grand pour eux, qu'ils sont moins disposés à vivre dans les rapports de paix et de bonne harmonie avec l'Église, et à lui restituer la puissance qui, d'après l'institution divine, lui appartient exclusivement, et dont ils l'ont dépouillée à leur profit. Nous avons montré précédemment dans quelle mesure a eu lieu cette spoliation; l'histoire de notre siècle nous en offre le résultat; nous allons maintenant en esquisser le tableau. Hélas! ces conséquences sont immenses, déplorables! elles ont abouti à mettre l'Église, presque par toute la terre, dans l'impuissance d'exercer dans toute leur plénitude ses pouvoirs spirituels, tels qu'ils lui ont été transmis par le Christ; et c'est là l'œuvre du pouvoir temporel! Si, depuis que l'Église existe, l'État, dans les rapports qu'il a naturellement avec elle, ne s'est approché qu'à de très-rares intervalles de la réalisation du droit divin, il n'est que trop vrai de dire que, de nos jours, il en est presque partout extrêmement éloigné. Nulle part il n'existe plus d'État catholique, dans le sens véritable du mot; et, à l'exception de ceux qui portent encore ce nom parce qu'ils font profession de catholicisme, mais qui ne le justifient point par la réalité du fait, l'Église ne se voit entourée de toutes parts que de gouvernements et de peuples dont elle est obligée de désapprouver le système religieux, sinon à cause de leurs institutions en elles-mêmes, du moins pour les principes qu'elles consacrent relativement à la position de ces gouvernements vis-à-vis de la puissance ecclésiastique et du catholicisme en général. Toutefois elle reconnaît le droit positif et la situation qu'il a enfantée comme un effet de la permission divine; elle n'omet nulle part le devoir qui lui incombe d'enseigner aux sujets l'obéissance envers leurs souverains, et attend patiemment de la miséricorde de Dieu qu'il veuille bien encore une fois faire la grâce aux puissances temporelles de les amener à une réconciliation sincère avec son Église. Un coup d'oeil rapide sur les divers États du monde suffit pour faire connaître la situation actuelle: le paganisme et l'islamisme, le schisme et l'hérésie se sont partagé la domination de l'Asie et de l'Afrique. C'est à peine si l'Église peut approcher du tombeau de son époux: il faut qu'elle en mendie l'accès auprès des Turcs et des schismatiques (1). Dans ces deux grandes parties du monde, la vraie religion n'a trouvé à jeter ses racines que çà et là, le plus souvent sous la protection des armes françaises. En Europe (2), la situation des catholiques dans les États du sultan, du czar et des rois scandinaves est toujours encore des plus précaires. En Russie, il est vrai, la liberté de conscience est accordée aux étrangers (3), et la profession religieuse n'est pas un obstacle à l'admission aux emplois publics; tous les traités de partage (4), ainsi que la constitution donnée par Alexandre Ier à la Pologne, en 1815 (5), ont. garanti aux catholiques des deux rites une entière liberté dans l'exercice de leur culte; le statut organique de l'an 1832 promet également à la religion catholique romaine la protection spéciale et la bienveillance du gouvernement (6); mais, dans la pratique, grâce aux progrès du système de russification, les choses se passent tout autrement (7); et, bien que le moment solennel où le czar Nicolas se vit en présence du vénérable chef de la chré (1) Hist. polit. Blætter, vol. II, p. 319 sqq.; vol. V, p. 1 sqq., p. 704 sqq.; vol. XVIII, p. 1 sqq.; v. XIX, p. 65 sqq.; vol. XX, p. 129 sqq., p. 321 sqq.Il est peut-être permis d'espérer de voir sous peu un patriarche résidant à Jérusalem. : (2) Walter, Kirchenrecht, § 54. - Permaneder, Handbuch des gemeingültigen katholischen Kirchenrechts, § 97 sqq. Wo auch eine statistische Uebersicht der Bevolkerung der einzelnen Staaten nach Berschiedenheit der Confession gegeben wird. (3) Ukas v 22 juli 1763, art. 6; Ukas v. 21, April 1785. — (Theiner), Die neuesten Zustande der katholischen Kirche beider Ritus in Polen und Russland. Docum. 