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Personne mieux que Georges Bruk, chancelier de la Saxe électorale, ne sut, dès l'origine, apprécier l'importance de cette absorption du gouvernement spirituel pour les intérêts politiques de l'État dont il dirigeait l'administration (1). Il s'était constitué l'âme des tendances usurpatrices des souverains de cette époque, et si parfois il se manifestait, du côté des théologiens protestants, une certaine velléité de se rapprocher de l'ancienne constitution de l'Église, il se produisait aussitôt, du côté de la puissance séculière, une résistance ardente et opiniâtre contre laquelle leurs vains efforts allaient se briser (2).

Depuis longtemps ennemi de la hiérarchie de l'Église, l'État considérait les droits ravis si facilement au corps épiscopal et à son chef, à la faveur d'une guerre proclamée juste et méritoire, comme une conquête précieuse et légitime dont, à aucun prix, il ne voulait plus se dessaisir. Au fait, cette guerre n'avait point eu pour but l'extension de la liberté allemande, mais uniquement l'affermissement de la puissance territoriale (3). Rien n'avait été plus loin de la pensée des souverains qui y avaient pris part, que de servir d'auxiliaires à un pouvoir spirituel subsistant à côté d'eux; au contraire, les princes allemands n'avaient rien eu tant à cœur que de s'ériger eux-mêmes en chefs spirituels. C'était là une position parfaitement appréciée, même hors de l'Allemagne, comme Henri VIII le prouva en prenant ces princes pour modèles dans l'établissement de sa suprématie. Et c'est ainsi que, tant en Angleterre qu'en Allemagne, le résultat de la rupture avec Rome fut qu'à la place d'une papauté cléricale qui la gouvernait de loin avec le glaive spirituel, l'Église réformée s'était donné une papauté laïque, siégeant immédiatement au-dessus d'elle et la tyrannisant avec le glaive temporel ! Aussi, à quoi pouvaient aboutir tous les efforts qui furent tentés par les théologiens protestants pour obtenir le gouvernement spirituel qu'ils revendiquaient, si ce n'est à accélérer davantage le développement de la puissance

(1) Menzel, loc. cit., vol. 1, p. 337 sqq.; vol II, p. 19.

(2) Id., ibid., vol. II, p. 380.

(3) Riffel, loc. cit., vol. II, p. 14. ·

spirituelle des souverains? C'est ce qui se réalisa spécialement par l'établissement des consistoires (1), dont la première création eut lieu dans la Hesse électorale en 1542 (2). Cette institution avait directement pour objet de resserrer de plus en plus le cercle d'action des théologiens (3), tombés dans un tel état de servitude (4), qu'ils osaient à peine parler encore des prévarications du peuple, bien loin d'avoir le courage de reprocher aux princes leurs iniquités (5). Après cela, il n'y a pas lieu de s'étonner en voyant déjà, en l'année 1557, Capito, l'ami de Luther, établir en principe (6) que l'Église devait être gouvernée par les souverains, réunissant en leur personne la puissance spirituelle et la puissance temporelle, et d'autres théologiens en appeler à l'autorité de la sainte Écriture pour justifier la juridiction spirituelle des pouvoirs civils (7). Leur zèle, à cet égard, allait si loin, que, la traduction luthérienne ne les servant pas à leur gré, ils faisaient, pour cette fois, à la Vulgate, l'insigne honneur de la citer, et produisaient à l'appui de leur thèse ce passage des Psaumes (8): Attollite portas, principes, vestras, et elevamini, portæ æternales, et introibit rex gloriæ.

Capito, qui avait fait l'éducation politique de son souverain conformément à tous ces principes, et qui avait justifié le baptème forcé en s'appuyant sur cette étrange opinion, que les enfants n'appartiennent point à leurs parents, mais à l'État, lui avait aussi inculqué cette idée, que tout prince qui tolérait la messe

(1) Eichhorn, loc. cit., p. 254.

(2) Richter, loc. cit., p. 88.

(3) Menzel, loc. cit., vol. I, p. 240; vol. IV, p. 299.

(4) Döllinger, vol II, p. 280, 410, 495, 511, 555.

