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mot suffira maintenant pour donner la mesure d'exaltation qu'atteignit l'opinion publique. Le 6 juillet on apprit que le duc de Broglie était nommé commandant de l'armée réunie sous les murs de la ville.

Pendant tout ce temps, l'assemblée nationale fut occupée d'une discussion oiseuse sur les protestations de la noblesse et les r. andats impératifs; elle recevait des adresses de villes qui approuvaient sa conduite. Elle avait formé un comité de subsistance, qui commença son travail par rejeter un mémoire de Rutlege, et emander des renseignements à Necker. Enfin, elle reprit un moment l'initiative dans la séance qui va suivre.

CHAP. II. — Versailles.

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Assemblée nationale.

Motion de Mirabeau sur le renvoi des troupes. -Adresse au roi.-Paris et Versailles, le 10 et le 11 juillet. Renvoi de Necker. - Réponse du roi à l'adresse.

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SÉANCE DU 8 JUILLET. On s'occupa d'abord de la question des protestations; enfin l'assemblée prend, à la majorité de 700 voix contre 28, l'arrêté suivant :

« L'assemblée nationale regardant ses principes comme fixés à cet égaré, et considérant que son activité ne peut être suspendue, ni la force de ses décrets affaiblie par des protestations ou par l'absence de quelques représentants, déclare qu'il y a lieu à délibérer. »

M. le comte de Mirabeau. Messieurs, il m'a fallu pour me décider à interrompre l'ordre des motions que le comité se propose de vous soumettre, une conviction profonde que l'objet dont j'ai demandé la permission de vous entretenir, est le plus urgent de tous les intérêts. Mais, messieurs, si le péril que j'ose vous dénoncer menace tout à la fois et la paix du royaume, et l'assemblée nationale, et la sûreté du monarque, vous approuverez mon zèle.

Le peu de moments que j'ai eus pour rassembler mes idées ne me permettra pas sans doute de leur donner tout le développement nécessaire; mais j'en dirai assez pour éveiller votre attention, et vos lumières suppléeront à mon insuffisance.

Veuillez, messieurs, vous replacer au moment où la violation des prisons de l'abbaye Saint-Germain occasionna votre arrêté du premier de ce mois. En invoquant la clémence du roi pour les personnes qui pourraient s'être rendues coupables, l'assemblée décréta que le roi serait supplié de vouloir bien employer pour le rétablissement de l'ordre les moyens infaillibles de la clémence et de la

bonté, si naturels à son cœur, et de la confiance que son bon peuple méritera toujours.

Le roi, dans sa réponse, a déclaré qu'il trouvait cet arrêté fort sage; il a donné des éloges aux dispositions que l'assemblée lui témoignait, et proféré ces mots remarquables: Tant que vous me donnerez des marques de votre confiance, j'espère que tout ira bien.

Enfin, messieurs, la lettre du roi à M. l'archevêque de Paris, en date du 2 juillet, après avoir exprimé les intentions paternelles de Sa Majesté à l'égard des prisonniers, dont la liberté suivrait immédiatement le rétablissement de l'ordre, annonce « qu'il va prendre des mesures pour ramener l'ordre dans la capitale, et qu'il ne doute pas que l'assemblée n'attache la plus grande importance à leur succès. >>

En ne considérant que ces expressions de la lettre du roi, la première idée qui semblait devoir s'offrir à l'esprit, était le doute et l'inquiétude sur la nature de ces mesures.

Cette inquiétude aurait pu conduire l'assemblée à demander dès lors au roi qu'il lui plût de s'expliquer à cet égard, et de caractériser et détailler ces mesures pour lesquelles il paraissait désirer l'approbation de l'assemblée.

Aussi, dès ce moment, eussé-je proposé une motion tendante à ce but, si en comparant les expressions de la lettre du roi avec la bonté qu'elle respire dans toutes ses parties, avec les paroles précieuses qu'on nous a données comme l'expression affectueuse et paternelle du monarque je trouve votre arrêté fort sage, je n'avais cru apercevoir dans ce parallèle de nouveaux motifs pour cette confiance, dont tout Français se fait gloire d'offrir des témoignages au chef de la nation.

