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temps, une sorte d'amphithéâtre pour y placer le roi et son cortége: on imagina d'en ordonner la démolition sur-le-champ, dans le puéril espoir de troubler, au moins par le bruit, une délibération qu'on n'avait pu empêcher par la crainte. Des ouvriers furent introduits; ils commencèrent leur travail. Mais le calme de l'assemblée les frappa d'abord d'étonnement et d'admiration : la curiosité les attira sur le bord de l'amphithéâtre, un sentiment plus profond les y retint : tous, comme de concert, quittèrent leurs outils, et, devenus spectateurs attentifs, le bruit de leurs nombreux applaudissements fut le seul qui, dès lors, fit retentir la salle. »

Cependant on continuait à délibérer : après le départ de M. de Brezé, il y eut un moment de morne silence dans l'assemblée.

M. Camus prit la parole. Il s'attacha à prouver, en jurisconsulte, que l'ordre du roi n'était qu'un arrêt du conseil, un acte ministé-riel, dont on pouvait délibérer. Il parla longtemps, et termina en disant Le pouvoir des députés composant cette assemblée est reconnu; il est reconnu aussi qu'une nation libre ne peut être imposée sans son consentement. Vous avez donc fait ce que vous deviez faire si, dès nos premiers pas, nous sommes arrêtés, que sera-ce pour l'avenir! Nous devons persister, sans aucune réserve, dans tous nos précédents arrêtés.

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M. Barnave. Votre démarche dépend de votre situation; vos arrêtés dépendent de vous seuls. Vous avez déclaré ce que vous êtes; vous n'avez pas besoin de sanction; l'octroi de l'impôt dépend de vous seuls. Envoyés par la nation, organes de ses volontés pour faire une constitution, vous êtes obligés de demeurer assemblés aussi longtemps que vous le croirez nécessaire à l'intérêt de vos commettants. Il est de votre dignité de persister dans le titre d'assemblée nationale.

MM. Glezen, Pétion de Villeneuve, Buzot, Garat l'aîné et l'abbé Grégoire appuient avec énergie le parti proposé.

L'abbé Sieyès. « Nous l'avons juré, messieurs, et notre serment ne sera pas vain, nous avons juré de rétablir le peuple français dans ses droits. L'autorité qui vous a institués pour cette grande entreprise, de laquelle seule nous dépendons et qui saura bien nous défendre, est, certes, loin encore de nous crier : C'est assez; arrêtez-vous. Au contraire, elle nous presse et nous demande une constitution; et qui peut la faire sans nous? qui peut la faire, si ce n'est nous? Est-il une puissance sur terre qui puisse vous ôter le droit de représenter vos commettants? Messieurs, ajouta Sieyès en descendant de la tribune, vous êtes aujourd'hui ce que vous étiez hier!» (Ce discours fut couvert d'applaudissements. )

On prend les voix par assis et levé; et l'assemblée nationale déclare unanimement qu'elle persiste dans ses précédents arrêtés. M. le comte de Mirabeau. C'est aujourd'hui que je bénis la liberté de ce qu'elle mûrit de si beaux fruits dans l'assemblée nationale. Assurons notre ouvrage, en déclarant inviolable la personne des députés aux états généraux. Ce n'est pas manifester une crainte, c'est agir avec prudence; c'est un frein contre les conseils violents qui assiégent le trône.

Après un court débat, cette motion est adoptée à la pluralité de 495 voix contre 54; et l'assemblée se sépare après avoir pris l'arrêté suivant :

« L'assemblée nationale déclare que la personne de chaque député est inviolable; que tous particuliers, toutes corporations, tribunal, cour ou commission, qui oseraient, pendant ou après la présente session, poursuivre, rechercher ou faire arrêter, détenir ou faire détenir un député, pour raisons d'aucunes propositions, avis, opinions, ou discours par lui faits aux états généraux ; de même que toutes personnes qui prêteraient leur ministère à aucun desdits attentats, de quelque part qu'ils fussent ordonnés, sont infàmes et traîtres envers la nation, et coupables de crimes capitaux. L'assemblée nationale arrête que dans les cas susdits elle prendra toutes les mesures nécessaires pour rechercher, poursuivre et punir ceux qui en seront les auteurs, instigateurs ou exécuteurs. »

Sur le surplus, l'assemblée a continué la séance à demain neuf heures.

Ces arrêtés ont été pris en présence de plusieurs de MM. du clergé. Ceux dont les pouvoirs étaient vérifiés ont donné leurs voix lors des opinions; et les autres ont demandé qu'il fût fait mention de leur présence.

