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vième siècle; seulement elle s'était souillée de superstition; elle avait pris le caractère du temps: elle s'était faite égoïste. On oubliait les devoirs sociaux, pour ne penser qu'à son salut personnel, et l'on croyait le gagner par des actes d'une dévotion minutieuse. Aussi on voit encore de très-fréquentes donations aux églises et de nombreux actes de cette piété étroite, superstitieuse, personnelle, que nous rencontrons si souvent aujourd'hui. On croyait ainsi pouvoir racheter des crimes, ou se sauver soi-même au milieu du naufrage général. Il nous reste presque un demivolume de diplômes dressés en faveur des Églises. Le clergé avait donc une grande autorité. Ainsi, nous avons les actes d'un concile tenu à Arles, 879, qui décerne la couronne de roi à Boson; et ceux d'un autre de 890, qui la transmet à Louis, son fils, pour le salut commun des provinces méridionales, lesquelles avaient été, peu de temps auparavant, saccagées par les Sarrasins. L'Église seule comprenait encore les devoirs sociaux imposés par le christianisme et travaillait au salut de tous. Pour confirmer cette assertion, il suffirait de rappeler la conduite du clergé dans les divers siéges que Paris eut à soutenir contre les Normands et celle de Francon à Rouen. Mais nous possédons des actes qui parlent plus haut et prouvent plus que ces dévouements particuliers. Dans un synode tenu aux environs de Reims en 881, les évêques adressent au roi une supplique qui mériterait d'être traduite pour l'enseignement des puissants de ce jour. Ils l'invitent à s'entourer d'un conseil composé d'ecclésiastiques et de militaires, afin de pourvoir aux besoins de tous. « Que ce pauvre peuple, disent-ils, qui, depuis tant d'années, souffre des pillages de toutes sortes, et supporte les exactions des Normands, soit enfin soulagé. » Enfin, Charles le Gros, dans un capitulaire, s'adresse aux évêques pour veiller au salut public. En effet, il nous reste des traces positives qui prouvent que le clergé, dans ces synodes, chercha à faire tout ce que les rois négligeaient dans l'intérêt général. Ce n'est pas à dire qu'il n'y eût des prêtres indignes; mais il est remarquable qu'ils furent en nombre très-petit, moindre même que dans des temps plus heureux. L'Église d'ailleurs savait et pouvait punir; d'après les lois, elle avait droit absolu de justice dans son sein. Nous avons quelques textes de jugements rendus contre des membres du clergé. Nous ne comptons point comme une faute reprochable, surtout dans notre siècle, le fait de porter les armes. Il y eut des évêques, des abbés et des moines qui se distinguèrent dans cette guerre de tous les jours contre les païens normands, hongrois ou sarrasins; car bien souvent les villes, abandonnées

ou trahies par leurs comtes, furent défendues par leur clergé : au moins il savait périr avec elles.

Ainsi, les derniers mots, les derniers actes publics qui nous sont restés du neuvième siècle sont encore des preuves de l'activité de l'Église pour le salut de la France. Nous la retrouvons encore, ainsi qu'au cinquième, construisant les provinces, agglomérant les peuplades, formant, en un mot, la nation. De même, dans l'ordre temporel, en France la condition d'existence du pouvoir est toujours l'activité militaire. C'est encore l'utilité militaire qui crée les chefs et les rois. La race de Pépin finit pour avoir manqué à l'œuvre de courage et d'habileté où elle avait trouvé sa fortune. C'est un duc de France, un nouveau maire, un soldat, qui commence la nouvelle dynastie.

LIVRE III.

HISTOIRE DE LA FRANCE SOUS LA TROISIÈME RACE.

CHAPITRE PREMIER.

Considérations générales sur les révolutions de la société française du dixième au dix-huitième siècle.

La société sortit du dixième siècle pourvue d'institutions et de destinées toutes nouvelles. La loi de la vassalité héréditaire avait remplacé la loi de la vassalité par élection. La population se trouvait partagée en plusieurs groupes qui commencèrent à vivre séparément et qui n'eurent plus de français que leur origine. Chaque point du grand empire de Charlemagne, bien que doué d'une impulsion qui le poussait à un résultat commun, poursuivit sa tendance avec les formes de son individualité particulière, et devint une nation. L'Italie fut divisée en petites seigneuries féodales; l'Allemagne fut partagée en sept grandes seigneuries. Elle maintint son unité, en conservant un empereur pour la représenter. Mais celui-ci devint électif, et les électeurs furent les sept grands seigneurs féodaux dont la réunion formait le plaid général de la nation germanique. En France, le pouvoir royal devint héréditaire, et le royaume fut gouverné comme un grand fief. Ainsi, le point de départ et le but furent les mêmes pour tous les peuples;

mais chacun développa le germe déposé dans son sein avec ses facultés propres. Aussi chaque pays s'avança dans la voie du progrès avec des vitesses inégales.

