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reuses; mais toutes ces luttes, qui avaient promené la dévastation et le pillage dans les États de l'Église, les avaient épuisés, et avaient réduit le successeur de Pierre au plus complet dénûment. Déjà Grégoire IX et Innocent IV s'étaient vus réduits à la nécessité (1) d'imposer de nouvelles charges aux peuples chrétiens. Ce serait donc une grande injustice, en attribuant à Boniface VIII l'invention des annates, allégation qui, d'ailleurs, est complétement dénuée de fondement (2), que d'insulter à la mémoire de ce pape par une accusation de cupidité; car, s'il se vit dans le cas de lever un grand nombre de taxes sur des clercs et des laïques pour faire face aux divers besoins de l'Église, il put au moins se rendre ce témoignage, qu'en usant d'ailleurs d'un droit incontestable, il obéissait encore à des nécessités impérieuses. Il n'était pas question alors de ces coupables dilapidations des deniers des fidèles versés avec profusion dans le trésor de saint Pierre, qui affligèrent l'Église sous quelques papes d'une époque plus rapprochéc.

Dans une semblable situation, il était tout naturel que Boniface VIII songeât à protéger le clergé contre les charges extraordinaires et complétement illégitimes dont il était grevé en même temps par le pouvoir séculier. C'est dans ce but qu'il publia, dans l'année 1296, la bulle Clericis laicos, qui se trouve dans le recueil composé par ce pape, sous le titre De immunitate ecclesiarum (5). Voici les faits qui avaient donné lieu à la publication de cette bulle, ainsi qu'au différend élevé entre Boniface et Philippe le Bel (4).

(1) Döllinger, Lehrbuch der Kirchengeschichte, Bd. II. S. 244. (2) Thomassin, Vetus et nova eccles. discipl., p. III, lib. II, c. 58, n. 5, toin. VIII, p. 371.

(3) Cap. 3 (III, 25) in 6to

(4) (P. du Puy) Histoire du différend entre le pape Boniface VIII et Philippe le Bel, roy de France; Paris, 1555, in-fol. Adr. Baillet, Histoire des démeslez du pape Boniface VIII avec Philippe le Bel, Paris, 1718, in-8°. (On ne doit faire usage des documents reproduits dans ces deux ouvrages qu'avec la plus grande réserve, vu les altérations dont ils sont incontestablement entachés.) Bianchi, Della potestà e della politia della Chiesa, tom. 1, p. 91 c seg., t. II, p. 448 e seg. Döllinger, loc. cit., vol. II, p. 260 sqq. → Hæfler, Rückblick auf Bonifacius VIII (Denkschr.

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La guerre avait éclaté de nouveau entre le roi de France et Édouard Ier d'Angleterre, avec qui s'était allié Adolphe de Nassau. A l'exemple de son prédécesseur, Innocent III, que nous avons vu intervenir dans la querelle de Philippe et de Jean-sans-Terre, Boniface VIII avait déployé infructueusement tous les efforts de son zèle pour amener les deux monarques à conclure un traité de paix. Cependant ceux-ci, manquant de ressources pour continuer une lutte qui avait déjà duré plusieurs années, contraignirent tous les deux le clergé de leurs royaumes à leur venir en aide par des impôts très-onéreux; seulement ils s'y prirent chacun par une voie différente : Édouard força le clergé d'Angleterre à lui abandonner une partie notable de ses revenus; Philippe demanda et obtint la cinquième partie de tous les biens ecclésiastiques (1).

Ordinairement, rien ne sert à répandre sur les faits le jour de la certitude comme le regard jeté sur les circonstances historiques qui les ont précédés. Ici, c'est exactement le phénomène contraire qui se réalise; cet examen préalable ne fait que rendre les choses plus inexplicables.

