur laquelle Darwin se prononcera seulement en 1871. Weismann se glorific d'avoir été le troisième à prendre ouvertement parti pour Darwin dans son discours académique de 1867: Ueber die Berechtigung der Darwinschen Theorie.

Une opposition très forte empêcha bien la pénétration des idées darwiniennes dans plusieurs Universitės. Wigand publia une réfutation de la théorie de la sélection qui n'a presque rien perdu aujourd'hui de sa valeur. Virchow, on le sait, traita durement Haeckel

et son école. Mais malgré ces protestations, faites au nom même de la science pure, la nouvelle doctrine s'étendait chaque jour davantage.

On peut dire qu'entre 1870 et 1880 tout spécialement, ceux qui alors étaient « les jeunes » dans les laboratoires ne dissimulaient plus leurs sympathies pour Darwin. Souvent même ils témoignaient bruyamment en sa faveur. Bientôt une mentalité darwinienne prévalut presque partout à tel point qu'il suffisait de montrer quelque estime pour des hommes comme de Quatrefages ou Wigand, pour être classé parmi les retardataires et les non-valeurs.

Lorsque de loin on réfléchit sur cet état de choses, on est d'autant plus frappé de cette vogue incroyable du darwinisme que les objections, dont la puissance pousse aujourd'hui la majorité des biologistes à abandonner la théorie de la sélection, furent dès la première heure présentées dans toute leur force. Comment n'ont-elles pas réussi plus tôt à entamer le système qu'elles devaient démolir plus tard?

Il semble vraiment que l'on eut, vers 1870, comme un bandeau devant les yeux. On ne voulait plus entendre ceux qui se permettaient de parler contre Darwin. Les philosophes, s'ils l'osaient, étaient traités d'incompétents; les biologistes de la vieille école qui refusaient de se rendre étaient honnis et traités comme quantités négligeables (1).

(1) Ad. Wagner raconte, à ce propos, dans sa très intéressante Geschichte des Lamarckismus (1909, p. 64), un petit trait qui en dit long sur l'objectivité de certains hommes de science. Ed. von Hartmann fut un des premiers à critiquer le darwinisme. Il le fit, dès 1868, dans la première édition de sa Philosophie des Unbewussten (B. I, pp. 482-504). Les savants firent peu de cas de ses observations et lui reprochèrent d'être incompétent. En 1872, parut une brochure anonyme contre Hartmann; elle avait pour titre : Das Unbewusste, vom Standpunkte der Physiologie und Deszendenztheorie. L'auteur fut félicité de sa compétence et on opposait ses arguments à ceux de Hartmann. Ce dernier fit savoir, en 1877, qu'il était lui-même l'auteur de la brochure anonyme. Il avait été jugé successivement incompétent, puis compétent, suivant qu'il s'était montré hostile ou favorable au darwinisme!

Pourquoi cela? Il est intéressant après coup de se le demander. Assigner toutes les causes qui ont contribué au succès du darwinisme serait malaisé : il semble du moins qu'on puisse ramener les principales à trois catégories. Elles sont d'ordre scientifique, d'ordre philosophique et, il faut l'ajouter, d'ordre antireligieux.

A) Facteurs d'ordre scientifique

On a reproché durement à Darwin de n'avoir été qu'un « dilettante ». Le mot est trop sévère. Il est vrai qu'en écrivant sur une multitude de matières hétéro-gènes, telles que la géologie, la paléontologie, la zoologie systématique, l'éthologie, la psychologie même, Darwin n'a été spécialiste dans aucune de ces branches d'une manière bien tranchée (1). Mais on aurait peutêtre tort de lui faire un reproche de cette universalité. N'avait-il pas un peu besoin, pour parfaire l'entreprise projetée, d'être à un haut degré polymathe?

Ce qui est incontestable, c'est que son œuvre porte supérieurement le cachet scientifique, et c'est à cela qu'elle a dû d'abord la très grande influence dont nous avons parlé.

Rien n'est scientifique, en effet, comme le goût du fait Darwin, on peut le dire, en a eu la religion. Chez lui, pas ou peu de théorie, mais des détails concrets, en masse. Tout dans sa documentation n'est pas de valeur égale: lorsque, par exemple, il cite Brehm comme une autorité, on pourrait demander plus de critique; mais, dans l'ensemble, son information est remarquablement étendue et précise.

Également remarquable chez Darwin cette autre

(1) Pourtant quelques-unes de ses monographies, celle notamment qu'il consacra en 1851 à l'étude des Cirripèdes, sont justement célèbres.

qualité scientifique qui est le souci scrupuleux de la loyauté. Jamais il n'esquive consciemment une difficulté qui vient à l'encontre de sa thèse. Il peut être moins heureux dans les solutions qu'il propose, il n'escamote pas l'objection. De cela, tous les hommes de science lui doivent savoir gré, comme aussi de la franchise avec laquelle il se corrige lui-même, et remplace des affirmations trop catégoriques par des points d'interrogation, des condamnations trop sommaires par de courageuses réhabilitations.

Ces qualités sont faites pour plaire à toute époque et l'on comprend de Quatrefages écrivant qu'à la première lecture de Darwin, il avait dû se défendre contre la séduction exercée sur lui par ce charmeur.

Pour mieux comprendre la faveur qui accueillit l'œuvre de Darwin, il faut se rappeler que pendant les vingt années qui avaient précédé, de 1810 à 1860, on avait fait d'importantes découvertes dans presque toutes les branches des sciences biologiques, et pourtant, avec ces abondants matériaux, on n'avait pas encore construit un édifice durable. Les vues d'ensemble manquaient. On sentait le besoin d'une théorie générale, qui permît d'agencer suivant un plan logique, les récentes acquisitions de la science et de prévoir dans quelles directions s'élèveraient les constructions de l'avenir.

Darwin eut la bonne fortune de présenter à ce moment-là sa doctrine de la sélection naturelle. Celleci avait le mérite incontestable de la simplicité et de l'universalité. Réduire presque tous les problèmes à un seul, tel était le résultat le plus net de la théorie darwinienne : elle avait de quoi séduire des esprits avides d'explications unificatrices.

Inutile d'ailleurs d'insister davantage sur le caractère scientifique propre de l'oeuvre de Darwin: c'est un lieu commun. Ce qu'on remarque moins quand il

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