58, 89, p. 202 sqq. (4) Traité signé à Varsovie le 18 sept. 1773, art. 5 (Theiner, loc. cit., n. 55. p. 198). Traité à Grodno le 13 juillet 1793 (n. 63, p. 208). Theiner, loc. cit. (5) Berfassung des Koenigreichs Polen vom 27 nov. 1815, Buch. II, § 11. - § 14 (Poliz, die Europæischen Berfassungen seit dem Jahre 1789 bis auf die neueste Zeit, vol. 3, p. 24). - La constitution du 5 mars 1815 assurait à la ville de Cracovie le maintien de la religion catholique et le libre exercice de tous les cultes chrétiens (art. 1 et 2). (6) Org. Stat. v. 26 febr. 1832, art. 5 (Politz, loc. cit., vol. 3, p. 37). (7) Gregor. XVI, P., Alloc. hab. in consist., 22 nov. 1839.- Histor. polit. Blætter, vol. IV, p. 739 sqq. tienté (1) ait fait une vive impression sur le cœur de l'autocrate, Pie IX n'en était pas moins forcé, à la fin de l'année 1847, d'élever la voix (2) sur les obstacles sans fin apportés à la conclusion d'un accord entre Rome et Saint-Pétersbourg, pour l'amélioration du sort des catholiques russes. Depuis lors il y a eu, dit-on, un concordat de signé, mais les clauses n'en sont pas conmues (3). En Suède et en Danemark, les catholiques jouissent du libre exercice de leur religion, mais ils sont exclus de toutes les fonctions civiles et politiques; et en Norwége, il a fallu toute la persévérance du storthing pour leur obtenir une égalité complète avec les protestants (4). Mais ce qui dévoile plus clairement encore la position de l'Église dans ces différents États, ce sont les peines portées contre ceux qui ont le courage de rentrer dans son sein. Dans l'empire du grand sultan, la conversion d'un mahométan et le retour d'un renégat sont également punis de mort; en Russie, l'abjuration d'un grec schismatique est suivie de la confiscation de sa fortune et de la perte de tout emploi; en Danemark (5) et en Suède (6), l'apostasie de la pure doctrine évangélique du lutheranisme entraîne l'expatriation, la déchéance des droits héréditaires et civils (7). Comme contraste à opposer à ces États infidèles, hérétiques ou schismatiques, on peut citer les États européens, où, comme en Espagne, à Naples, en Sardaigne et dans les provinces pontificales, la religion catholique est seule autorisée; cependant, mème dans ces pays, il est permis aux ambassadeurs apparte (1) Hist. polit. Blætter, vol. XVII, p. 290 sqq. (2) Pii IX, P., Alloc. hab. in consist. 17 decbr. 1847. — Hist. polit. Blætter, vol. XXI, p. 64. (3) Buss, Concordate (Freiburger, Kirchenlexikon, vol. II, p. 758) (VII). (4) Histor. polit. Blætter, vol. XX, p. 437. (5) Christ. V, Gesetsb., vol. VI, kap. 1, art. 1. (6) Schewed Strafgesetsb, kap. 1, §3. (7) Le triste sort du peintre Nielson est encore vivant dans le souvenir de tout le monde. Allgem. Zeit., Jahrg. 1844, n. 107: p. 854; n. 109, p. 870; n. 250, p. 1999; 1848, n. 41, p. 653 sqq. nant à une religion séparée de l'Église de réunir dans leurs chapelles, pour vaquer à leur culte commun, les étrangers de leur confession, placés généralement sous la protection des lois. Il y a eu, dans ces derniers temps, des concordats conclus avec les gouvernements espagnol et napolitain (1); le premier est tout récent, le second date déjà de 1821. Après la conclusion de celui-ci, dans lequel était établi le droit de libre appel au saintsiége, dans toutes les causes spirituelles, le gouvernement renouvela son ancienne prétention à ce que l'on appelle la monarchia sicula (2), privilége du roi de Naples, comme legatus natus du saint-siége, d'exercer, dans un certain cercle d'affaires, la juridiction