Dès ce jour, il y eut un droit public européen. Dans les siècles précédents, l'armée catholique n'avait qu'à combattre. Elle n'avait avec ses ennemis aucun principe commun et convenu, sur lequel elle pût fonder un traité. Aussi la guerre ne fut jamais interrompue que par des trêves. Mais dès l'instant où il y eut plusieurs peuples vivant sous une même loi morale, il y eut aussi un droit des gens, et la diplomatie prit origine.

L'originalité de cette période de la société européenne se réfléchit dans toutes ses œuvres. Le langage, les arts, les sciences, revêtirent des formes jusqu'alors inconnues et marchèrent à des conséquences qui promettaient le monde intellectuel nouveau où nous vivons aujourd'hui. L'individualité des peuples se reproduisit dans les variétés de langage. Quant aux arts et aux sciences, ils conservèrent un caractère général, conforme à l'origine dont ils émanaient. Ils ressortaient de la pensée catholique: ils furent donc unitaires et universels, ainsi qu'elle l'était elle-même. Jusqu'à ce jour, l'architecture avait conservé le style byzantin. Elle en prit un nouveau : elle inventa le style qu'on a improprement appelé gothique et que nous nommerous catholique, parce qu'à l'époque où il fut créé, il n'existait plus un seul Goth, ni un seul arien, parce qu'il naquit précisément sur le sol formé par le catholicisme, c'est-à-dire dans l'empire des Francs. On commença, au onzième siècle, à rebâtir toutes les églises; et cela fut si général, que tous les historiens ont noté le fait; fort peu d'églises byzantines ont échappé à cette fureur de reconstruction. Le style architectural suivit, dans les monuments destinés aux usages particuliers, celui qu'on avait adopté dans les monuments consacrés au culte. Quant à la liturgie, cette autre partie de l'art ecclésiastique, avec tout ce qui s'y rattache, elle resta en grande partie romaine, ainsi que cela devait être.

Les sciences aussi commencèrent, vers la fin du onzième siècle, à donner les premiers signes des modifications que l'introduction du germe chrétien devait y produire un siècle ou deux plus tard; car l'idée générale scientifique avait été changée par le christianisme. Il établissait, en effet, en principe que le monde était gouverné par des forces brutes, dont l'homme pouvait se rendre le maître. L'axiome suivant résume très-bien la doctrine chrétienne à l'égard des choses qui font l'objet des sciences naturelles : Natura est vis a Deo insita. Aux discussions purement relatives à 7

TOME I.

l'interprétation du dogme chrétien, en ce qu'il renfermait de moral, discussions dont chacune est signalée dans l'histoire de l'Église par celle d'une hérésie, succédèrent les recherches métaphysiques et l'étude même des spécialités physiques.

On reprit les sciences au point où l'école d'Alexandrie les avait laissées. Mais, comme le plus petit nombre des écrits de cette école avaient été traduits en latin, la seule langue savante du moyen âge, il fallait, après avoir épuisé ce qu'ils contenaient, aller en chercher la suite dans les manuscrits grecs. Or, cette dernière langue était complétement inconnue, éloignée d'ailleurs du contact de la partie de l'Europe où l'on s'occupait de travaux intellectuels. On apprit que ces livres précieux existaient, traduits, chez les Arabes, avec lesquels la guerre avait entretenu de nombreuses communications, bien qu'elles fussent seulement du genre de celles qui s'établissent, entre ennemis, par la voie des prisonniers et par les trêves. On alla donc chercher les écrits grecs chez les Maures, et on les traduisit en latin d'après des textes arabes (1).

