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avez voulu nous épouvanter, en cassant un vieux sergent, parce qu'à la rue Saint-Antoine, il n'a pas scrupuleusement suivi vos ordres sanguinaires, etc. » Dans l'autre de ces lettres, adressée aux états généraux, le soldat se plaint que l'armée ne soit représentée que par de la noblesse. Il se plaint de l'usage aristocratique qui ferme au mérite et au courage sorti du peuple, la voie des grades et de la réputation, etc.

Cette contagion des idées nouvelles menaçait donc évidemment d'envahir l'armée entière. Aussi on commença à prendre des précautions pour isoler la partie de l'armée qu'on appelait saine du contact des factieux. Ainsi, au camp du champ de Mars, des factionnaires empêchaient le peuple et les gardes françaises d'approcher.

Les royalistes, ne pouvant expliquer ces faits par le développement naturel des sentiments qu'ils ne comprenaient pas, en cherchaient la cause dans des intrigues de divers genres. Le plus grand nombre les attribuaient aux manoeuvres du duc d'Orléans: on lui reprochait la tolérance qu'il témoignait pour les motionnaires du Palais-Royal. Pourquoi, disait-on, ne fermait-il pas son jardin à ce rassemblement journalier qui était le centre d'où partaient et où aboutissaient tous les mouvements de l'opinion publique à Paris. On l'accusait même d'être le caissier des motionnaires, et de leur fournir cet argent qu'ils dépensaient si largement en libéralités de toutes sortes envers les soldats.

A cette occasion, on commença aussi à parler du club breton dans les salons de l'opposition nobiliaire. Ce club avait commencé par une réunion des députés bretons qui s'assemblaient pour débattre à l'avance les sujets qui devaient être traités aux états généraux. Il était d'abord uniquement composé des représentants du tiers et de curés de la Bretagne; ensuite divers députés du côté gauche s'y firent admettre. A l'époque où nous sommes, 1er juillet, il était fort nombreux : on comptait parmi ses membres Chapelier, Goupil de Préfeln, Lanjuinais, Sieyès, Barnave, Lameth; le duc d'Aiguillon en était président. Nous voudrions pouvoir en donner une liste plus complète; mais nous n'en possédons aucune, et nous croyons qu'on n'en a jamais publié. Ce club prit plus tard le nom d'Amis de la constitution, et eut un journal. Après le 6 octobre, il alla à Paris, avec l'assemblée. Il choisit pour lieu de ses réunions le couvent des Jacobins, et de là il prit le nom de club des Jacobins.

Les accusations qu'on adressait à ce club étaient plus réelles que celles dont on chargeait M. d'Orléans. En effet, il n'est pas

douteux qu'il ne mît une grande activité à organiser la défense contre la cour; il entretenait de nombreuses correspondances; il faisait imprimer un grand nombre de pamphlets; il préparait les motions à faire à l'assemblée. Lorsqu'il commença à rendre ses actes publics, on voit qu'il était déjà le point d'union, le centre d'un grand nombre de sociétés de province qui lui étaient affiliées. Cependant il est un fait pour lequel alors on lui faisait surtout la guerre; celui-là même qui attira l'attention sur lui, et qui est absolument faux : c'était de travailler pour donner le trône au duc d'Orléans. Nous n'avons pas rencontré une seule indication qui pût même donner le soupçon que jamais il eût eu un pareil projet. Les patriotes donnaient aux troubles une origine toute différente. Ils accusaient les royalistes de vouloir provoquer le peuple, afin d'être autorisés à user des nombreuses troupes qu'ils avaient sous la main. Voici ce que publiait, le 1er juillet, Marat, dans une brochure ayant pour titre : Avis au Peuple, on les Ministres dévoilés.

« O mes concitoyens! observez toujours la conduite des ministres pour régler la vôtre.

<< Leur objet est la dissolution de notre assemblée nationale; leur unique moyen est la guerre civile.

« Les ministres, les aristocrates soufflent la sédition! Eh bien ! gardez-vous de vous livrer à la sédition, et vous déconcerterez leurs perfides manœuvres.

<< Ils vous environnent de l'appareil formidable des soldats, des baïonnettes! Pénétrez leurs projets inflammatoires. Ce n'est pas pour vous contenir, c'est pour vous exciter à la révolte, en aigrissant vos esprits, qu'ils agitent ces instruments meurtriers : soyez, je le répète, paisibles, tranquilles, soumis au bon ordre, et vous vous jouerez de leur horrible fureur.