(5) Id., ibid., vol. II, p. 288.

(6) Responsio de missa, matrimonio et jure magistratus in religionem. Döllinger, loc. cit., vol. II, p. 12.

(7) Menzel, loc. cit., vol. III, p. 536.

(8) Psalm. XXIII, 7 et 9: Dans Hieron. Divin. bibliotheca (Opp. t. IX, col. 1145), la leçon originale porte : « Levate, portæ, capita vestra, et elevamini, januæ sempiternæ, et ingrediatur rex gloriæ. » Luther traduit : Ouvrez les portes du monde, etc. Le passage d'Isaïe, XLIX, 23, qui donne aux rois le titre de Nutritii, se serait encore mieux prêté à l'application; il est vrai qu'il ajoute : « Vultu in terram demisso adorabunt te, et pulverem pedum tuorum lingent. >>

dans ses États ne valait pas mieux que le Grand Turc. Pour des hommes aux yeux desquels l'Église romaine était l'Église de l'Antechrist, cette idée avait le mérite d'être rigoureusement logique, et conséquemment inattaquable sous ce rapport; l'anéantissement de l'Église était la déduction nécessaire du protestantisme. Il fallait donc que, partout où cette hérésie parvenait à prendre pied, toute trace de catholicisme fut effacée, détruite, anéantic, et que la persécution la plus implacable frappât les individus encore attachés à l'ancienne croyance. C'est, en effet, ce qui arriva dans un nombre considérable d'États et de villes d'Allemagne, sous la domination du glaive des rois ou des magistrats. Partout où le pouvoir venait à se séparer de l'Église catholique, on le voyait aussitôt, et avec un succès encore plus rapide que dans la Saxe électorale, dont on prenait les institutions religieuses pour modèle, s'appliquer de toutes ses forces à opérer la réforme dans le sens de l'affermissement de la puissance spirituelle dans ses propres mains.

Nulle part le lutheranisme ne s'établit plus rapidement qu'en Prusse, grâce à l'ardeur qu'y mit Albert de Brandebourg, grand maître de l'ordre auquel appartenait ce pays, et qui vit son zèle récompensé par l'élévation de ce même pays en duché, dont il devint le souverain (1526). Mais un des princes qui contribuèrent le plus au développement de la puissance civile en matière spirituelle, ce fut Philippe de Hesse (1), qui, après avoir négocié quelque temps avec les synodes et la diète, finit bientôt par se proclamer chef spirituel dans ses États, avec des pouvoirs illimités. Son exemple trouva de nombreux imitateurs: Ernest, duc de Brunswick-Lunebourg, et Georges, margrave de Brandebourg, se donnèrent aussi l'investiture pontificale. Georges, duc de Saxe, était resté fidèle à l'Église; mais, à sa mort (1539), Henri (2), son successeur, voua au catholicisme une haine encore plus vio

(1) Histor. polit. Blætter, vol. XIV, p. 537 sqq.; p. 457 sqq.; p. 734 sqq. Vol. XV, p. 769 sqq. Vol. XVI, p. 81 sqq. — Vol. XVIII, p. 224 sqq.,

p. 449 sqq.

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(2) Menzel, loc. cit., vol. I, p. 141. - Riffel, loc. cit., vol. II, p. 675. -Ranke, Geschichte Deutschlands im Zeitalter d. Reform, vol. IV, p. 135 sqq.

