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Les élections de Paris ne se terminèrent pas cependant sans troubles. Il est vrai que personne ne pensa à les rattacher au mouvement politique qui animait la capitale. Cependant, peut-être ne furent-ils qu'un retentissement dans le peuple de l'émotion qui remuait la bourgeoisie.

Dans le district du faubourg Saint-Antoine, il se trouvait beaucoup de petits artisans. Il s'opéra une sorte de scission non préméditée entre ceux-ci et les notables du quartier, parmi lesquels marquait M. Reveillon, fabricant de papiers peints. Lorsqu'on fut arrivé à la rédaction du cahier, chacun proposa son article et discourut pour défendre sa motion. Les hommes du monde écoutèrent, non sans impatience, les harangues diffuses des hommes moins bien élevés qu'eux, et écartèrent quelquefois, avec des manières qui n'étaient rien moins que polies, des avis qui étaient sans doute souvent déplacés. Cette hauteur et quelques expressions dures irritèrent la partie pauvre de l'assemblée. Sa colère s'attacha à l'homme le plus remarquable à ses yeux, au fabricant Reveillon. Elle éclata hors de l'assemblée, le 27, par des menaces; et enfin, le 28, par une émeute dont la violence s'accrut de tous les éléments de troubles que Paris possédait. Les ouvriers souffraient de l'inactivité des travaux, de la baisse de salaires qui en avait été la suite, enfin du renchérissement du pain. D'un autre côté on apprenait que l'ouverture des états généraux était prorogée au 4 mai, et l'on supposait qu'on préludait, par cette mesure, comme par une sorte d'essai pour tâter l'opinion publique, à une prorogation indéfinie. Le 27 donc, il n'y eut qu'un aftroupement qui se promena dans le faubourg et dans les environs de l'hôtel de ville. La course fut terminée par un simulacre de jugement qui condamnait, au nom du tiers état, Reveillon à être pendu en effigie et on alla en effet pendre un mannequin sur la place de Grève. Le 28, une bande plus considérable, composée d'hommes, de femmes et d'enfants, attaqua la maison de Reveillon et s'en empara. Elle fut saccagée, ainsi que deux maisons voisines, dont l'une appartenait à M. Henriot. On fit marcher les troupes, qui, après une résistance assez vive excitée par la violence même de la répression, dissipèrent cet attroupement. Il y eut, dit-on, beaucoup de sang répandu: environ deux cents morts et trois cents blessés du côté du peuple; douze morts et quatre-vingts blessés parmi les soldats.

Toutes les opinions furent unanimes pour blâmer les assaillants, et chacun chercha l'origine de l'affaire dans des causes conformes à ses sentiments. L'opposition prétendit y trouver une preuve de la conspiration tramée contre la monarchie par les orléanistes. On voulait,

TOME I.

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disait-elle, exciter les Parisiens à prendre les armes. Le tiers état vit un effet des vengeances dont le menaçait la noblesse. Le plus grand nombre prétendit que l'attroupement avait été excité par la cour, qui voulait avoir un prétexte pour appeler des troupes à Paris. M. Reveillon, qui avait été se cacher à la Bastille, où il se tint enfermé pendant un mois, prétendit que le rassemblement avait été dirigé contre lui par un ennemi personnel, un pauvre abbé. Ce malheureux fut arrêté. En conséquence, on s'accordait de tous côtés à dire que cette bande de pauvres gens était conduite par des hommes déguisés en femmes, par des hommes bien mis. On avait, ajoutaiton, trouvé de l'argent dans les poches de ces hommes, dont les vêtements et la maigreur annonçaient une profonde misère. Au reste, ce qui étonna le plus, c'est que rien ne fut volé. Reveillon luimême, dans un mémoire justificatif adressé à ses concitoyens, en convint. Il ne perdit que ce qui pouvait être brisé ou brûlé. Mais quelle était l'opinion des combattants eux-mêmes sur leur propre conduite? On ne peut la savoir que par les mots qu'ils laissèrent échapper: ils donnaient à leurs morts et à leurs blessés le titre de Défenseurs de la patrie.

