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l'improviste, un public immense occupait toutes les avenues. Les magistrats furent accueillis par la foule avec un véritable enthousiasme, par des vivat et des applaudissements. Ils entrèrent en séance comme si jamais leurs réunions n'eussent été interrompues. Les gens de Sa Majesté demandèrent à entrer. Ayant été admis, ils présentèrent une déclaration du roi, en sept articles, portant ces mots : Article 1er. « Nous voulons et ordonnons que « l'assemblée des états généraux ait lieu dans le courant de janvier << de l'année prochaine. Le reste de l'ordonnance prononçait le retrait des édits et rétablissait les choses sur l'ancien pied. Cette déclaration était signée de la veille 23 septembre 1788. Elle ne fut pas accueillie par le parlement comme il semblait qu'elle dût l'être. Pendant la lecture, les magistrats manifestaient, par leur tenue froide et roide, qu'ils la considéraient comme une concession à eux faite. La lecture achevée, on demanda que l'enregistrement fût ajourné et la délibération renvoyée au lendemain. Ensuite la cour, comme s'il se fût agi d'un événement des plus ordinaires, et par une affectation étrange, passa à d'autres affaires. Elle s'occupa d'une dénonciation contre le commandant du guet et le lieutenant de police, accusés d'avoir commis des violences et des meurtres, depuis le 26 août dernier, pour dissiper des attroupements inoffensifs, disait-on. La vérité est qu'à la nouvelle de la démission de Loménie de Brienne, la place Dauphine, qui est voisine du palais, avait été illuminée, et une troupe de jeunes gens s'étant pourvue d'un mannequin représentant le ministre, s'était mise à parodier la justice des grands bailliages et l'avait condamné au feu. Mais il fallait du bois pour brûler le mannequin : ils prirent les baraques des petits marchands qui étalaient sur le Pont-Neuf. Cette comédie attira beaucoup de monde et produisit des rassemblements qui se reformèrent ensuite tous les soirs. Le guet et les gardes françaises étaient employés à les dissiper; mais le peuple était devenu impatient de toutes ces formes de la force. De là des collisions violentes, dans lesquelles le sang coula et des corps de garde furent pris et brûlés. L'émeute, enfin, grossissant, s'arma de torches et alla attaquer les hôtels des ministres et du commandant du guet. La troupe fit feu sur les attroupements; il y eut quelques hommes tués et beaucoup de blessés. Cela ne suffit pas pour dissiper l'émeute, qui se reformait incessamment; il fallut faire charger la cavalerie. Qu'on juge de l'effet que produisirent de pareilles scènes dans une ville ordinairement aussi paisible. L'indignation était extrême. On disait que le nombre des victimes était considérable, que c'était les soldats qui avaient provoqué le peuple, et que leur brutalité n'avait

respecté ni les passants inoffensifs, ni les femmes, ni les enfants. Le parlement, en s'occupant de ces faits, ou cédait lui-même au sentiment public, ou cherchait à se l'acquérir; il fit comparaître à la barre le lieutenant de police et le commandant du guet, et les interrogea; puis il rendit un arrêt qui prescrivait d'informer des excès commis par les préposés à la garde de Paris.

La nouvelle de la déclaration du roi relative à l'assemblée des états généraux fut accueillie par le public tout autrement que par le parlement. Elle passa presque aussitôt, de la salle des séances, dans la foule qui remplissait le palais. Colportée aussitôt dans Paris, elle y excita une joie universelle. Le soir plusieurs maisons furent illuminées. On tira des pétards et des fusées dans les rues, et les attroupements, assurés de la protection du parlement, se moquèrent impunément du guet qui voulait les dissiper.