lente que les autres; toutefois il ne fut donné qu'à son fils Maurice (1541) de consommer la révolution dans le duché. Dans l'électorat de Brandebourg, le changement de religion avait, à la même époque, des conséquences analogues : Joachim Io, prédécesseur de Joachim II (1539), gagné au lutheranisme par sa mère, trouva dans Mathias de Jagow un évêque qui mit lui-même la main avec le zèle le plus ardent à la destruction de l'antique Église de Pierre (1). La maison de Bavière restait encore alors fermement dévouée à la foi catholique; mais, sous le règne de Frédéric II, et surtout à dater de celui d'Othon-Henri (1556), le lutheranisme envahit aussi le Palatinat, ainsi que le Wurtemberg. Il fut puissamment secondé par Philippe de Hesse, à l'influence duquel le duc Ulrich dut son rappel dans ce dernier État, d'où il avait été banni (1534), et qui consacra tout son règne à gagner à la nouvelle doctrine les petits États de l'Empire, comme le Mecklembourg, Waldeck et plusieurs autres. Le même succès couronna les efforts de l'électeur de Saxe dans les États d'Anhalt et de Mansfeld, et ceux du duc de Brunswick-Lunebourg dans Hoya et Diepholz. Il n'y eut pas jusqu'à l'archevêque de Cologne, Hermann de Wied, qui, en l'année 1545, ne passât au protestantisme, ce qui ne l'empêcha point de se voir dépossédé de son la révocation de son titre.

siége par

En présence de ces envahissements du protestantisme, les États catholiques cherchèrent un secours dans la constitution de l'empire; mais les adhérents du symbole luthérien formaient un puissant parti politique (2), qui n'entendait se laisser tracer aucune limite, fût-ce même en vertu des lois de l'État, et se mirent ouvertement en opposition avec la constitution germanique. Telle fut l'attitude que prit, notamment, la confédération de Schmalkade, formée dès l'année 1531, et qui reçut par la suite une extension très-considérable. Les princes confédérés s'engageaient à s'assister mutuellement dans le cas où l'un d'eux, ou un de leurs sujets, serait attaqué ou violenté pour cause de religion, ou toute

(1) Menzel, loc. cit., vol. II, p. 152. — Riffel, loc. cit., vol. II, p. 682. (2) Menzel, loc. cit., vol. II, p. 17 sqq.

chose s'y rattachant. Les progrès de cette ligue, cause permanente de trouble pour la paix du pays, et qui s'était permis, entre autres attentats, de chasser de ses États Henri de Brunswick (1542) (1), forcèrent l'empereur de prendre les armes et de marcher contre les hérétiques. La victoire de Charles-Quint (2), près de Mühlberg (24 avril 1547), où Maurice, duc de Saxe, et Jean-Georges, électeur de Brandebourg, combattaient aux côtés de l'empereur, releva la cause du catholicisme (5); mais la perfidie de Maurice de Saxe la compromit de nouveau, et ce premier avantage fut entièrement perdu. Maurice avait obtenu la dignité d'électeur à la place de Jean-Frédéric, fait prisonnier à la bataille de Mühlberg, puis condamné à mort, mais gracié par CharlesQuint, qui avait commué sa peine en une prison perpétuelle. Chargé d'exécuter la sentence qui mettait la ville de Magdebourg au ban de l'empire, il tomba tout à coup, après avoir conclu un traité d'alliance avec la France, sur l'empereur, qui n'était nullement préparé à cette agression subite, en même temps que son allié, le roi Henri II, enlevait à l'empire Metz, Toul et Verdun. Charles se vit forcé de signer le traité de Passau (1552), qui annulait tout ce qui avait été stipulé après la victoire de Mühlberg, par l'insertion de plusieurs clauses provisoires, posait les bases du traité de paix religieuse conclu à Augsbourg, en 1555, entre les États catholiques et ceux de la confession d'Augsbourg. Par ce traité, l'empire d'Allemagne était transformé en État paritétiste, tandis que la position des souverains protestants vis-à-vis de l'Église catholique demeurait, dans leurs États respectifs, la même que précédemment.

C'est ainsi que s'établit l'égalité religieuse des États immédiats de l'empire, égalité très-incomplète, qui ne profita, relativement, qu'à un bien petit nombre d'individus, et qui eut toujours pour

(1) Elster, Charakteristik Heinrichs des Jüngern, Herzogs zu Braunschweig und Lüneburg. Braunschweig, 1845. Histor. polit. Blætter, vol. XVI, p. 97 sqq.

(2) Menzel, loc. cit., vol. III, p. 101 sqq.

(5) Neue Sammlung der Reichsabschiede, vol. II, p. 550 sqq. Eichhorn, Deutsche Reichs- und Rechtsgeschichte, vol. IV, § 498.

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