(1) Il est une opinion, particulièrement en faveur aujourd'hui, parmi celles qui ont été émises dans le siècle dernier, dans le but de prouver que le christianisme n'a jamais été qu'une doctrine rétrograde, complétement stérile dans les arts, les sciences, etc. Dans cette opinion, on attribue aux Arabes une grande influence sur la civilisation européenne. Nous croyons que c'est une erreur, et nous nous fondons sur l'observation de la succession parfaitement graduée et parfaitement continue du développement des arts, des sciences et de l'industrie dans le Nord. Nous ne craignons même pas d'assurer que notre Europe n'a reçu des musulmans rien au delà de quelques observations de détail, plus faciles à recueillir dans leur climat que dans le nôtre, de quelques procédés de calcul, quelques instruments d'analyse chimique, etc., peu importants, dont la plupart ne méritent même pas d'être cités et qu'on eût inventés infailliblement, s'ils n'eussent pas été déjà trouvés. On a attribué aux Arabes l'invention de l'algèbre, et cependant l'on possède un traité du Grec Diophante sur l'algèbre et ses applications. Ce savant astronome écrivait au quatrième siècle. On a dit aussi que les chiffres étaient d'invention arabe. Tout le monde sait maintenant que notre système de numération est indien; mais ce que tout le monde ne sait pas, c'est que le nom de chiffre ne vient pas de l'arabe, mais du mot grec siphra, ciopa, par lequel le moine Planude, qui proposa les nouveaux signes, désignait le zéro. reste, notre originalité est assurée contre toute accusation de plagiat de la part des arabistes, dès que l'on compare les généralités des œuvres produites par les deux civilisations. L'architecture arabe est copiée; elle a deux styles: l'un importé de l'indoustan; l'autre imité du byzantin. La nôtre est complétement originale. Pour être certain de ce fait, il suffit d'ouvrir les yeux. -La littérature des Arabes n'a reçu aucune empreinte de la lecture du Coran; leurs poëmes, après l'hégire, ressemblent à ceux qu'ils faisaient quelques siècles auparavant : Antar en est la preuve. Leur musique ne reçut point non plus la moindre modification de leur nouvelle doctrine religieuse. Dans notre Europe, au contraire, la langue fut changée; il y eut une littérature toute nouvelle: voyez, en

Au

Le mouvement rationnel, qui commença à la fin du onzième siècle, doit être suivi, et compris sous deux titres généraux celui des discussions relatives à la méthode et celui des travaux scientifiques proprement dits. Dans le premier, il faut ranger toutes les disputes théologiques et métaphysiques; toutes celles qu'on a confondues plus tard sous le nom vague de scolastique et où furent remis en présence les principes de Platon et ceux d'Aristote. Elles se rapportent en effet réellement à la recherche de la meilleure méthode et accessoirement à celle de la nature de l'homme. Sous le second titre, il faut ranger les études qu'on comprenait alors sous les noms de physique ou de physiologie, celle de la médecine, celle de la chimie, celle des mathématiques et celle de l'astronomie. Nous ne nous proposons pas, dans cet abrégé, de nous arrêter longuement sur les sciences. Cependant nous parlerons, en passant, de quelques-uns de leurs principes généraux, afin de rendre raison de certaines croyances superstitieuses dont nous n'aurons pas sans doute occasion de dire nous-mêmes un seul mot, mais dont il est fréquemment question dans les histoires de ce temps, plus étendues et plus complètes que la nôtre. Car cette esquisse est un cadre destiné à donner la loi des faits qui sont ailleurs plus

effet, les romans et les nombreux poëmes du douzième siècle, qu'on commence aujourd'hui à remettre en lumière. Enfin, quant à la musique, la gamme et l'harmonie n'ont-elles pas été inventées, l'une par un pape et l'autre par des moines? L'orgue même, qu'on s'est plu si longtemps à faire venir d'Orient, n'est qu'un perfectionnement d'un instrument usité chez les Romains, etc., etc. - Examinerons-nous les sciences? Dans les sciences naturelles le premier ouvrage capital est celui de Mesué, au neuvième siècle : c'est une copie des Grecs; il ne diffère ni par le plan, ni par la matière, de celui de Paul d'OEgine, qui est du septième siècle. L'un et l'autre ne sont, à vrai dire, que des recueils de recettes ou de curiosités. En astronomie, la série des inventeurs ne se compose-t-elle pas de Ptolémée, Copernic, Ticho-Brahé, etc.? - Quant aux sciences métaphysiques, politiques, la comparaison n'est pas même possible. Tiendrons-nous compte de l'industrie? il faut remarquer d'abord que lorsqu'un pays est uniquement occupé à une fonction de dévouement, il est tout simple qu'il néglige ce qui est relatif seulement aux commodités de la vie. En outre, dans la société européenne, la lutte progressive fut incessante; dans les terres musulmanes, au contraire, le repos, effet du despotisme, succédait immédiatement à la conquête. Il ne faudrait pas croire cependant que notre moyen âge ait été totalement dépourvu de richesses industrielles; il est certain que le commun des hommes était mieux logé, mieux habillé, mieux nourri, mieux armé que le peuple ne le fut et ne l'est encore en Arabie. Il ne faut pas prendre le luxe de quelques despotes pour de la richesse nationale. D'ailleurs, ces maisons particulières si bien ornées, ces meubles si curieux, ces vitraux peints, ces belles étoffes, ces grandes cathédrales de notre moyen âge, annoncent une énergie productive que nous trouvons à peine dans la société la plus riche du mahométisme, dans celle de l'Indoustan, etc.

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