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Parce que jamais ouvrier jusqu'à ce jour n'a manqué à la tâche, parce que l'œuvre progressive s'est poursuivie sans interruption, qu'on ne pense pas cependant que les hommes ne soient pas maîtres d'accepter ou de refuser une part d'efforts. Non. Les nations ont la liberté du choix. Elles jouissent de la faculté du libre arbitre aussi bien que les individus. L'histoire nous montre, en effet, qu'à ces époques de crise, qui appellent une fonction et par suite une nationalité nouvelle, il y a beaucoup d'appelés et peu qui veuillent être élus. Aussi, voyez-vous alors paraître une multitude de noms de peuples différents. Parmi tous ces noms, un seul reste et vient se faire une histoire; les autres ou s'éteignent à jamais, ou descendent au titre de quelque province obscure. Ce n'est pas parce que cette multitude est dévorée par un plus fort; loin de là, car c'est, au contraire, bien souvent, le plus obscur et le plus faible qui surnage à tous les autres. Mais aussi, c'est qu'il s'agit de choisir entre le dévouement et l'égoïsme. L'œuvre progressive est une œuvre difficile et rude qui exige de longs et obstinés sacrifices. Or, qui veut vivre seulement pour soi, n'y prendra jamais part.

L'histoire de la nationalité française est la vérification complète de tous les principes précédents. La France vint tenir la place de l'empire romain d'Occident qui était infidèle à sa fonction. Seule, au milieu de plusieurs nations, elle comprit et saisit l'œuvre à faire, l'œuvre de civilisation; elle se dévoua au catholicisme; et il se trouva même un moment où elle fut la seule nation catholique. Pendant cinq siècles, le nom de Francs fut celui d'une armée qui servit de bras au christianisme. Dans les Gaules, en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, on ne connut pas sous un autre nom que celui de Français, ces hommes courageux qui luttèrent partout contre cette barbarie nomade qui allait au pillage comme à une chasse, contre ces doctrines ariennes, impies, qui menaçaient le progrès de mort, contre le mahométisme, leur enfant; qui partout travaillèrent à construire une unité européenne par le seul moyen qui puisse l'établir et la faire durer parmi les hommes, par l'unité des doctrines. Que sont devenus aujourd'hui ces Goths, ces Alains, ces Suèves, ces Vandales, ces Huns, ces Hérules, ces Lombards, ces Bourguignons, etc., si nombreux et si terribles? Leurs noms ont disparu, ou ne sont plus que des noms de province.

L'existence d'une nationalité, comme celle d'un individu, se compose de deux vies: l'une tout extérieure, toute de relation, qui manifeste une fonction parmi les peuples; l'autre intérieure,

organique, par laquelle elle se met en état d'accomplir sa tâche internationale; et c'est aussi ce qu'il faut remarquer dans l'histoire des Français. Car, tout le passé peut être compris sous deux mots la France et l'Église. Les Français firent, dans le christianisme, l'œuvre temporelle tout entière, comme l'Église fit l'œuvre spirituelle.

L'organisation intérieure de la France correspondait exactement aux exigences de la fonction extérieure. Pendant les cinq siècles consacrés à l'œuvre purement militaire, l'organisation nationale fut celle d'une armée toujours sur le pied de guerre. La hiérarchie sociale fut celle d'une armée. Le travail industriel, qui nourrissait ce grand corps, fut isolé. Il eut ses lois et son système à part, bien que maintenu dans une position subordonnée. Quant aux individus, ils purent, pendant longtemps, se placer presque à leur volonté, dans l'une ou l'autre de ces deux grandes divisions. Le courage saisit la première, la faiblesse prit la seconde. Aussi, dans les premiers siècles de notre monarchie, voit-on des hommes libres devenir bourgeois, ouvriers et colons, et un grand nombre de ceux-ci devenir hommes libres. Dans ces temps, la liberté n'était point comprise comme aujourd'hui : elle ne signifiait pas indépendance des individus, car tout le monde alors était lié à une fonction; tout le monde travaillait, et l'on appelait hommes libres ceux seulement qui ne payaient d'autre impôt que celui de leur sang et de leurs bras; et le mot Franc, qui signifie, en langue germanique et celtique, liberté et courage, servit à désigner dans toute l'Europe les chrétiens hommes de guerre. Plus tard, les enfants héritèrent des fruits de l'option de leurs pères.

