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tion n'avait aucune base objective. L'idée de la route humide avait évolué et, si elle n'avait pu modifier l'état des extrémités (1), elle avait impressionné du moins les centres sensoriels et provoqué une sensation d'humidité et de froid localisée, avec toute la logique voulue, dans les pieds, tout comme la suggestion localisait dans le bras hypnotisé la sensation de la brûlure. Il arrive même, en général, que non seulement les suggestions et les rêves s'imposent à la conscience et s'inscrivent dans les nerfs, mais encore que tout ce qui entre, de fait, dans la conscience, y prend une importance démesurée. Ce phénomène relève encore des mêmes explications de la loi de l'évolution des idées dans la conscience, et du fait de l'état second qui abolit plus ou moins le contrôle. Partout où, pour une cause quelconque, ce contrôle des idées préexistantes fait plus ou moins défaut, on peut constater ce résultat. Les exagérations des hystériques sont légendaires. On les retrouverait aussi, quoique atténuées, chez les étroits

(1) Dans l'hypnose, il est vrai, on a pu produire, par suggestion, un abaissement réel de la température (d'après Marès et Hellich, cités par Grasset, Hypnotisme et suggestion, p. 288), ou même, d'une façon générale, faire contracter les muscles lisses (ceux qui, à l'état normal, ne dépendent pas de la volonté) et ainsi modifier les tissus par exemple, provoquer des ulcérations, des hémorragies, etc... Mais le fait est beaucoup plus rare qu'on ne l'avait eru d'abord, au moins pour les modifications notables : M. Brissaud a déclaré (à la Société de Neurologie de Paris) qu'il était de plus en plus convaincu de l'inexistence des œdèmes et des ulcérations hystériques. Dans presque tous les exemples observés depuis quelques années, la supercherie a été découverte » (H. Meige, dans la PRESSE MÉDICALE, 4 août 1908; voyez aussi J. Babinski, Quelques remarques, etc.; Bernheim, De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique, 3me édition, 1891, p. 114; Grasset, Hypnotisme et suggestion, pp. 271-291). En somme, ces faits, quand ils existent, ne se développent «que chez des sujets exceptionnels, tout particulièrement suggestibles, et surtout chez les sujets qui ont spontanément des troubles trophiques cutanés ou circulatoires intenses » (Grasset, p. 291). Il faut donc, d'une part, que l'organisme soit déjà très rapproché du but, et, d'autre part, que la suggestion acquière une force exceptionnelle; il n'est pas étonnant que le rêve de l'homme normal, privé de cette double condition, ne réalise pas ces résultats. Mais, on le voit, c'est une question de degré et non pas de nature.

d'esprit, chez les enfants, chez les malheureux ou les malades absorbés dans la contemplation de leurs misères. Il faut s'attendre à les voir dans les hypnotisés ; la suggestion d'une limace sur le plancher pourra provoquer chez eux, en certains cas, une horreur inexprimable, et un verre d'eau pure ou une potion amère qu'on leur présentera comme de l'eau sucrée pourra leur causer d'invraisemblables délices. De même dans le sommeil, un dormeur dont on chatouille les lèvres et le bout du nez avec une plume, rêve « qu'on le soumet à un horrible supplice, qu'un masque de poix lui est appliqué sur la figure, puis qu'on l'en arrache brusquement, ce qui lui déchire la peau des lèvres, du nez et du visage » (1). Un autre, baigné de sueur, s'imagine nager en pleine mer (2). Bref! tout s'agrandit; la piqûre d'un insecte devient un coup d'épée, et le bruit d'une porte sonne comme un coup de canon.

Mais nous avons eu le soin de dire que tous ces phénomènes se produisent en général. Les mêmes causes peuvent, dans des conditions différentes, produire des effets différents. Or, comme nous l'avons déjà laissé entendre, les habitudes de la vie normale peuvent être enregistrées assez profondément dans les centres nerveux pour s'y transformer en forces automatiques capables d'agir sans aucun secours de l'attention. Par ailleurs, le nouvel état de conscience peut être plus ou moins étendu, plus ou moins cohérent, plus ou moins organisé selon les circonstances et selon la durée ou la répétition des mêmes phénomènes. Quoi qu'il en soit, toute idée qui heurtera, sans être assez forte pour les dominer ou les détruire, ces forces automatiques ou cette conscience nouvelle, sera contredite et repoussée. Voilà pourquoi, même dans le sommeil, on résiste habituellement aux tentations qui attaquent les vertus

(1) Maury, ouvr. cité.

(2) Tissié, Les rêves, 2o édit., 1898, p. 6.

pratiquées avec le plus de persévérance; et, même dans T'hypnose, certaines suggestions ne prennent pas (1). Elles prennent d'autant moins que la personnalité seconde est plus accentuée et présente plus de cohésion. Voilà pourquoi les grands malades de la clinique de P. Janet qui, pour la plupart, ne sont que des ruines psychologiques à l'état normal, par suite des sens oblitérés ou perdus, et qui, en état d'hypnose, recouvrant plus ou moins l'usage de leur sensibilité, présentent alors une personnalité plus accusée et plus complète, sont d'autant moins suggestibles que leur hypnotisme est plus profond (2). Mais en somme, étant donné l'état second de conscience, on voit que tous ces phénomènes s'expliquent, pour l'hypnose comme pour le sommeil, par la seule loi du développement des idées.

