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§ CXXVIII.

7. Les décrétales Solita et Ad Apostolice.

Dans le même temps où Innocent III rendait les décisions que nous venons de rapporter au sujet de l'élection du roi d'Allemagne et de sa promotion à l'empire d'Occident (1), il se trouvait dans le cas de rappeler à l'empereur grec la véritable notion des rapports du saint-siége avec l'empire, ainsi que ceux du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. La lettre qu'il lui adressa à cette occasion, et qui vraisemblablement fut écrite dans l'année 1200, a été recueillie presque en entier dans les livres des Décrétales sous le titre de Cap. Solitæ, dans la section de Majoritate et obedientia (2). Comme nous avons déjà mentionné plusieurs fois cette décrétale (5), il nous suffira d'ajouter ici quelques développements pour faire connaître plus explicitement l'objet de ses dispositions.

Alexis III (4), ce prince débauché et cupide (5) qui ne craignit pas de profaner les tombeaux de ses ancêtres, sans épargner même celui de Constantin, pour s'enrichir de leurs dépouilles, avait, à l'instigation de son orgueilleuse épouse, ordonné au patriarche de Constantinople de s'asseoir sur un escabeau à ses pieds à gauche du trône (6), et essayé ensuite de justifier ce procédé auprès du pape en citant une foule de textes, tant de l'Ancien que du Nouveau Testament (7). Il croyait surtout pouvoir invoquer victorieusement l'exemple de Moïse, de Josué et de David, lesquels, disait-il, quoique revêtus de l'autorité temporelle, étaient cependant plus élevés en honneur et en dignité

(1) Gesta Innoc., c. 65 (Epist. Ed. Baluze, tom. I, p. 29).

(2) Cap. 6, X (I, 33).

(3) Supra § 89, 115, 116.

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(4) Gonzalez Tellez, Comment. ad Cap. Solitæ, n. 13 (tom. I, p. 827). (5) Schlosser, Weltgeschichte, vol. 3, t. I, p. 604 sqq.; tom. II, p. - Hurter, Geschichte Papst Innocenz III, vol. I, p. 506 sqq.

(6) Cap. Solitæ, cit. § Præterea, 4.

(7) § Verum si, 2.

que le grand prêtre, chef suprême du pouvoir spirituel dans l'ancienne Église. Innocent lui fit observer que Moïse était prêtre luimême; que Josué ou Jésus était la figure du véritable Jésus, et que David avait joui de cette prééminence, non comme roi, mais comme prophète; que, du reste, peu importait ce qui avait eu lieu dans l'ancienne alliance, la nouvelle ayant inauguré un ordre de choses également tout nouveau. Depuis que le Christ s'était offert en victime d'expiation sur la croix, non comme roi, mais comme pontife suprême, pour la rédemption du genre humain, le vicaire de Jésus-Christ sur la terre, le pontife, successeur de Pierre, ne pouvait pas être comparé au grand prêtre de la loi hébraïque, auquel il est bien supérieur en dignité et en puissance (1), et quand bien même on voudrait s'en référer à l'ancienne alliance, on y trouverait cette parole sortie de la bouche de Dieu même : Je t'ai établi pour arracher et pour détruire, pour édifier et pour planter (2). Or, à qui a-t-elle été adressée? A un roi? Non, mais à un prêtre, à un prêtre non de race royale, mais de race sacerdotale (3). Après avoir rappelé que les prêtres ont sur les rois l'avantage de porter dans l'Écriture le nom de dieux (4), Innocent développe la figure des deux flambeaux célestes (5) que nous avons reproduite ailleurs, et dans l'application qu'il fait de ce parallèle, il exhorte l'empereur à se proposer pour modèle l'exemple de ces rois et princes pieux, qui se levaient devant les archevêques et évêques de leurs royaumes et leur donnaient une place d'honneur à côté d'eux. A lui, ajoutait le раре, comme chef de l'Église, il appartenait de signaler aux rois euxmêmes et aux empereurs les fautes et les erreurs dans lesquelles ils étaient tombés, et de les reprendre au besoin, car ils faisaient aussi partie de son troupeau, et il avait à répondre devant Dieu du salut de toutes ses brebis. L'empereur n'avait sans doute pas oublié que c'était à Pierre et à ses successeurs qu'il avait été dit :

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Tout ce que vous lierez ou délierez sera lié ou délié; or ce mot tout ne comportait pas d'exception (1).

En terminant, Innocent exprimait l'espoir qu'Alexis saurait profiter de ses remontrances, car, quelque sévères que pussent paraître ses paroles, il ne les avait écrites que pour l'édification de l'empereur, pour le bien de l'Église et dans l'intérêt de la terre de Jérusalem (2).

Ces considérations étaient assurément assez puissantes pour que le pape s'appliquât de toutes les forces de son zèle à contenir Alexis dans les justes limites de ses droits vis-à-vis de l'Église. Aussi ne se bornait-il pas dans sa lettre à cette première démonstration de la prééminence du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel; il exposait encore le principe divin de l'union des deux puissances et les lois fondamentales de l'Etat chrétien, et traçait nettement à l'empereur, en lui rappelant l'exemple d'Emmanuel (3), la règle de ses devoirs envers l'Église, qui avait droit à tous ses respects. Innocent manifestait aussi le plus ardent désir de s'entendre avec Alexis au sujet de l'Eglise de Jérusalem car ce n'était que par l'action concertée de l'empereur et du pape qu'on pouvait espérer reconquérir la ville sainte qui, à la douleur de toute la chrétienté, à l'issue de la funeste bataille de Hittin (1185), était tombée au pouvoir de Saladin et n'avait pu ètre encore délivrée, malgré les efforts coalisés des princes croisés, Frédéric I, Philippe-Auguste et Richard Coeur-de-Lion.

