Sayfadaki görseller
PDF
ePub

l'évolutionnisme. Darwin, comme il nous le dit dans une de ses lettres, était surtout frappé de l'argument qui prouve l'existence de Dieu par l'ordre du monde : il lui semblait impossible que cet ensemble grandiose et merveilleusement ordonné fût l'oeuvre du hasard. Mais quelle idée Darwin se faisait-il de Dieu ? Voilà une question qu'il serait difficile de résoudre. Aurait-il repoussé bien clairement l'idée d'une intelligence suprême immanente à l'univers, d'un dieu-nature, impersonnel? C'est au moins douteux, car il était assez fortement imbu des préjugés agnostiques et avait une médiocre confiance dans les raisonnements métaphysiques. C'est lui-même qui se demande quelque part ce que peut bien valoir sur ces grandes questions une logique qui nous vient des singes. Quoi qu'il en soit, il parait difficile d'insister sur les heureux effets que peut avoir eus l'oeuvre de Darwin au point de vue religieux (1).

Quant à cette affirmation parfois émise qu'il a fallu toutes les instances de ses amis, de Huxley entre autres, pour le décider à publier la descendance de l'homme, Darwin nous renseigne lui-même suffisamment sur la cause principale de ses hésitations: il prévoyait que la théorie de la descendance appliquée à l'homme lui susciterait de grandes difficultés et il craignait, s'il avait plus tôt donné toute sa pensée, que

(1) Dans l'adresse qu'il a lue à Cambridge, M. le Chanoine de Dorlodot s'exprime ainsi : « Il ne parait pas exagéré de dire qu'en nous montrant la création plus grandiose encore qu'on ne l'avait soupçonné, Charles Darwin a complété l'œuvre d'Isaac Newton; car pour tous ceux qui n'ont point des oreilles pour ne point entendre, Darwin fut l'interprète du monde organique, comme Newton fut la voix des cieux, pour raconter la gloire du Créateur et pour proclamer que l'univers est une œuvre vraiment digne de ses mains. » Par ces généreuses paroles le distingué professeur voulait dire évidemment que la théorie de l'évolution qui doit tant à Darwin, nous montre en fait le monde plus beau et par conséquent plus digne de son Créateur. Par courtoisie, M. de Dorlodot s'est abstenu de dire que l'évolution, entendue comme l'entend Darwin, étendue à l'homme, est une hérésie. On le sait assez.

IIIe SÉRIE. T. XVII.

3

son système cût plus de peine à se faire accepter. Il ne semble pas avoir eu d'autres scrupules.

Dès l'apparition de l'Origine des espèces, des polémiques s'étaient engagées en Angleterre entre darwinistes et antidarwinistes sur le terrain religieux. La lutte fut beaucoup plus vive lorsqu'il fut avéré que Darwin n'exceptait pas l'homme et qu'il se mettait, sur ce point, en opposition formelle avec l'orthodoxie. Huxley, le bouledogue de Darwin, comme il se nomme lui-même, profita de l'occasion pour attaquer vivement les croyances chrétiennes.

Ce fut en Allemagne surtout que le parti antireligieux saisit avec empressement cette nouvelle occasion de pousser avec plus de vigueur la lutte contre l'Église. Haeckel se signala dans cette campagne par une violence et une grossièreté qui seront difficilement surpassées.

On retrouve son nom sur la liste des collaborateurs à Darwin and modern Science. Le grand homme aurait-il été bien aise d'être loué par quelqu'un qui s'est permis de recourir, en matière de polémique, aux procédés les moins avouables?

Déconsidéré dans beaucoup de milieux scientifiques, Haeckel n'en reste pas moins pour le peuple le savant qui a libéré les masses des vieilles croyances. Les ouvrages du prophète d'léna se tirent à des milliers d'exemplaires. Les Welträtsel, qui renferment tant. d'énormités en tous genres, n'ont pas été répandus à moins de 80 000 exemplaires dans la seule année 1908. Si, après cela, on ose nier les relations étroites qui unissent le darwinisme et le parti anticlerical, il faut renoncer à faire une démonstration quelconque.

Ce n'est pas à dire que seuls les darwinistes parmi les tenants de l'évolution soient en même temps ardents ennemis des dogmes chrétiens tous les monistes en sont là et la jeune fraction néo-lamarckiste, qui cherche

en Allemagne à recueillir l'héritage du mécanicisme en faillite, se distingue déjà par ses tendances agressives à l'endroit de l'Eglise. Il reste vrai que, pendant la période de ses plus brillants triomphes, le darwinisme a bénéficié dans une large mesure de l'appui de tous les contingents anticléricaux et antireligieux de l'autre côté du Rhin.

En France, on en était à peu près au même point qu'en Allemagne. Le haut enseignement des Facultés des Sciences, à Paris et en province, des Facultés de médecine et des grandes écoles, ne dédaignait pas, lorsqu'il était hostile à l'Eglise - et cela arrivait plus souvent que le contraire d'user contre elle de cet inusable argument : « l'Eglise est l'ennemie du progrès intellectuel, puisqu'elle récuse une doctrine scientifiquement démontrée vraie ».