LIVRE III.

INSURRECTION A PARIS. - PRISE DE LA BASTILLE.
JUILLET 1789.

CHAP. I.- Fermentation à Paris. - Réunion des ordres privilégiés. - Émeute à l'occasion des gardes françaises. Bruits de conspiration. Club breton.

Disette.

Aussi longtemps que les députés du tiers état restèrent assemblés, le peuple qui remplissait au loin les avenues de la salle resta réuni,

attendant l'issue de la séance. Il était tenu au courant des événements de la discussion, et du résultat des délibérations, par les curieux qui sortaient à tous moments. En même temps on colportait dans la foule la nouvelle du renvoi de Necker. Aussi dès que les députés des communes se dispersèrent, le peuple s'ébranla et courut au palais; les troupes restèrent immobiles. Deux compagnies de gardes françaises reçurent ordre de tirer et n'obéirent point. Cependant la foule pénétra dans les appartements, criant: Necker; c'était son seul mot de ralliement. M. Necker fut en effet appelé au château; on le vit entrer, on le vit sortir. Il annonça qu'il restait, et la foule le reconduisit en triomphe jusqu'à son hôtel. Le soir, on fit des feux de joie dans les divers quartiers de Versailles; on ne rencontrait que des gens armés de torches, courant les rues. Quelques députés de la noblesse furent insultés. L'archevêque de Paris, auquel on attribuait une part dans le renvoi de M. Necker, fut assailli dans sa voiture, et obligé de se réfugier dans l'église SaintLouis.

A Paris, les précautions du gouvernement n'avaient pas été moindres qu'à Versailles on avait consigné les gardes françaises. Mais aussi l'effervescence fut égale. Jamais les groupes du PalaisRoyal ne furent plus animés; on s'attroupait dans les rues. Nos députés sont en danger, criait-on au Palais-Royal; mais que les aristocrates prennent garde à eux, car, au premier désir qui nous en sera témoigné, nous irons à Versailles au nombre de quarante mille.

<< On ne peut peindre, dit une brochure du temps (Lettre au comte d'Artois), le frissonnement qu'éprouva la capitale à ce seul mot: le roi a tout cassé. Je sentais du feu qui couvait sous mes pieds; il ne fallait qu'un signe, et la guerre civile éclatait. Toutes les provinces sont sans commerce, et presque sans pain, et qu'a-t-on de mieux à faire que de se battre quand on meurt de faim? »

Ce vif mouvement de l'opinion ne fut certainement pas sans influence sur les projets de la cour; on en peut juger par un détail: on prit des précautions contre l'invasion parisienne; on mit des troupes, des canons et des avant-postes au pont de Sèvres. Mais le résultat important fut que le roi, qui avait voulu diriger l'assemblée, se laissa conduire par elle.

En effet, bien que le roi eût formellement exprimé la volonté que les délibérations eussent lieu séparément et par ordre, dans la séance du 24 la majorité du clergé vint se confondre avec le tiers état dans l'assemblée nationale. Dans la séance du 25, une minorité de la noblesse vint aussi prendre siége dans son sein; pendant ce temps, la minorité du clergé et la majorité de la noblesse dé

libéraient comme ordres, dans leurs chambres séparées. Le 27 juin, le roi leur écrivit pour les inviter à renoncer à leur isolement et à aller rejoindre les députés réunis dans la salle commune; et comme un grand nombre des membres des chambres privilégiées étaient porteurs de cahiers qui leur défendaient impérativement de consentir à aucun autre vote qu'à celui par ordre, afin qu'ils ne se crussent pas liés d'une manière absolue par ces mandats, le roi signa, le même jour 27, un règlement permettant aux députés qui étaient dans ce cas de consulter de nouveau leurs commettants, et ordonnant en conséquence à ses officiers de convoquer les assemblées des bailliages, sur la réquisition du député. Ainsi, la réunion qu'appelait depuis si longtemps l'assemblée nationale fut opérée par la volonté même du roi, quatre jours après qu'il l'eut défendue (1).

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Pour expliquer de telles variations, il faut examiner les faits extra-parlementaires. En effet, du 24 juin au 14 juillet, l'assemblée nationale semble avoir perdu l'initiative révolutionnaire; elle sem ble attendre. Cependant, dès le 24, elle s'était donné un imprimeur, afin d'avoir une communication assurée avec l'opinion publique. Néanmoins, ses séances furent consacrées à peu près uniquement à des faits extérieurs; aussi, en racontant ceux-ci, nous ferons suffisamment connaître l'occupation des députés. Ces faits seuls donnent quelque intérêt aux séances; eux exceptés, les débats sont occupés par une discussion sur le nombre de députés que l'on doit accorder à Saint-Domingue.