L'explication est plus facile encore pour cet autre phénomène, à première vue si bizarre, de la mémoire alternante dans l'hypnose. Le sujet, en revenant à son état normal ou état 1, ne se rappelle plus rien de ce qui s'est passé dans les états 2, 3, 4... ; mais il retrouvera ces souvenirs en revenant dans le même état hypnotique. Par exemple, le sujet Léonie, en état 2,

(1) Un chirurgien m'a raconté qu'il avait tenté d'opérer un militaire préalablement hypnotisé. L'hypnotisme paraissait profond; mais il est probable que le brave homme s'était laissé endormir avec une arrière-pensée de doute et de crainte. Quoi qu'il en soit, au premier coup de bistouri, peu convaincu que la sensation n'existait pas, il se mit à crier au secours. On peut voir, dans Névroses et idées fires de M. Janet, Paris, Alcan, 1908, I, pp. 481-484, un cas qui a mieux réussi et la conclusion que l'auteur en tire. Voyez aussi Bernheim, Hypnotisme, Suggestion, Psychothérapie, leçon VIa.

Les auteurs citent en abondance des exemples où la suggestion se heurte contre une idée plus forte. Parfois, on peut saisir sur le vif la lutte entre la suggestion et l'idée préexistante; ainsi un sujet à qui Bernheim suggère de prendre une montre hésite, mais finalement refuse: «Non, ce serait un vol. » L'hypnotiseur répète l'hypnose, renouvelle la suggestion, jusqu'à ce que celleci étant plus forte ou la conscience plus affaiblie, le sujet se décide (Ouvr. cité, pp. 53 et s.). Mais le sujet ne se décide pas toujours : « les hypnotiques les plus sensibles sont capables de résister aux suggestions en opposition à un sentiment profond» (Ch. Féré, L'Instinct seruel, Alcan, 1902, 2 édit., p. 337). (2) Automatisme, 1oo part., ch. Il et III.

invective son hypnotiseur M. P. Janet, se fâche et finit par s'enfuir. On peut la rejoindre; mais la scène se prolonge dans la rue : « Je trouvai plus simple de la réveiller, dit P. Janet. Immédiatement, comme par enchantement, la voici douce et aimable, sans le moindre reste de mauvaise humeur. » Elle a tout oublié, même qu'elle avait dormi. Rendormie le lendemain, <<< elle retrouva tout d'un coup l'excitation qu'elle avait cue la veille », et les reproches recommencèrent (1).

Ce caractère de la mémoire alternante a beaucoup frappé les expérimentateurs et ils en rapportent des exemples innombrables. Cependant, malgré son extrême. fréquence, on ne peut dire qu'il soit absolu. Le souvenir de l'état 2 au réveil peut être provoqué par suggestion. Il suffit de dire à l'hypnotisé « de fixer dans son cerveau une idée ou une image quelconque, pour qu'il se la rappelle en effet. Lorsqu'à son réveil, on lui demande s'il ne se souvient de rien, il répond ordinairement qu'il a rêvé et il raconte ce qu'on lui a fait graver dans sa mémoire (2). » Il racontera tout, si on lui a suggéré de se souvenir de tout (3). Mais il peut se souvenir aussi en dehors de toute suggestion, au moins à la suite des hypnoses légères, peu profondes, ou bien quand le réveil est brusque et s'opère pendant que le rêve hypnotique se développe. « Je fais croire à Lucie que sa robe brûle, et elle presse l'étoffe pour arrêter la flamme. Réveillée brusquement à ce moment, elle murmure: Tiens! j'étais assez bête pour croire que ma robe brûlait (4). » M. Gurney, parlant d'un sujet hypnotisé pour la première fois, nous dit qu'il « se souvenait de tout, de ce qu'il avait fait et des senti

(1) Ouvr. cité, pp. 74 et suiv. Quelques malades se réveillent subitement au milieu d'une phrase, et, dans la crise suivante, huit jours après, ils reprennent au mot interrompu (P. Janet, Névroses, p. 58).

(2) Le général Noizet, cité par Grasset, Psychisme inférieur, p. 200. (3) Voir Bernheim, Hypnotisme, Suggestion, Psychothérapie, p. 71. (4) P. Janet, Automatisme, p. 81.

ments de surprise qui accompagnaient ses actes, comme s'il avait eu deux moi, l'un regardant les actions de l'autre » (1). Enfin M. Bernheim assure qu'une association fortuite peut toujours renouer les deux mémoires, et que, si l'oubli au réveil est la règle, cependant les souvenirs de l'état hypnotique peuvent toujours être réveillés (2). »

Tels sont, brièvement résumés, les phénomènes de la mémoire alternante.

Il est facile de voir qu'ils sont la conséquence immédiate de l'état second de conscience. Quand l'état second se distingue entièrement du premier, ils représentent l'un et l'autre comme des champs parallèles de conscience et qui, ne se rencontrant pas, restent entièrement étrangers l'un à l'autre. Mais cette distinction absolue, supposant que le phénomène se présente dans toute sa perfection, doit souffrir dans la pratique, des exceptions nombreuses; des communications doivent se faire d'un état à l'autre, notamment dans les états mal caractérisés ou quand un réveil brusque rapproche les deux champs de conscience et les soude pour ainsi dire par les bords; ou encore quand la suggestion de garder le souvenir au réveil, rappelant au sujet qu'il se trouve dans un état anormal, lui fait, par là même, jeter un pont entre les deux ; ou enfin quand le jeu de la vie normale réveille une impression subie dans l'hypnose. En deux mots qui expriment une tautologie, les deux états restent étrangers l'un à l'autre aussi souvent et aussi longtemps qu'ils n'ont aucun point de contact; et, au contraire, dans la mesure même où ils se compénètrent, leur mémoire s'identifie.

(1) Ouvr. cité, p. 67. Un témoin très digne de foi nous assure que le même phénomène se produit souvent dans ses rêves. Il rêve, par exemple, qu'il parle à Monseigneur d'Hulst, son ami, tout en sachant que c'est une illusion et que son ami est mort.

(2) Ouvr. cité, p. 501.

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