Mais les espérances du pape ne furent point réalisées, même après l'érection d'un empire latin à Constantinople, sous le scoptre de Baudoin ler. L'avénement de Frédéric Ior au trône d'Allemagne les fit renaître un moment; le jeune monarque se montrait enflammé de zèle pour la conquête de la Terre Sainte. Innocent avait mis en lui toute son espérance; on sait combien elle devait être cruellement trompée; mais Dieu voulut épargner à ce grand pape la douleur d'une si douloureuse déception en le

1) S Nobis autem, 6.

(2) § Utrum, 7.

5) Voir la conclusion de la lettre dans Gesta Innov. II. loc. cit., p. 50.

rappelant à lui par une mort prématurée. Toutefois un autre désappointement lui était réservé, et celui-là devait lui venir d'un prince qui n'était point de la race des persécuteurs de l'Église (§ 127).

Innocent, ayant reconnu Othon IV comme souverain légitime de l'Allemagne, lui écrivit en ces termes : « Que celui qui tient « dans sa main les cœurs des princes et par qui les rois règnent « et les chefs des nations exercent leur puissance, daigne vous in« spirer de mesurer notre tendresse pour vous, plutôt sur les ef«fets que sur tout ce que nous en disons et pouvons dire, et faire « que tout ce que nous avons fait, faisons et pourrons faire pour << vous, vous le conserviez fidèlement dans votre cœur et que vous «<le graviez si bien dans votre mémoire, que vous ne puissiez ja<«< mais l'oublier ou le méconnaître, mais qu'au contraire vous <«< vous montriez plein de zèle pour l'exaltation du saint-siége, et que vous rendiez pleinement hommage à sa bienveillance, dont <«< il vous a donné une preuve éclatante, puisque, alors que votre << pouvoir avait perdu toute sa force, son affection pour vous ne «s'est point attiédie et ne vous a point abandonné dans la dé<< tresse, mais, au contraire, vous a soutenu et aidé si puissam«<ment, qu'elle vous a enfin conduit à l'éminente position à la<«< quelle vous aspiriez de tous vos vœux (1). »

On croirait voir dans cette lettre un pressentiment; en effet, l'ingratitude d'Othon ne put être surpassée que par celle de son successeur. La mort de Philippe avait remis sous son sceptre toutes les provinces d'Allemagne; le pape l'avait couronné empereur (1209). Parvenu au faîte de la grandeur et des félicités humaines, il ne se souvint plus des bienfaits passés, ni des promesses qu'il avait faites, ni des serments qu'il avait prêtés. Il ne songeait à rien moins qu'à étendre sa domination, non-seulement sur les États de l'Église, mais encore sur l'Italie tout entière. Après avoir soumis à ses armes une partie considérable des domaines pontificaux, il voulut couronner sou œuvre par la conquête de Naples. Le pape protesta vainement, par des représen

(1) Registr. Innoc. III. Ep. 32, p. 702.

tations pacifiques, contre toutes ces usurpations; il se vit contraint d'en venir aux moyens de rigueur; et ce même prince, qu'à peine un an auparavant il avait décoré du diadème impérial, il était obligé de le frapper d'anathème, pour avoir dégénéré des sentiments de ses ancêtres et violé la foi jurée (1).

La réprobation de l'Eglise, en tombant sur le trône d'Othon, changea en infortune le bonheur des premiers jours de son règne. Presque entièrement oublié, il ne put qu'à grand'peine se soutenir contre un rival inattendu, le tout jeune roi de Sicile, que la grande majorité des princes électeurs avaient élu pour leur souverain, en même temps qu'ils proclamaient la déchéance du monarque parjure.

Avec Frédéric II, une ère de paix et de tranquillité semblait devoir se lever pour l'Allemagne. L'accord le plus parfait régnait entre ce prince et le pape, dont l'indépendance politique avait été garantie par la promesse formelle de Frédéric, alors qu'il recevait la couronne de Sicile, comme une principauté distincte du royaume d'Allemagne et transmissible à ses descendants (2). Mais à la mort d'Innocent III, à qui Frédéric était attaché d'une affection toute particulière, une révolution fatale ébranla les antiques fondements de la constitution germanico-chrétienne, et sur ses ruines s'établit une législation nouvelle et comme un monde nouveau. L'esprit de foi du moyen âge semblait déjà faire place au génie politique des temps modernes. L'Église et l'État furent alors emportés dans la mêlée de cette lutte effroyable dont le dénoûment fut une rupture si complète entre les deux puissances, que jamais depuis leur réconciliation n'a complétement élé opérée. C'est à cette époque néfaste que commence cette décadence croissante de l'État chrétien, qui a eu pour dernier résultat de briser entièrement le lien qui unissait les deux puissances souveraines du monde.

Il n'est pas dans notre tâche de tracer ici le portrait de

1) Hurter, loc. cit., vol. II, p. 366. - Bohmer, Reg. Imp., p. 55,

note 39.

(2) Promissio de coron. Sicil. ab imp. sep., ann. 1216 (Pertz. Monum. Germ. hist., tom. IV, p. 228).

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