Les 24, 25, 26, on continua de déployer un grand appareil militaire à Versailles; on empêchait le public de pénétrer dans la salle des États. Chaque jour, le peuple venait en masse, dissipait la garde qu'on augmentait chaque jour, ébranlait les portes qu'on laissait

(1) Ce ne fut pas sans résistance que les ordres privilégiés cédèrent à la volonté du roi; la minorité du clergé se montra la première prête à obéir. Elle avait perdu la veille un de ses plus ardents champions, l'archevêque de Paris, qui, effrayé par l'émeute du 25, dont nous parlerons dans le texte, s'était réuni, dès le 26, à la majorité de son ordre. Dans la chambre de la noblesse, un tumulte effroyable éclata lorsqu'on apprit, le 24, qu'une minorité d'une trentaine de membres voulait se rendre dans la salle commune. Al. Lameth raconte (Hist. de l'Assemblée const.) qu'un membre de la majorité alla jusqu'à tirer l'épée, et qu'il y eût eu du sang répandu, si le président n'avait promptement levé la séance. A la réception de la lettre du roi, quarante-cinq députés protestèrent. Le vicomte de Mirabeau jura de ne pas quitter la chambre de la noblesse, dût-il y rester seul. Cazalès s'écria qu'il fallait préférer la monarchie au monarque. Cependant l'avis le plus sage prévalut, et la majorité de la noblesse, réunie à la minorité du clergé, vint silencieusement se ranger sur les banquettes qui lui étaient réservées dans la salle de l'assemblée.

fermées, et se retirait seulement sur les prières de quelques membres de l'assemblée. Celle-ci se montrait très-embarrassée; la majorité craignait, en faisant ouvrir la salle au public, de faire acte de pouvoir exécutif; elle était sourde à l'avis de quelques membres plus hardis qui lui représentaient qu'une assemblée devait toujours avoir la police de la salle où elle délibérait: on envoya pour cet objet une députation au roi.

Dans la soirée du 25, l'archevêque de Paris, président de la minorité du clergé, fut attaqué par une partie de ce rassemblement qui assiégeait l'hôtel des États: il ne dut la vie qu'à la vitesse de ses chevaux; mais la foule le suivit en courant jusqu'à sa demeure. Les gardes françaises et suisses, soutenues d'un détachement de gardes du corps, accoururent à son secours. A cette vue, la multitude devint plus animée et plus menaçante. On ne put l'apaiser qu'en lui faisant lecture d'une déclaration de l'archevêque, par laquelle il promettait de se réunir à l'assemblée nationale.

Le même jour 25, les électeurs de Paris se réunirent: ils volèrent une adresse à l'assemblée nationale; ils nommèrent une députation de vingt commissaires pour aller la porter à Versailles; en effet, elle fut présentée le 26. — Le même jour encore, le club du PalaisRoyal signa, au café de Foix, une lettre à l'assemblée; elle fut revêtue de trois mille signatures et portée le lendemain à l'assemblée.

Ces députations, quelque vagues qu'elles fussent dans leur langage, furent accueillies par la chambre des représentants avec plus que de la faveur; elle acceptait ces démarches avec joie et enthousiasme, comme une sanction à ses actes précédents, et comme un engagement d'appuyer ses futures décisions. Ces faits provoquèrent une réunion du conseil royal, qui eut lieu le 26 au soir, et où fut appelé le comte d'Artois. Le peuple crut que ce fut là qu'on décida l'ordre de réunion que le roi envoya le lendemain à la noblesse et à la minorité du clergé ; il remarqua que la reine n'y prit aucune part. Mais pour en connaître le véritable objet, pour apprécier exactement le but que l'on se proposait en commandant la réunion, il faut examiner les actes successifs de la cour, et voir dans le moment même à quel point elle pouvait se croire obligée à ces concessions; les habiles remarquèrent que la cour, ne pouvant arrêter la marche de l'assemblée par la terreur ou par la force, cherchait à lui faire changer de route, en y introduisant une masse de votants assez forte pour en changer la majorité. En effet, on savait qu'à Paris, les gardes françaises consignées depuis le 20 juin, étaient cependant sorties de leurs casernes le 25, sous-officiers en tête; ces soldats

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