Nous citons ces faits pour montrer à quel point était parvenu le sentiment de méfiance qui partageait les diverses classes qui allaient se trouver en présence aux états généraux. Mais il faut nous hâter d'arriver à ce moment important de notre histoire. Nous nous bornerons donc à ces détails, qui ouvrent clairement la suite des événements qui exercèrent le plus d'influence sur les destinées de la nation, parce qu'ils se développèrent dans la capitale. Il nous serait impossible d'ailleurs, à moins d'un volume encore, d'exposer toutes les circonstances par lesquelles l'esprit public se manifestait dans les provinces: ce serait changer un livre d'histoire en un recueil d'anecdotes. Il nous suffit d'avoir noté les faits les plus importants, et d'ajouter que sous des proportions moindres, le caractère des événements fut partout le même.

L'analyse des cahiers des députés aux états généraux, qui va suivre, achève de faire connaître l'état de l'opinion publique, les progrès et les besoins de l'époque. Ces cahiers offrent en effet l'exacte mesure de l'esprit et de l'éducation nationale. Ils expriment, dans une proportion exactement conforme à la réalité, les diverses prétentions des divers ordres; ils accusent tous les vices et tous les abus de l'organisation sociale existante; ils assignent à chacun sa véritable place dans l'égoïsme ou le dévouement; en un mot, c'est le préambule nécessaire de la révolution française, où se trouve la raison des résistances qu'elle devait éprouver, et la justification de toutes ses colères.

CHAP. III. Résumé des cahiers.

Cahiers du clergé. —Après avoir insisté sur la nécessité de maintenir en France la religion catholique comme religion de l'État, et sur celle de garantir la solennité du culte public, le clergé demande qu'on s'occupe activement d'arrêter la publication des livres antireligieux, des écrits immoraux, et surtout de ces gravures obscènes qui tapissent les rues, de ces peintures lascives qui corrompent le cœur par les yeux. Son opinion se partage sur la question de la liberté de la presse: cependant, le plus petit nombre seulement des cahiers demande le maintien de la censure. Les autres proposent diverses mesures propres seulement à réprimer les excès de la presse contre la religion, les mœurs et les personnes.

Le clergé reconnaît le relâchement de la discipline ecclésiastique; il ne met pas en doute que l'exemple de ses mauvaises mœurs n'ait été une des plus grandes causes de l'affaiblissement du sentiment religieux. Il gémit sur les scandales de tous les jours qui déshonorent le ministère ecclésiastique. Une réforme est donc instante. A cet effet il propose le rétablissement des conciles nationaux et des synodes provinciaux, l'abolition de la pluralité des bénéfices, l'obligation de la résidence; il demande enfin que les dignités de l'Église ne soient plus exclusivement données à la noblesse, et que la vertu et le mérite soient consultés avant la naissance, etc.

Les cahiers insistent ensuite sur la conservation des prérogatives du clergé. Quelques-uns s'élèvent contre une proposition qui avait été exprimée dans plusieurs assemblées; on faisait remarquer qu'il y avait dans l'Église une noblesse et un peuple. En conséquence, disait-on, les dignitaires de l'Église doivent siéger parmi les nobles; et les pauvres prêtres resteront dans leur caste, le tiers état. D'ailleurs, on s'accorde pour demander une nouvelle démarcation des paroisses, l'augmentation du revenu des curés, la suppression du casuel; enfin plusieurs votent pour qu'on restitue aux pasteurs les dîmes et novales.

Les cahiers demandent la conservation de la plupart des communautés religieuses; mais ils insistent sur la nécessité d'y rétablir la discipline et souvent les mœurs. Quelques-uns proposent des moyens pour les utiliser. Quelques autres veulent que dans les riches communautés il soit établi des hôpitaux pour les pauvres ma lades. Quelques autres votent pour qu'il soit défendu aux couvents de recevoir des dots à l'avenir; enfin il en est un qui, prévoyant le cas où l'on supprimerait ces communautés, supplie pour que le sort des religieux soit assuré.

Quant à l'éducation, le clergé demande « qu'il soit pourvu à la conservation des mœurs de la jeunesse et de tous les citoyens, en interdisant tout ce qui tend directement à les corrompre, et spécialement les livres impies et obscènes, l'exposition si commune aujourd'hui des statues, peintures, gravures indécentes, et ces spectacles corrupteurs dont la capitale est remplie, qu'on colporte jusque dans les campagnes, et qui portent la contagion dans la classe même du peuple qui en était autrefois préservée; en réprimant, de la manière la plus sévère, la licence effrénée de ces prostituées infàmes dont le nombre croît tous les jours, et qui, ne rougissant pas d'associer l'enfance elle-même à leurs honteuses sollicitations, insultent à toutes les heures et dans toutes les rues, à la pudeur publique. >>