Au onzième siècle, la France modifia son organisation intérieure. Elle commença simultanément deux nouvelles œuvres temporelles, sans cesser cependant de prendre une part et d'être encore en tête dans les grands dévouements catholiques. Elle commença l'œuvre scientifique, et, en même temps, l'œuvre d'homogénéisation de toutes les classes de citoyens entre elles. Elle fut donc, dans la direction des sciences, le premier pays d'université, et dans la direction d'égalisation, elle fut le premier pays où il n'y eut plus de serfs, ni de nobles. Elle opéra cette dernière révolution par l'unité monarchique et par l'unité de capitale. En sorte que, lorsque la France eut achevé l'évolution, qui se termina en 89, il se trouva qu'elle avait fait de Paris sa commune, la capitale intellectuelle de l'Europe, et qu'elle-même était un corps, ayant une ville pour tête et pour roi. Ainsi, la France, après avoir été pendant cinq siècles le monarque militaire de l'Europe, se trouva plus tard son monarque intellectuel.

Telles sont les généralités de l'histoire de France que nous nous proposons, non de développer, car l'espace nous manque, mais de prouver par l'esquisse historique qui va suivre. Il en résultera, comme conclusion évidente, que la révolution française est la fin d'une période de notre œuvre temporelle et chrétienne, et en même temps, comme toute chose humaine, le commencement d'une autre.

Nous avons été obligés, pour achever cette esquisse, de consulter particulièrement les écrits originaux et les commentaires historiques auxquels ils ont donné lieu. Le lecteur ne s'étonnera donc pas d'y rencontrer des choses qui lui seront peut-être encore inconnues. Presque toutes les histoires de France ont été écrites d'un point de vue autre que celui où nous nous sommes placés. Nous étions obligés de nous appliquer particulièrement aux faits qu'elles ont négligés. Nous avons donc été forcés de recourir, presque constamment, aux sources. Il est résulté de là un travail historique qui diffère grandement des livres que l'on lit habituellement. Le lecteur trouvera, au reste, dans le volume des préfaces et des études historiques, l'exposition et la justification de ce qu'il rencontrera de nouveau dans cette esquisse.

CHAPITRE II.

Histoire des Gaules dans le cinquième siècle.

Pour connaître le véritable esprit des révolutions qui occupèrent le cinquième siècle, il faut les étudier à leur point de départ dans le siècle précédent. C'est surtout par leur but moral, que les révolutions des Gaules se rattachent à l'histoire de l'humanité.

Dès le commencement du quatrième siècle, le christianisme était devenu le centre de toute l'activité politique de la société romaine. Constantin l'avait fait asseoir avec lui sur le trône, ou plutôt, le parti chrétien avait conquis l'empire.

Ce grand empereur n'adopta pas seulement la doctrine nouvelle, parce qu'elle lui donnait une nombreuse population pour appui. II voulut plus, et tout le prouve : il voulut rendre l'unité de croyance et de volonté à cette grande société qui tombait en ruine, depuis trois siècles, et qui en était arrivée à ce point de dissolution, qu'elle ne pouvait plus fournir un soldat pour la défendre, ni un empereur pour la gouverner. Aussi, en même temps qu'il fondait une capitale nouvelle et qu'il organisait un nouveau système d'admi

nistration, il s'occupa d'assurer l'unité de doctrines, en donnant au catholicisme l'autorité d'une religion de l'État. C'est dans ce but que fut assemblé, en 325, le concile de Nicée. Ce fut la première fois que l'on vit des députés de toutes les nations réunis sans distinction de naissance ni de race, pour représenter seulement une communauté morale et spirituelle. C'est aussi le premier exemple d'une assemblée représentative telle à peu près que nous la concevons aujourd'hui. Après quatre mois de délibération, ils mirent au jour cet acte fameux, fondement de la foi catholique, qui fut la première constitution du christianisme et qui était, pour ce temps, ce que serait pour le nôtre une nouvelle sanction des devoirs et des droits de l'homme. Aussi, dès ce moment, il n'y eut plus de troubles sérieux dans l'empire, qui n'émanât d'une hérésie; car il ne fut plus possible à personne de s'isoler des destinées communes, sans blesser la loi religieuse.