La déclaration du roi du 23 septembre fut enregistrée le 25, mais non pas sans observations. Le parlement redoutait déjà les conséquences de ce qu'il avait demandé et de ce qu'il avait contribué à obtenir. L'esprit public lui était parfaitement connu, et il commençait à craindre qu'il ne dominât dans les états généraux et n'entraînât dans une ruine commune, avec tous les abus, tous les priviléges et le sien même. Il n'y avait qu'un moyen pour diminuer le danger, si ce n'était pour l'annuler tout à fait, c'était de faire en sorte que la majorité appartînt aux corps privilégiés. Aussi fut-il unanime pour décider qu'on observerait, dans les futurs états généraux, les formes qui avaient présidé à la réunion de ceux de 1614, quant au mode d'élection, de composition et de délibération; ce qui concluait à demander que les trois ordres eussent chacun le même nombre de députés et votassent séparément. Cet avis fut converti en un arrêt, et par là acquit la force d'une question jugée, sauf recours au conseil du roi. Dans la part que chaque magistrat prit à cette décision, qui était une véritable rétrogradation, tous sans doute ne furent pas mus par le motif de la conservation de leurs priviléges. Quelques-uns s'y déterminèrent parce qu'ils crurent ainsi continuer, utilement pour la nation, des usages en quelque sorte constitutionnels consacrés par le temps. Mais le public n'en jugea point ainsi; il retira aux magistrats la faveur dont il les avait entourés, et il se passionna contre les parlements comme il s'était passionné pour eux. D'Esprémenil, qui était l'auteur de la proposition, devint bientôt l'objet des attaques les plus vives et resta suspect. On oublia la persécution qu'il avait subie, pour ne se souvenir que de son opposition au doublement du tiers.

La question des états généraux était désormais la grande affaire et

l'unique occupation du public. C'était le recours définitif dans lequel tout le monde plaçait ses espérances. Le tiers état sentait que s'il laissait passer cette occasion, il perdait à jamais celle d'obtenir justice des abus de toute espèce et des misères de toute sorte qui pesaient sur lui depuis des siècles. Aussi s'attacha-t-il avec passion au seul moyen qui dût lui permettre de conquérir ses droits. C'était ce que l'on appelait le doublement du tiers; il s'agissait, pour lui, d'obtenir que ses représentants aux états fussent en nombre double de celui qu'y envoyait chacun des deux autres ordres, ou autrement, en nombre égal à celui des députés réunis du clergé et de la noblesse. Dans cette circonstance, les écrivains ne manquèrent point à leur mission. La question fut traitée, le droit démontré dans une multitude de brochures auxquelles la censure ne pensait plus à mettre obstacle. Aux brochures succédèrent les actes. On se mit à signer des déclarations. Ce mouvement commença encore par la Bretagne. Les habitants de la plupart des villes, les corps municipaux, les corporations de marchands et d'artisans signèrent des déclarations pour le doublement du tiers. Les corporations de Paris en firent autant. Les états du Dauphiné prirent unanimement une décision semblable. Dans le Vivarais, la plupart des membres du clergé et un grand nombre de personnages de la noblesse et du tiers, se réunirent à Privas, se déclarèrent assemblée des trois ordres du Vivarais, et adhérèrent aux actes des états du Dauphiné.

On ne peut savoir si ces faits, qui montraient l'État tombant dans une complète anarchie, déplaisaient à Necker. Ses ennemis ont dit qu'il les voyait avec plaisir. En effet, par la raison même qui faisait désirer aux possesseurs de priviléges d'être, aux états généraux, plus nombreux que le tiers, le ministre désirait le contraire. C'était en effet en réduisant les privilégiés à l'égalité devant la loi qu'il pouvait les soumettre à l'égalité devant l'impôt. Il proposa donc au roi de décider le doublement du tiers. Mais Louis XVI, embarrassé entre les demandes de son ministre et les sollicitations très-vives dont la cour se rendait l'organe, n'osa rien prendre sur lui avant d'avoir consulté les notables. En conséquence, une nouvelle assemblée des notables fut convoquée à Versailles. Elle avait la même composition que la première fois. Le roi en fit l'ouverture le 5 octobre 1788 et lui fit proposer une suite de questions sur les états généraux. L'assemblée se divisa en bureaux pour les examiner. Il ne s'y passa rien de remarquable qu'une protestation contre le doublement du tiers qui fut signée par le comte d'Artois, le prince de Condé, le duc de Bourbon, le duc d'Enghien et le prince de

Conti. L'avis de la majorité fut d'ailleurs contre le doublement du tiers. L'assemblée fut dissoute le 12 décembre. Le 27, Necker présenta dans le conseil un rapport sur le résultat de la délibération des notables, dont on publia les conclusions sous le nom de Résultat du conseil d'État du roi. On y disait que Sa Majesté avait ordonné que les députés aux prochains états généraux seraient au moins au nombre de mille; que le nombre de députés du tiers état serait égal à celui des deux autres ordres réunis; que l'on s'occuperait de préparer sans délai les lettres de convocation, ainsi que les autres dispositions qui devaient les accompagner.