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Ensuite les cahiers demandent, sous diverses formes, qu'il soit fait un plan d'éducation nationale; que l'éducation publique ne soit plus conduite d'après des principes arbitraires, et que tous les instituteurs soient tenus de se conformer à un plan uniforme approuvé par les états généraux; - que pour mettre tous les magistrats et gens en place dans le cas d'acquérir les lumières nécessaires à leurs fonctions, il soit formé un plan d'études nationales; — que la classe des maîtres d'écoles soit perfectionnée, encouragée, améliorée; que leurs places ne soient données qu'au concours et avec l'approbation des curés; qu'il soit formé des pépinières de ces hommes si nécessaires; qu'il soit établi et fondé dans toutes les paroisses, en proportion de leur étendue, des écoles gratuites, mais distinctes et séparées pour l'un et l'autre sexe; -que pour élever gratuitement les enfants pauvres, tant des villes que des campagnes, qui montrent d'heureuses dispositions, il soit établi des pensions ou de petits séminaires, etc.; enfin la majorité des cahiers vote pour que l'éducation soit confiée au clergé.

L'opinion de l'ordre dont nous nous occupons n'offre plus la même unanimité lorsqu'il s'agit de l'organisation des états généraux; elle est unanime seulement pour demander que cette institution soit à l'avenir un des éléments indispensables du pouvoir législatif, et que l'assemblée soit composée de députés librement et également élus, de manière à faire arriver les volontés individuelles jusqu'au centre commun de toutes les volontés. Mais les avis diffèrent déjà lorsqu'il s'agit du mode des réunions : les uns veulent que les états siégent d'une manière permanente; les autres, qu'il y ait une session tous les ans; les autres, que celle-ci ait lieu tous les trois ou cinq ans seulement. Enfin, lorsqu'il s'agit de décider si l'on adoptera le vote par tête ou par ordre, le plus petit nombre des cahiers

veut la conservation absolue du mode par ordre; le plus grand nombre demande que sur les objets généraux, tels que l'impôt, l'on vote par tête; et, par ordre, seulement lorsqu'il s'agira de questions spéciales aux intérêts de chaque classe: un très-petit nombre déclare cette discussion oiseuse, et ordonne de choisir le mode qui paraîtra convenir à la majorité et permettra à l'assemblée de se mettre à l'œuvre le plus promptement et avec le plus d'activité. Nous citerons parmi ces derniers le cahier du bailliage de Dijon.

La plupart des cahiers insistent sur l'établissement d'une constitution fondée sur ces principes généraux: Que le gouvernement français est monarchique; que la personne du roi est sacrée et inviolable; que la couronne est héréditaire; que la nation est composée de trois ordres légaux, et que le pouvoir législatif appartient aux états généraux.

Il en est qui demandent qu'avant toutes choses, avant surtout aucune délibération sur l'impôt, il soit promulgué une loi générale et fondamentale, laquelle énonce et déclare positivement les principaux droits des citoyens, des provinces, de la nation et des différents ordres qui la composent. Il en est d'autres qui veulent que tout règlement soit provisoire, tant qu'il n'aura pas été approuvé par les états.

A cette occasion on sollicite des garanties pour la liberté et la propriété individuelles; on demande la suppression de l'esclavage des nègres on insiste sur le secret des lettres, et enfin on réclame une loi sur la responsabilité des ministres et des autres agents de l'administration.

Quelques cahiers du clergé s'occupent aussi de l'administration provinciale. Ils proposent de doter toutes les provinces d'états particuliers.

Quelques autres, en plus grand nombre, demandent une réformation dans l'organisation judiciaire, qui consisterait à supprimer les tribunaux d'exception, à donner à chaque province une cour souveraine ou d'appel, à placer dans chaque localité un tribunal de conciliation ou justice de paix. Le clergé demande que des places soient réservées à ses membres dans chacune de ces juridictions.

La majorité sollicite l'établissement dans les villes, bourgs et villages, d'une même forme d'administration pour toutes les municipalités; que les communautés, ajoute-t-elle, soient réintégrées dans le droit de choisir librement leurs magistrats; qu'elles soient chargées de leur police intérieure. A cette occasion on propose des réformes dans tous les établissements de charité; on proscrit les loteries; on attaque les monts-de- piété, etc.

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