<< Et les misérables! ils se rendent coupables d'un crime de plus, en montrant à des citoyens qui remplissent, au sein de la paix, tous leurs devoirs, des dispositions hostiles et incendiaires!

<< Et les misérables! ils se rendent coupables d'un crime de plus encore, en faisant approcher de Paris, dans un moment où la disette de l'aliment de première nécessité semble y devenir chaque jour plus alarmante, soixante mille bouches ennemies, qui, bravant la détresse et l'inquiétude publique, vont mettre à contribution votre subsistance, vos besoins même !

<< Laissez-les combler la mesure : le jour de la justice et de la vengeance arrivera.

<«< Pour vous affermir par système, comme par sentiment, dans

la modération, considérez quel serait le funeste effet d'un mouvement séditieux, si vous aviez le malheur de vous y livrer, de donner dans le piége. Vous êtes aussitôt traités en révoltés : le sang coule; le fléau de la guerre civile fond sur vous... Vous frémissez! Ce n'est cependant pas tout ce bouleversement général provoque à l'instant l'arrêt de mort de l'assemblée nationale : elle est dissoute par la violence; car la violence ouverte paraît alors une ressource légitime à vos ennemis...

<«< Vous sentez maintenant, sans doute, quel pressant intérêt vous engage à rétablir, à conserver parmi vous le calme et la paix... Laissez donc, laissez patiemment s'entasser, autour de vos murs indignés, des soldats, des armes, des munitions, que votre prudence saura rendre inutiles. Ne souffrez plus désormais qu'ils retentissent au milieu de vous ces bruits séditieux, incendiaires, qui ne peuvent que vous porter à de désastreux excès, et qui font gémir les bons citoyens. Repoussez comme des traîtres, notez-les d'infamie, ceux qui, ne rougissant point de s'en rendre les organes, osent semer l'alarme au moment où le calme et la tranquillité sont le plus nécessaires...

« Oui, soyez-en persuadés, si vous ne troublez pas cette précieuse harmonie (qui règne à l'assemblée nationale)... par un prodige dont les annales d'aucun peuple ne présentent d'exemple, la révolution la plus salutaire, la plus importante, se consomme irrévocablement, sans qu'il en coûte ni sang à la nation, ni larmes à l'humanité! »>

Le calme n'était point si facile à obtenir que le pensait Marat.

Le marquis de Launay, gouverneur de la Bastille, effrayé de ce qui venait de se passer à l'Abbaye, fit dans cette citadelle quelques mouvements dont le faubourg Saint-Antoine fut effrayé. Il fit saillir à travers les créneaux des tours les bouches de ses canons, et les fit charger; la garnison fut renforcée d'un détachement du régiment de Salis-Samade; les postes furent doublés. L'on vit entrer des munitions de toute espèce, et l'on remarqua que M. de Launay faisait de fréquents voyages à Versailles. D'ailleurs, les précautions analogues furent prises à la Force; la garde de cette prison fut augmentée de cinquante hommes.

On annonçait, et l'on croyait généralement, de l'aveu même des royalistes, que le roi tiendrait bientôt un nouveau lit de justice, et prorogerait ou dissoudrait l'assemblée nationale.

La colère publique contre les opposants se manifestait par des brochures dont on inondait la capitale. Voici les titres de quelquesunes des plus virulentes: Lettres au comte d'Artois; Confession de

madame de Polignac, etc. Les motions au Palais-Royal n'avaient pas diminué de violence. On prenait des décisions imaginaires sur les objets de la haine publique. On simulait des jugements, et l'on condamnait le comte d'Artois, les princes de Condé, de Conti, le duc de Bourbon, madame de Polignac, MM. de Vaudreuil, de la Trémouille, de Villedeuil, de Barentin, Berthier, Foulon, Linguet, d'Esprémenil, etc.; des placards, affichés journellement dans presque toutes les rues, répétaient ces singuliers décrets. Dans l'un, on bannissait à cent lieues MM. de Condé et de Conti; dans un autre, on exilait de France M. et madame de Polignac; dans un troisième, on condamnait l'abbé Maury à être attaché à un carcan, sur le Pont-Neuf, jusqu'à la fin des états généraux. On jouait sur le mot aristocrate on appelait l'un aristocrâne, l'autre aristocroc, un autre aristocruche; l'archevêque de Paris était un aristocrossé. On disait que le comte d'Artois avait un duel avec M. de Ségur, qui avait perdu son bras droit, etc. Il ne faudrait pas croire que ces plaisanteries ne portassent pas coup. Il n'est pas un de ces personnages qui eût osé se présenter dans Paris. Le prince de Conti, étant venu un jour à l'Opéra, en fut chassé par les huées et les sifflets. MM. de Sombreuil et Polignac, officiers de hussards, s'étant présentés au Palais-Royal, y causèrent une émeute. Ils échappèrent avec peine, et grâce à leurs sabres. Il y eut plus d'une scène semblable; les rues n'étaient point sûres dès qu'on portait un nom signalé à la colère publique.