Cependant quelle a été la suite de ces déclarations et de nos ménagements respectueux? Déjà un grand nombre de troupes nous environnait. Il en est arrivé davantage, il en arrive chaque jour; elles accourent de toutes parts. Trente-cinq mille hommes sont déjà répartis entre Paris et Versailles. On en attend vingt mille. Des trains d'artillerie les suivent. Des points sont désignés pour les batteries. On s'assure de toutes les communications. On intercepte tous les passages : nos chemins, nos ponts, nos promenades, sont changés en postes militaires. Des événements publics, des faits cachés, des ordres secrets, des contre-ordres précipités, les préparatifs de la guerre, en un mot, frappent tous les yeux et remplissent d'indignation tous les cœurs.

Ainsi, ce n'était pas assez que le sanctuaire de la liberté eût été souillé par des troupes! ce n'était pas assez qu'on eût donné le

spectacle inouï d'une assemblée nationale astreinte à des consignes militaires, et soumise à une force armée ! ce n'était pas assez qu'on joignît à cet attentat toutes les inconvenances, tous les manques d'égards et, pour trancher le mot, la grossièreté de la police orientale. Il a fallu déployer tout l'appareil du despotisme, et montrer plus de soldats menaçants à la nation, le jour où le roi lui-même l'a convoquée pour lui demander des conseils et des secours, qu'une invasion de l'ennemi n'en rencontrerait peut-être; et mille fois plus du moins qu'on n'en a pu réunir pour secourir des amis martyrs de leur fidélité envers nous, pour remplir nos engagements les plus sacrés, pour conserver notre considération politique, et cette alliance des Hollandais si précieuse, mais si chèrement conquise, et surtout si honteusement perdue!

Messieurs, quand il ne s'agirait ici que de nous, quand la dignité de l'assemblée nationale serait seule blessée, il ne serait pas moins convenable, juste, nécessaire, important pour le roi luimême, que nous fussions traités avec décence, puisqu'enfin nous sommes les députés de cette même nation, qui seule fait sa gloire, qui seule constitue la splendeur du trône, de cette nation qui rendra la personne du roi honorable, à proportion de ce qu'il l'honorera plus lui-même. Puisque c'est à des hommes libres qu'il veut commander, il est temps de faire disparaître ces formes odieuses, ces procédés insultants qui persuadent trop facilement à ceux dont le prince est entouré que la majesté royale consiste dans les rapports avilissants du maître à l'esclave; qu'un roi légitime et chéri doit partout et en toute occasion ne se montrer que sous l'aspect des tyrans irrités, ou de ces usurpateurs tristement condamnés à méconnaître le sentiment si doux, si honorable de la confiance.

Suivant l'orateur, ces mesures non-seulement sont inutiles, elles sont même dangereuses. De quel œil ce peuple, assailli de tant de calamités, verra-t-il cette foule de soldats oisifs venir lui disputer les restes de sa subsistance? Le contraste de l'abondance des uns, (du pain aux yeux de celui qui a faim est l'abondance), le contraste de l'abondance des uns et de l'indigence des autres, de la sécurité du soldat, à qui la manne tombe sans qu'il ait jamais besoin de penser au lendemain, et des angoisses du peuple, qui n'obtient rien qu'au prix des travaux pénibles et des sueurs douloureuses; ce contraste est fait pour porter le désespoir dans les

cœurs.

Ajoutez, messieurs, que la présence des troupes, frappant l'imagination de la multitude, lui présentant l'idée du danger, se liant à des craintes, à des alarmes, excite une effervescence universelle;

les citoyens paisibles sont dans leurs foyers en proie à des terreurs de toute espèce. Le peuple, ému, agité, attroupé, se livre à des mouvements impétueux, se précipite aveuglément dans le péril, et la crainte ne calcule ni ne raisonne. Ici les faits déposent pour

tous.

Quelle est l'époque de la fermentation? Le mouvement des soldats, l'appareil militaire de la séance royale. Avant, tout était tranquille; l'agitation a commencé dans cette triste et mémorable journée. Est-ce donc à nous qu'il faut s'en prendre, si le peuple qui nous a observés, a murmuré, s'il a conçu des alarmes lorsqu'il a vu les instruments de la violence dirigés, non-seulement contre lui, mais contre une assemblée qui doit être libre pour s'occuper avec liberté de toutes les causes de ses gémissements? Comment le peuple ne s'agiterait-il pas, lorsqu'on lui inspire des craintes contre le seul espoir qui lui reste? Ne sait-il pas que si nous ne brisons pas ses fers, nous les aurons rendus plus pesants, nous aurons livré sans défense nos citoyens à la verge impitoyable de leurs ennemis, nous aurons ajouté à l'insolence du triomphe de ceux qui les dépouillent et qui les insultent?