Dans toutes les occasions, Boniface VIII avait manifesté une prédilection toute particulière pour la France et pour le roi Philippe, qu'il avait connu personnellement, comme légat du saintsiége, sous le pontificat d'Innocent; il n'avait reculé devant aucune démarche pour terminer à l'avantage de ce prince la guerre avec l'Aragon (2). Il avait plusieurs fois fait tous ses efforts pour retirer Adolphe de Nassau de la solde du roi d'Angleterre (3); il avait même engagé Édouard et son allié à déclarer qu'ils étaient disposés à cesser les hostilités. Eh bien, tous ces soins furent stériles, toutes ces peines perdues; Philippe fermait dédaigneusement l'oreille aux prières et aux invitations pressantes

d. Munch. Akad., Bd. XVII). Luigi Tosti, Storia di Bonifacio VIII e de' suoi tempi, 2 voll. de' tipi di Monte-Cassino, 1846.

(1) Raynald., Annal. eccles., ann. 1296, n. 22 (tom. XIV, p. 495 sq.). (2) Raynald., ann. 1295, n. 25, F. 478. Bianchi, loc. cit., tom. II

P. 481.

(3) Voy. Ics lettres du pape dans Raynald. Annal. eccles., ann. 1295, u. 15, p. 484; ann. 1296, n. 20, n. 21. p. 494.

du pape; et, enivré de l'orgueil de sa prospérité et de sa puissance, il ne voulait pas reconnaître (1) que, dans un état de choses tout basé sur le christianisme, comme l'était encore à cette époque la société politique dans tout l'Occident, s'il existait un cas qui imposât impérieusement à l'Église l'obligation de s'interposer de toute son influence, de toute son autorité même, c'était bien celui d'une guerre entre deux peuples chrétiens, où il s'agissait de détourner de dessus ces peuples les fléaux et les calamités qu'attirait sur eux l'inimitié de leurs rois. Mais ce que Boniface pouvait encore moins voir d'un œil indifférent, c'était une guerre alimentée en grande partie aux dépens de l'Église; aussi se prononçait-il avec énergie dans sa décrétale contre les usurpations des biens ecclésiastiques par les laïques, et contre la lâche négligence et la honteuse faiblesse des clercs, qui, cédant à une crainte indigne d'eux, toléraient ces abus et livraient les biens de l'Église sans avoir demandé l'autorisation du saintsiége (2). Il fulminait en conséquence l'excommunication, ipso facto, à la fois contre les ecclésiastiques qui trahissaient ainsi leurs devoirs, et contre les laïques qui se permettaient de s'attribuer le patrimoine de Jésus-Christ, et frappait en même temps d'interdit toutes les corporations qui prévariqueraient sur ce point. Il enlevait toute force obligatoire aux contrats stipulant l'aliénation de biens ecclésiastiques en faveur des laïques. Le pape déclarait en même temps que l'excommunication ne pouvait, hors le cas de danger de mort, être levée sans la permission du saintsiége; car, disait-il, il était de son devoir de poursuivre par des peines sévères l'horrible abus auquel les pouvoirs séculiers se livraient sans scrupule et sans retenue (3). Il abolissait en outre par cette bulle tous droits et priviléges quelconques accordés aux empereurs, rois et autres puissances politiques à l'endroit des biens de l'Église (4).

Pour apprécier sainement la décrétale Clericis laicos, il est

(1) Spondanus, Annal. eccles., ann. 1296, n. 2 (tom. I, p. 356). (2) Cap. Clericis laicos, pr.

(3)

Nos igitur, 1.

(4) Non obstantibus, 2.

nécessaire de se placer au point de vue du droit en vigueur à l'époque de sa publication. Ce droit reposait principalement sur les décrets du troisième et du quatrième concile de Latran (1), spécialement dirigés contre les autorités urbaines qui, sous prétexte de pourvoir aux besoins de leur cité, s'emparaient des dotations des églises. Il y avait menace d'excommunication contre ceux qui persévéraient dans ce système de spoliation, en même temps qu'il était laissé au libre arbitre des évêques de consentir les cessions de biens ecclésiastiques à l'autorité séculière, dans les cas notoires d'un besoin urgent; toutefois le quatrième concile de Latran avait ajouté la condition que l'évêque eût au préalable à prendre l'avis du saint-siége. A ces dispositions était venue s'ajouter une décrétale d'Alexandre IV, qui interdisait les taxes arbitraires, frappées en France sur les domaines du clergé par les seigneurs laïques et les magistrats des cités (2).