Mais il y avait encore un élément de fermentation plus invincible et plus redoutable : c'était la disette. Afin que l'on puisse savoir de quels conseils et de quelles démarches elle pouvait être l'objet, nous citerons ce passage d'un journal royaliste du temps (l’Ami du Roi, 3 cahier, page 39); et nous ajouterons que nous ne connaissons pas un écrit qui contredise les faits qu'il nous révèle.

<< Plus on approchait du 14 juillet, plus la disette augmentait : chaque boutique de boulanger était environnée d'une foule à qui on distribuait le pain avec la plus grande parcimonie, et la distribution était toujours accompagnée de craintes sur l'approvisionnement du lendemain. Les craintes redoublaient par les plaintes de ceux qui, ayant passé une journée entière à la porte d'un boulanger, n'avaient cependant rien pu obtenir. Souvent la place était ensanglantée; on s'arrachait l'aliment, on se battait; les ateliers étaient déserts; les ouvriers, les artisans, perdaient leur temps à disputer, à conquérir une légère portion de nourriture, et, par cette perte de temps, se mettaient dans l'impossibilité de payer celle du lendemain. Il s'en fallait de beaucoup que ce pain, arraché avec tant

d'efforts, fût un aliment sain: il était en général noirâtre, terreux, amer, donnait des inflammations à la gorge, et causait des douleurs d'entrailles. J'ai vu à l'École militaire et dans d'autres dépôts, des farines qui étaient d'une qualité détestable; j'en ai vu des monceaux d'une couleur jaune, d'une odeur infecte, et qui formaient des masses tellement endurcies, qu'il fallait les frapper à coups redoublés avec des haches pour en détacher des portions. Moi-même, rebuté des difficultés que j'éprouvais à me procurer ce malheureux pain, et dégoûté de celui qu'on m'offrait même aux tables d'hôte, je renonçai absolument à cette nourriture. Le soir, je me rendais au café du Caveau, où heureusement on avait l'attention de me réserver deux de ces petits pains qu'on appelle des flûtes c'est le seul pain que j'aie mangé pendant une semaine enlière. Ayant été obligé, au plus fort de la disette, de me rendre à Versailles et d'y faire un séjour, je voulus voir le pain que l'on mangeait à la cour, celui qu'on servait sur les tables des ministres et sur celles de députés : je ne trouvai nulle part le pain de seigle dont avait parlé M. Necker; je vis partout un pain exquis, de la plus belle et de la meilleure qualité, servi avec abondance et que les boulangers faisaient porter eux-mêmes. » Et l'on demandera, plus tard, pourquoi le peuple alla, le 6 octobre, chercher du pain à Versailles, et voulut avoir le roi et l'assemblée à Paris! A-l'époque où nous sommes, il ne connaissait pas encore cette différence dans la position des deux villes. Aussi sa colère d'affamé était tournée tout entière contre les magistrats chargés du soin des subsistances.

L'assemblée des électeurs de Paris se réunit, ainsi que nous l'avons déjà dit, le 4 juillet. Lorsqu'elle fut interrompue par une députation du Palais-Royal qui venait lui demander son intercession pour les prisonniers de l'Abbaye, et qu'elle nomma, sur leur demande, une députation à l'assemblée nationale dont nous avons parlé, elle s'occupait du projet de création d'une milice bourgeoise. Elle se proposait de faire une demande à l'assemblée sur ce sujet. Quel était le but de ces représentants de la commune? - Était-ce de défendre Paris? On venait d'apprendre en effet l'arrivée de nouveaux régiments: ceux de Provence, de Bouillon, de Nassau infanterie, et ceux du Dauphin et Mestre-de-camp cavalerie. Était-ce 'pour faire la police de la ville? nous verrons plus tard que ce dernier but était le principal de ceux qui les préoccupaient.

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Mais retournons à Versailles; c'est de là que va partir le signal qui doit transformer en acte cette hostilité qui n'était qu'en projets et en paroles. Nous avons fait suffisamment connaître quels sentiments, quelles craintes, quelles volontés agitaient la capitale. Un

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