Enfin, ont-ils prévu, les conseillers de ces mesures, ont-ils prévu les suites qu'elles entraînent pour la sécurité même du trône? Ont-ils étudié dans l'histoire de tous les peuples comment les révolutions ont commencé, comment elles se sont opérées? Ont-ils observé par quel enchaînement funeste de circonstances les esprits les plus sages sont jetés hors de toutes les limites de la modération, et par quelle impulsion terrible un peuple enivré se précipite vers des excès dont la première idée l'eût fait frémir? Ont-ils lu dans le cœur de notre bon roi? Connaissent-ils avec quelle horreur il regarderait ceux qui auraient allumé les flamines d'une sédition, d'une révolte peut-être (je le dis en frémissant, mais je dois le dire), ceux qui l'exposeraient à verser le sang de son peuple, ceux qui seraient la cause première des rigueurs, des violences, des supplices dont une foule de malheureux seraient la victime.

Mais, messieurs, le temps presse; je me reproche chaque moment que mon discours pourrait ravir à vos sages délibérations; et j'espère que ces considérations, plutôt indiquées que présentées, mais dont l'évidence me paraît irrésistible, suffiront pour fonder la motion que j'ai l'honneur de vous proposer:

Qu'il soit fait au roi une très-humble adresse, pour peindre à Sa Majesté les vives alarmes qu'inspire à l'assemblée nationale de son royaume l'abus qu'on s'est permis depuis quelque temps du nom d'un bon roi pour faire approcher de la capitale et de cette ville

de Versailles un train d'artillerie et des corps nombreux de troupes, tant étrangères que nationales, dont plusieurs se sont déjà cantonnés dans les villages voisins, et pour la formation annoncée de divers camps aux environs de ces deux villes.

Qu'il soit représenté au roi, non-seulement combien ces mesures sont opposées aux intentions bienfaisantes de Sa Majesté pour le soulagement de ses peuples dans cette malheureuse circonstance de cherté et de disette des grains, mais encore combien elles sont contraires à la liberté et à l'honneur de l'assemblée nationale, propres à altérer entre le roi et ses peuples cette confiance qui fait la gloire et la sûreté du monarque, qui seule peut assurer le repos et la tranquillité du royaume, procurer enfin à la nation les fruits inestimables qu'elle attend des travaux et du zèle de cette assemblée.

Que Sa Majesté soit suppliée très-respectueusement de rassurer ses fidèles sujets, en donnant les ordres nécessaires pour la cessation immédiate de ces mesures également inutiles, dangereuses et alarmantes, et pour le prompt renvoi des troupes et du train d'artillerie au lieu d'où on les a tirés.

Et attendu qu'il peut être convenable, en suite des inquiétudes et de l'effroi que ces mesures ont jetés dans le cœur des peuples, de pourvoir provisionnellement au maintien du calme et de la tranquillité; Sa Majesté sera suppliée d'ordonner que dans les deux villes de Paris et de Versailles, il soit incessamment levé des gardes bourgeoises, qui, sous les ordres du roi, suffiront pleinement à remplir ce but, sans augmenter autour de ces deux villes travaillées des calamités de la disette le nombre des consommateurs.

Les signes les moins équivoques d'approbation se manifestent par les vifs applaudissements de toute l'assemblée.

Le bruit des applaudissements se prolonge.

M. le président. La motion qui est faite vient d'autant plus à propos, que j'ai reçu aujourd'hui des ordres qui peuvent rassurer les esprits de l'assemblée et du public : le roi m'a fait ordonner de me rendre auprès de sa personne à six heures du soir. Jugez-vous à propos, messieurs, de la renvoyer au bureau pour en rendre compte demain, comme le demande M. de Mirabeau.

M. le marquis de Lafayette. Il me semble que la motion de M. de Mirabeau est tellement importante, qu'elle est de nature à être renvoyée au bureau; et je suis d'avis que la discussion s'établisse aussitôt sur cette motion.

M. Goupil de Préfeln. Le sentiment de l'honneur et de la liberté est inné dans le cœur des Français; il importe à notre honneur que

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