La publication de cette ordonnance solennelle arrêta beaucoup d'oppositions qui se préparaient, et détermina plus d'un personnage et plus d'une corporation à changer d'avis. Pour le moment, le roi, le ministère et la nation étaient unanimes. Peu de gens étaient capables de braver une si imposante majorité. Le parlement de Paris fut du nombre des pouvoirs qui se convertirent. Le 5 décembre, sur la proposition de d'Esprémenil lui-même, il revint sur sa première décision. Il déclara, à la majorité de quarante-cinq voix contre trente-neuf, que le nombre des députés de chaque ordre aux états généraux n'était fixé par aucune loi, et qu'il s'en rapportait à cet égard à la sagesse du roi; mais il était trop tard pour reconquérir la popularité. On fit si peu d'attention à ce retour, un peu brusque cependant, que l'opinion générale resta toujours que le parlement s'était opposé à l'augmentation du nombre des députés du tiers état. L'attention était ailleurs : l'importance des parlements était finie.

Analyse du règlement du roi pour la convocation des états généraux, en date du 24 janvier 1789.

Les lettres de convocation seront adressées aux gouverneurs des provinces, pour les faire parvenir aux baillis et sénéchaux (1). Il sera distingué deux classes de bailliages : les bailliages principaux, qui ont député directement en 1614; les bailliages secondaires, qui n'ont pas député directement à cette époque.

Les bailliages principaux auront un arrondissement dans lequel seront répartis les bailliages secondaires. Les assemblées pour la nomination des députés aux états auront lieu aux siéges des bailliages principaux.

Les ecclésiastiques possédant bénéfice, les curés de paroisses, etc.,

(1) La France était divisée en bailliages sous le rapport judiciaire. Dans les pays de droit écrit on appelait les bailliages sénéchaussées,

comparaîtront en personne ou par un procureur fondé à l'assemblée du bailliage principal. Dans chaque chapitre'séculier d'hommes, les chanoines nommeront un député sur dix pour comparaître à l'assemblée du bailliage, les autres ecclésiastiques attachés au chapitre, un député sur vingt présents. Les autres corps ou communautés des deux sexes nommeront un seul député. Les ecclésiastiques des villes, non possédant bénéfice, choisiront un député sur vingt ecclésiastiques; les ecclésiastiques non résidant dans les villes comparaîtront en personne, sans pouvoir se faire représenter par procureur.

Tous les nobles possédant fief, ainsi que les femmes, filles et mineurs possédant fief, comparaîtront en personne ou par procureur fondé à l'assemblée du bailliage principal. Les nobles non possédant fief, âgés de vingt-cinq ans, nés ou naturalisés Français, seront tenus de se rendre en personne, sans pouvoir se faire représenter par procureur.

Les nobles ou ecclésiastiques possédant des fiefs dans plusieurs bailliages pourront se faire représenter dans chaque bailliage.

Les lettres de convocation seront notifiées aux officiers municipaux des villes et communautés des campagnes. Huitaine au plus tard après cette notification, tous les habitants se rassembleront.

Les personnes de campagne, des bourgs et petites villes s'assembleront dans le lieu ordinaire devant le juge du lieu. Auront droit d'assister à l'assemblée tous les habitants composant le tiers état, nés Français on naturalisés, âgés de vingt-cinq ans, domiciliés et compris au rôle des impositions, pour concourir à la rédaction des cahiers et à la nomination des députés.

Dans les villes, les habitants s'assembleront d'abord par corporations. Les corporations d'arts libéraux choisiront un député à raison de cent individus et au-dessous, deux à raison de cent à deux cents, etc. Les corporations d'arts et métiers choisiront deux députés à raison de cent individus et au-dessous, etc.

Les habitants des villes non compris dans les corporations se réuniront à l'hôtel de ville et nommeront des députés à raison de deux pour cent individus, etc.

Les personues de campagne éliront deux députés à raison de deux cents feux et au-dessous, trois au-dessus de deux cents feux, quatre au-dessus de trois cents feux.

Les députés des villes choisis dans les assemblées particulières ormeront à l'hôtel de ville l'assemblée générale du tiers état, chargée de la rédaction des cahiers.

Dans les bailliages principaux qui ne comprennent pas dans leur

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