Voici, par exemple, avec quelle méchante ironie. s'exprimait dans sa leçon d'ouverture du cours d'évolution des êtres organisés, en 1888, M. le Professeur Alfred Giard, qui a été, on le sait, un des plus ardents promoteurs du transformisme en France (1). Il venait de parler de la manière dont M. Albert Gaudry entendait l'évolution : « C'est évidemment, disait-il, celle qui sera adoptée prochainement par les esprits orthodoxes, quand l'Eglise entrera dans la seconde phase de ce nouveau conflit avec la science. Dans la première phase de chacun de ses conflits, l'Eglise, on le sait, a combattu par la parole et quelquefois par le feu, le nouveau progrès scientifique. Dans la seconde phase, elle s'est efforcée de démontrer que le progrès en question n'en était pas un, et que les Ecritures avaient. depuis longtemps affirmé la prétendue nouveauté (2). »

p. 7.

(1) Histoire du transformisme, dans Controverses transformistes, 1904, (2) Qu'aurait dit M. Giard, si, assistant au Congrès de Cambridge, il y avait

Voilà une diatribe qui manque franchement de sérénité et que l'on a de la peine à accorder avec les déclarations pacifiques faites par M. Giard à la fin de cette même conférence : « Si, dans le cours de ces leçons, disait-il, il m'arrivait d'énoncer quelque proposition, de formuler quelque critique de nature à froisser des idées auxquelles vous êtes habitués, à ébranler des convictions qui vous sont chères, n'y voyez de ma part aucune tendance agressive, aucun désir de prosélytisme extra-scientifique (1). »

Si, dans les chaires de l'enseignement supérieur et dans les ouvrages scientifiques, on entendait ainsi l'impartialité, on devine à quel niveau devait tomber la polémique dans les écrits de vulgarisation et dans les conférences populaires sur le transformisme.

Dans la même leçon que nous citions plus haut, M. Giard faisait un aveu qui renferme une trop grande part de vérité pour ne pas trouver en entier sa place ici.

« C'est là le désavantage des sciences concrètes et

entendu M. le Chanoine de Dorlodot prononcer les paroles suivantes : Darwin était digne sous tous rapports d'être choisi pour établir cette vérité, prévue déjà par Augustin, que Dieu, en faisant le monde, a mis en lui toutes les forces nécessaires à son épanouissement » ? Ne l'avais-je pas prédit, aurait-il pensé, nous sommes à la seconde phase! Fort bien. Mais quel mérite y a-t-il à faire des prophéties après coup? Bien avant 1888, époque à laquelle M. Giard faisait sa prédiction, le fait était réalisé. Depuis longtemps déjà, il y avait des évolutionnistes chrétiens qui admettaient bien à tort, c'est vrai, mais très sincèrement que la Bible pouvait fournir un appui au transformisme. Quant à l'évolutionnisme de S. Augustin, il n'avait pas besoin d'être découvert. Ce qui ne veut pas dire - est-il besoin de le faire remarquer ? — que le système des rationes seminales ait beaucoup de points communs avec le système de Darwin!

(1) Op. cit., p. 25. Il est fàcheux pour la gloire de l'illustre Maître, qu'il ait encouragé, dans son entourage le plus immédiat, l'éclosion de plusieurs de ces ouvrages de vulgarisation qui, s'ils ont cherché à faire beaucoup de tort à la religion, n'ont assurément fait aucun honneur à la science.

Il n'est que juste, d'ailleurs, de reconnaitre que, par suite d'une heureuse inconséquence, quand M. Giard rencontrait chez un collègue ou un élève — ceux-ci fussent-ils des ecclésiastiques — de la valeur scientifique ou simplement le désir d'apprendre, il oubliait ses idées antireligieuses et savait se montrer le plus sympathique des amis et le plus encourageant des maitres. Ceux qui l'ont connu de près ne peuvent pas l'oublier.

touchant à des objets connus de tous, que chacun se croit à même d'en parler et en parle à tort et à travers. Aussi je vous supplie de ne jamais ouvrir un de ces prétendus livres de vulgarisation si nombreux aujourd'hui, qu'il soit écrit pour ou contre le transformisme. Car le malheur est que le plus souvent, les arguments fournis en faveur de l'évolution sont d'une plus irritante nullité que les critiques des incompétents (1). »

Ce sont pourtant ces livres, qui contiennent en faveur de l'évolution des arguments « d'une irritante nullité» qui se vendent. On les achète beaucoup plus que les ouvrages scientifiques. Partout où ils pénètrent, ils popularisent le transformisme et du même coup sèment l'irréligion et, ajoutons-le tout de suite, l'immoralité.

Cela, il ne faut pas essayer de le contester les faits sont patents. Ce sont, en effet, des distinctions par trop subtiles pour le bon sens populaire que celles de certains évolutionnistes athées, qui se prétendent encore religieux.

On a détruit, prétend-on, la vieille religion fondée sur des dogmes révélés; mais on lui a substitué la religion de l'humanité! Phrases creuses! Le peuple ne voit dans tout cela qu'une chose : ce qu'enseigne l'Église est faux; il n'y a donc pas plus à se préoccuper de sa morale que de son dogme. Les conséquences que la logique populaire tire de ce double affranchissement sont faciles à prévoir.

La morale darwiniste est extrêmement accommodante! Car, en fin de compte, si l'on n'est obligé envers personne, on peut ne point se sentir le goût de sacrifier à je ne sais quelle humanité à venir, des tendances qu'éprouve l'humanité individuelle de chacun. D'ailleurs, les darwinistes sont presque tous déterministes,

(1) Op. cit., p. 24.

« ÖncekiDevam »