Parmi les questions qui furent décidées au concile de Nicée, il en est une que l'historien doit mettre en évidence, parce qu'elle eut plus tard les suites politiques les plus graves, et qu'elle fut comme l'occasion qui donna lieu à l'institution de la nationalité française. Elle était relative à la divinité de N. S. J. C. Arius vint soutenir, devant le concile, qu'il n'y avait qu'une seule nature en JésusChrist, ou, en d'autres termes, qu'il était seulement homme, et non pas Dieu. Cette objection fondamentale était celle par laquelle, depuis trois siècles, les païens avaient repoussé l'autorité et la sévérité des doctrines nouvelles. Elle devait donc se présenter, avec tout l'appareil de la science, le jour où l'Évangile était déclaré loi organique de l'empire. L'arianisme fut examiné, discuté, condamné, frappé d'anathème. Il est facile d'apprécier les motifs de l'excommunication qui fut lancée sur lui. Les Pères de cette sainte assemblée ne virent d'abord qu'avec horreur une opinion qui était contraire à la tradition constante et unanime de l'Église, ainsi qu'aux textes sacrés. De plus, cette hérésie, en niant la divinité de Jésus, remettait en délibération et en doute tous les dogmes qui étaient consacrés aux yeux des peuples, par le caractère divin de l'autorité dont ils émanaient; par suite, elle ajournait les conséquences politiques et civiles du christianisme. Or, à ce moment, dans l'intérêt de la conservation sociale, aussi bien que dans l'intérêt de l'amélioration des mœurs et des conditions civiles, il fallait agir, et pour agir, il fallait croire à l'infaillibilité des Évangiles. C'était l'égoïsme qui avait tué la société romaine; c'était le dévouement qui devait la reconstruire: or, pour se dévouer, il ne faut pas douter du but même de ses efforts. Les Pères du concile de Nicée

avaient donc raison, aussi bien sous le point de vue politique, que sous le point de vue dogmatique, lorsqu'ils condamnèrent l'arianisme; le pouvoir impérial, imbu de la même conviction, s'opposa par la force à son extension. Cependant il ne périt pas ; il se cacha sous une métaphysique obscure et difficile, et, par ce moyen, il se soutint comme école. Il eut d'ailleurs, dès son premier jour, pour partisans avoués ou secrets, tous ceux qui conservaient quelque chose de l'incrédulité païenne, ou de la fausse science des gnostiques, et ceux-là étaient très-nombreux. Aussi, on peut dire que, dès ce moment, le monde romain fut partagé par deux doctrines: le catholicisme et l'arianisme. Dans la première se trouvaient tous les hommes qui faisaient l'œuvre nouvelle; dans la seconde étaient ceux qui tenaient aux choses anciennes et qui préféraient leurs intérêts propres à ceux de l'humanité. La plupart des ariens étaient des hommes des hautes classes, soit parce qu'ils se sentaient menacés dans leurs habitudes et dans leurs intérêts, soit parce qu'ils purent s'instruire des subtilités de l'arianisme par la lecture car la puissance impériale ne pouvait faire plus contre cette hérésie, que d'en défendre la prédication publique. Au contraire, le peuple resta catholique; c'est un fait dont l'histoire de ce temps offre de fréquentes preuves. Toujours on trouve les ariens parmi les puissants ou les riches, et les catholiques parmi les pauvres.

D'ailleurs, diverses circonstances favorisèrent les progrès de la grande hérésie. Après Constantin, il y eut un empereur arien; comme, après Constance, il y eut Julien l'Apostat. L'arianisme était un quasi-christianisme, une sorte de prétendue doctrine gouvernementale, qui se prêtait à tous les rôles : c'était le refuge de tous les incrédules. Il était donc tolérant pour toutes les hérésies et tous les paganismes, intolérant pour la seule croyance catholique. En effet, au quatrième siècle et au commencement du cinquième, l'histoire nous le montre mêlé, uni, tantôt au paganisme, tantôt au manichéisme, dans les mêmes intrigues et dans le même but; les catholiques de cette époque durent appeler ariens tous ceux qui firent œuvre d'égoïsme.

Ce n'est pas ici le lieu de raconter comment il contribua à détruire l'empire romain. Il est facile de comprendre cependant que, lorsque, dans un même pays, deux croyances hostiles partagent la population, l'ambition des hommes incrédules spéculera sur les doctrines, afin de s'en faire un instrument de fortune. C'est, en effet, ce qui arriva dans les luttes auxquelles donnaient lieu les successions, toujours si douteuses et si embarrassées, du trône impérial. Le catholicisme n'était pas d'ailleurs, pour les hommes de

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