ecclésiastique (3). En Toscane, à Modène, Parme et Plaisance les étrangers jouissent du culte domestique ou du culte privé. L'Autriche a accordé aux Grecs de son territoire qui ne font point partie de la confédération allemande, ainsi qu'aux protestants de la confession d'Augsbourg et de l'Église helvétique, l'égalité civile et politi que, et assez généralement, notamment en Hongrie, l'exercice public de leur religion (4). Tous ces États néanmoins justifient l'observation qui a été faite, que la confession du pouvoir n'implique pas nécessairement, en fait, la distinction, rigoureuse en principe, du gouvernement spirituel et du gouvernement tempoporel; il n'est pas jusqu'aux États de l'Église où le pouvoir temporel n'ait du payer son tribut à l'esprit du temps (5). Dans les vingt-deux cantons de la Suisse, la situation religieuse présente une grande variété. Dans neuf d'entre eux, Lucerne, Uri, Schwytz, Unterwalden, Zug, Fribourg, Soleure, le Tessin et le Valais, la religion catholique a été jusqu'ici reconnue comme celle du cercle cantonal. Dans le canton du Valais, la constitution renferme un article portant que « la religion (1) Supra, not. 3, p. 306. (2) Lupoli. Prælectiones juris canon., tom. II, p. 236. — Guerra, Constit. Pontif. Epit., tom. II, p. 241 sqq. (3) Buss, loc. cit., IV, p. 757. (4) Helfert, die Rechte und Berfassung der Akatholiken im Desterr. Kaiserstaate (3 édit. Prag. 1843), p. 4, 59, 125, 205. (5) Histor. polit. Blætter, vol. XVIII, p. 444. sainte, catholique, apostolique et romaine, est exclusivement «la religion de l'État; qu'elle seule a un culte public; que la loi « pourvoit à ce qu'elle ne soit inquiétée ni dans son enseigne<«ment ni dans son exercice. » Six autres cantons professent le calvinisme; ce sont : Zurich, Berne, Bale, Schaffhouse, Vaud et Genève; six autres: Glaris, Saint-Gall, le pays des Grisous, Argovie, Thurgovie et Neuchâtel, auxquels s'est réuni le demicanton de Bâle-Campagne, sont paritétistes. Enfin, Appenzell, divisé en rhodes intérieures et rhodes extérieures, est catholique dans les premières et réformé dans les secondes. Relativement à la position de l'Église catholique en Suisse, le pape a conclu, avec les différents États, des traités spéciaux, dont les clauses sont consignées dans les bulles de circonscription, ratifiées par les gouvernements des cantons respectifs. Depuis l'année 1830, où, dans la plupart des pays de la confédération, le droit public s'est complétement transformé, le canton d'Argovie s'est fait remarquer entre tous les autres par l'extrême violence de sa haine contre l'Église et surtout contre les couvents. Les événements de 1847 ont mis les pouvoirs de toute la Suisse dans les mains du radicalisme, c'est-à-dire d'un parti (1) qui s'est imposé pour tâche l'anéantissement de l'Église. En France, la charte de 1830, en vigueur jusqu'à la Révolution de février, proclamait le catholicisme comme la religion de la majorité des Français. Elle accordait en même temps aux luthériens et aux calvinistes le libre exercice de leur culte et l'égalité des droits civils et politiques; elle donnait enfin généralement à tous les Français et habitants du sol de la France la liberté de conscience la plus large (2). Il est d'ailleurs hors de doute que, sous Louis-Philippe, l'Église a joui dans ce royaume de bien plus d'indépendance que sous la Restauration (5) (1) Histor. polit. Blætter, vol. XX, p. 700 sqq., vol. XXI, p. 50 sqq. Buss, loc. cit., IX, S. 758.. Voir les constitutions respectives des cantons dans Politz, loc cit., p. 257 et suiv. (2) La charte du 4 juin 1814, art. 5, 7, proclamait la religion catholique religion de l'État. Histor. polit. Blætter, vol. XXI, p. 561. (3) Buss, loc. cit., III, p. 756. p. 437 sqq. Histor. polit. Blætter, vol. XV, |