Ces diverses lois ecclésiastiques partent toutes également du principe général que la puissance séculière ne possède, à ce titre, aucune espèce de droit sur les biens de l'Église; il n'est pas fait, à la vérité, mention expresse des rois, mais ils n'en doivent pas moins être compris sous cette dénomination commune (3). D'ailleurs, il n'y avait jamais eu en France d'imposition extraordinaire levée par les rois sur les biens ecclésiastiques sans l'autorité formelle du pape (4), et Philippe lui-même avait sollicité, sans l'obtenir, cette autorisation de Nicolas IV (5). D'un autre côté, ces lois proclamaient solennellement le devoir qui incombait à l'Église, en cas de nécessité, de venir au secours de l'État (§ 114).

Ainsi la décrétale de Boniface n'introduisait point un droit nouveau. Prenant conseil des circonstances et des usurpations des

(1) Conc. Later. III, ann. 1179, can. 19 (cap. Non minus, 4, X, de Immun. eccles. III, 49). Conc. Later. IV, ann. 1215, can. 44 (cap. Ad

versus, 7, eod.).

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(2) Cap. Quia nonnulli, 1, de Immun. eccles. in 6to (III, 23).

(3) Bianchi, loc. cit., tom. II, p. 460.

(4) Thomassin, Vetus et nova eccles. discipl., p. III, lib. I, c. 43, n. 9

(tom. VII, p. 358).

(5) Id., ibid., n. 8, p. 385.

rois, qui se faisaient arme de tout dans la lutte acharnée qu'ils se livraient les uns aux autres, elle appliquait seulement à l'état des choses actuel, sous la sanction des peines canoniques, la législation déjà en vigueur (1). It va sans dire que cette bulle n'atteignait nullement les taxes déjà régulièrement établies, et que, par là même, elle ne tendait pas non plus à supprimer les obligations ni les charges féodales (§ 114).

Philippe ne vit néanmoins, dans la constitution du pape, qu'une atteinte portée à ses droits royaux, et il y répondit par une loi qui prohibait toute exportation d'argent du territoire français (2). Dans la défense étaient comprises, non pas seulement d'une manière implicite, mais en termes exprès, les sommes que la dévotion des fidèles envoyait annuellement à Rome. Cette disposition, complétement nulle et de nul effet, en présence des lois du royaume (3), impliquait, en outre, une nouvelle et sacrilége violation (§ 114) des droits de propriété de l'Église. En effet, parmi ces sommes se trouvaient les impôts volontaires levés au profit du saint-siége, et de plus, une foule de legs qui avaient pour objet le salut des âmes et surtout la délivrance de la Terre Sainte (4). Pour tranquilliser le roi, si avare du bien de ses sujets lorsqu'il s'agissait d'alimenter les trésors du saint-siége, mais qui ne rougissait pas d'avoir recours pour lui-même à la falsification des monnaies (5), Boniface s'empressa de publier divers commentaires de sa décrétale (6). Il lui donnait l'assurance que s'il était nécessaire de venir à son aide dans un cas de détresse avec les biens de l'Église, toutes les richesses, jusques aux calices et au matériel du culte, seraient mises volontiers à sa disposition, ajoutant que toutes les taxes régulièrement établies, ainsi que les dons volontaires, restaient en dehors de l'application

(1) Tosti, loc. cit., vol. I, App., p. 307.

(2) Phil. Reg., Const. Ad statum prosperum, ann. 1296 (Du Puy, loc. cit., Preuves, p. 13). — Tosti, loc. cit., vol. I, p. 147.

(3) Cap. Quæ in ecclesiis, 7. Cap. Ecclesiæ S. Mariæ, 10, X, de Constit 1, 2 Innoc. III).

(4) Bianchi, loc. cit., tom. II, p. 468.

(5) Ausculta, fili (Du Puy, loc. cit., p. 50).

(6) Bianchi, loc. cit., tom. II, p. 458.

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